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 superbe,  me'permeUait de cheminer  auN.  O.  O.;  
 mais  on  conçoit  facilement  que  la  rencontre  inattendue  
 des  deux  derniers  brisans  devait m’engager  à  
 des mesures de prudence  en  ces  dangereux  parages.  
 Ainsi je passai la nuit en panne ; mais de bonne heure,  
 le  jour  suivant,  nous  nous  remîmes  en  route.  Le  
 vent souffla  avec violence  au S.  E.  ;  le soir,  de  fortes  
 raffales  soulevèrent une grosse  mer. A  la nuit,  nous  
 mîmes à la cape,  et  courûmés  des  bordées  de  quatre  
 heures  chacune. 
 Vers trois  heures du matin,  le  ciel  se  chargea,  et  
 nous  essuyâmes  quelques  grains  de  pluie.  A  cinq  
 heures  nous  fîmes  route  à  l’O .  N.  O . ,  filant  six  ou  
 sept noeuds. La veille  le courant nous  avait portés  de,  
 vingt-quatre milles  au  N.  N.  O . ,  et les  observations  
 de la journée me prouvèrent que les courans n’avaient  
 pas  été  de moins de  trente-quatre  milles  au N. N. O.  
 dans les  vingt-quatre heures  dernières.  Avis  aux  .navigateurs  
 qui  auront à fréquenter  cette  partie de l’O-  
 céan-Pacifique. 
 Dès  que j ’eus  connaissance de  ce  fait,  je me  hâtai  
 de mettre le cap au S.  O . ,  de peur de dépasser les récifs  
 septentrionaux  de  la Nouvelle-Calédonie  sans  les  
 voir. Nous  suivions  cette  route  depuis  quelques  minutes  
 seulement,  lorsqu’à  midi  quinze  minutes,  la  
 vigie  annonça  leur présence sur bâbord,  à sept milles  
 de distance environ.  Bientôt nous  les vîmes de dessus  
 le pont, et reconnûmes qu’ils  formaient la pointe nord  
 du  récif  oriental,  exploré  par  d’Entrecasteaux  en  
 mai  1793.  Nous  passâmes  à  quatre  milles  de  cette 
 pointe,  poursuivant  notre  route  au  S.  O.  ;  et  nous  
 nous assurâmes que loin de se prolonger vers le nord,  
 le brisant se replie  sur lui-mème,  et  forme  un  enfoncement  
 de  six  milles de  profondeur,  sur treize milles  
 de largeur. 
 La petite  île  Huon, basse,  boisée et  d’un mille  de  
 circuit,  est  la  seule  partie  de  ce  récif qui  s’élève au-  
 dessus  du  niveau  de  la mer. A  deux  milles  à l’ouest  
 de cet îlot,  le récif court presque directement au nord,  
 l’espace de neuf milles,  et  se  termine  par  une pointe  
 étroite que surmontent  quelques  roches  nues,  et qui  
 ne sont  élevées  que  de  quelques  pieds  au-dessus  du  
 niveau  des  eaux. 
 Il  faut  avoir  soin  de  se tenir  en  garde  contre  l’approche  
 de  ces  tristes brisans ;  tenté par le désir de les  
 reconnaître  plus  exactement,  je  m’en  approchai  de  
 trop près ,  el  j ’eus  lieu de m’apercevoir que  les  courans  
 portaient avec beaucoup de force à l’ouest.  Il me  
 fallut  serrer  toul-à-coup  le  vent  tribord  amures,  et  
 prolonger un moment ces  coraux menaçans au vent et  
 à  moins  d’un  mille  de  distance.  En  de  pareils  momens  
 ,  combien  un  capitaine  fait  de  voeux  ardens  
 pour  repousser un  calme perfide qui le laisserait sans  
 espoir de salut!... 
 Enfin  à trois  heures  précises  nous  étions  hors  de  
 tout danger ;  nous fîmes une  station où  M.  Jacquinot  
 observa des angles  horaires,  justement  à deux milles  
 au  nord  des  rochers  dont  nous  venons  de  parler.  
 L’un  d’eux  surtout,  haut  de  quinze  ou  vingt  pieds,  
 est  plus  remarquable  que  les  autres,  et  le  récif  ne 
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 1B27. 
 Juin. 
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