(luire la corvcUe vis-à-vis et l ’a ttaquer à coups de canon.
Cependant le naturel qui v enait d’être tué et ceux qui pouvaient
av o ir été blessés nous donnaient de vives inquiétudes
sur le sort de nos compagnons prisonniers. Des parens du mort
pouvaient exercer des vengeances que les chefs n’auraient peut-
être pu ni v ou lu réprimer. On ne v o y a it vraiment pas de
moyen certain pour se les faire rendre. L e sort de M . F a r a gu
e t , élève de l ’E c o le P o ly te ch n iq u e , était surtout d éplorable:
ca r quand devait finir sa captivité? Les m a te lo ts , en servant
auprès des ch e fs , eussent été moins malheureux.
U n vent très-frais empêcha, le jo u r su iv an t, de rien entreprendre.
On v o y a it toujours le.s travaux de Mafanga se pousser
jo u r et n uit avec la plus grande a c tivité . On en v it sortir une
petite p iro gu e montée par trois indiv idus , la q u e lle , en se d ir ig
eant avec beaucoup d’efforts du coté de P a n g a ï-M o d o u , avait
cha viré plusieurs fois. L o rsq u ’elle fut à portée d’être p r is e ,
on arma un cano t qui co u ru t dessus et s’en empara. E lle se
dirig e ait réellement vers la co rv e tte ; le mauvais temps seul
a v a it rendu sa manoeuvre douteuse ; elle contenait M . F a ra g
u e t , con d u it par deux A ng la is dont Singleton était un. En
a r riv an t à b o rd , M. F'araguet dut v o ir à Témotion g én é ra le , et
surtout dans les personnes de Tétat-m.ijor et du commandant,
combien nos craintes av a ien t été vives p ou r lui.
11 ra conta que T a b o fa le ren v o y a it en ga rdant les autres;
que tout ce qu’il y av a it de combattans dans Tîle éta it réuni silice
point p o u r le défendre; que les chefs mêmes, comme Paloii
et T o u b o qui étaient lo in de p a r ticip e r à Tactioii de T a b o fa ,
.se réunissaient à lu i dans cette circonstance : c ’était un p o in t
d’honneur et en même temps un acte religieux . T a b o fa , en
se séparant de M . F a ra g u e t , osa lu i tendre la main en signe
d’am itié , comme s’il ne sc fût rien passé. Il dit qu’après av o ir
été enlevé du c a n o t , il fut dépouillé de ses vêtemens par un
parent de P a lo u , qui lui faisait signe que c ’était p ou r q u ’ iin
autre ne le fît p a s , et afin de les lui rendre; ce q u ’ il fit réellement
en ar rivant chez le chef. I l le rudo yait même tant .soit
peu p our mieux ca cher ses bonnes intentions. L a p iro gue et
les A n g la is furen t renvoyés.
L e lendemain , VAstrolabe ap p areilla , et alla prendre position
le lo n g du r é c if qui est devant Mafanga. Nos prisonniers
y étaient rendus ; on les v o y a it se promener sur la p lag e .
On p u t même p a r le r à Tun d ’eux avec le p o r te -vo ix . I l d it
d’ eni o y er un canot à terre , qu’on les rendrait. U n cano t fut
expédié en parlementaire avec un p a v illon blan c ; mais c était
un leurre p ou r s’en em pa re r; ca r lo rsqu’il fut à portée , on lu i
tira un coup de fusil dont la b a l le , p ar le plus b eu reu x des h asards
, traversa les deux bords sans blesser personne. E n même
temps un autre coup fut tiré près de ce lu i de nos gens avec
leq u e l on causait p o u r lu i faire signe de rentrer dans le fort.
T o u t moyen de co n c ilia tio n étant é p u is é , le commandant
assembla son c o n s e il, qui fut d’avis d’attaquer avec le canon.
On avait à craindre que les naturels n ’exposassent nos hommes
à nos propres coups ou qu’ils ne les massacrassent, lorsque
quelques -un s d’entre eux vien draien t à être tués. Ils furent
p lus généreux que nous ne le supposions. On tira donc toute la
soirée à boulets et à mitra ille . Nous étions un peu trop é lo ign
é s , et nos co u p s ne p roduisaient pas d’effet. L e lendemain
la corvette fut mise à un e encablure du r é c if , et la canonnade
continua ainsi pendant deux jours . De leu r côté ils ripostaient
avec des fusils dont les balles nous dépassaient de b e a u co
u p . L eu r s redoutes, quo ique faites de sable, étaient creusées
si p rofondément et tellement épaisses, que nos boulets de
douze ne produisaient dessus aucun effet. Le s cocotiers seuls
tombaient a v e c fracas. T o u s ces guerriers au nombre de deux
mille poussaient quelquefois des cris effroyables. A prè s que
notre ar tille rie leu r eut fait plus de p eur que de m a l, quelques-
uns s’enhardirent ju squ ’à nous narguer par des g es tes , et à
venir cb ercher les boulets sur la plage.
Nous fûmes très-contens lo rsque nous vîmes que nos hommes
étaient bien traités et qu’on permettait même à ce lui qui était
blessé de v enir la v e r sa plaie sur le bo rd de la mer. On ne leur
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