Une partie de IVquipage e l de l ’é ta t-m ajo r passa la nuit dans
les embarca tions , comme on av a it fait la ve ille . M o u ta y o ,
étant revenu de Moua , me fit présent d’un cocbon et d’une
b onne provision d’ignames.
L e a 3 a v r il au m a t in , M . L o t tin rev ien t de chez les missionnaires,
tout surpris de nous trou v e r encore deb out ; ca r , eu
voyant les violentes secousses qu’ép rouv ait T Astro la be au mo ment
où il la q u it ta , et le voisinage si redoutable des ré c ifs , il
éta it parti dans la p énib le co n v ic tio n que p eu d ’heures après
notre navire serait brisé. C e t officier av a it été parfaitement
a c c u e i lli, A Hifo , p ar madame Thoma s et p ar M . et madame
Hutchinson : ces bonnes dames , touchées ju squ ’aux larmes
de notre fâcheuse p o s it io n , faisaient de ferventes prières p o u r
notre délivrance.
C e ne fut que le 24 a v r il, après a v o ir échoué encore une fois,
que nous parvînmes à être hors de danger. Nous restâmes ainsi
en perdition p endan t plus de trois jo u r s ; e t , dans cette position
si longuement désespérante, on v o y a i t , p a r un contraste
assez s in gu lie r , tous nos hommes en costume de dimanche ou
de n a u fr a g e , comme on voudra l’ap p e le r , c ’est-à-dire vêtus de
leurs meilleurs habits. Dans un de ces momens les plus c r it iq
u e s , nous primes une très-b elle espèce de poisson , non co n nue
des naturalistes : e lle fut aussitôt dessinée et décr ite sous
le nom de Labre perdition.
L ’A stro la be , solidement con s truite , ne fu t p o in t aussi en dommagée
que des échouages si fréquens auraient p u le faire
cra in d re ; mais nous perdîmes deux grosses ancres et presque
toutes les p e tite s , que les marins désignent p ar le nom A’ ancres
à j e t , et qui sont d’une indispensable nécessité dans les mers
que nous avions encore à p a rcou r ir . Dès que nous fûmes a r r ivés
au mouilla ge de P a n g a ï-M o d o u , les chefs et leurs p rin cipaux
conseillers ou mata-boulais, qui ava ient constamment
vécu à b o r d , et p o u r lesquels nous mettions un second co u v e rt
après le n ô t r e , furent récompensés de leu r bonne conduite.
Bientô t une abondance exces.sivc, en toutes sortes de vivreslit
coinplèlement o u b lie r à l’équip age toutes les fatigues qu’ il
v ena it d’ép rouver ; on était singulièrement satisfait d’obtenir
une poule p o u r trois grains de verre b le u , e l d’en a v o ir cinq
ou six p our une bo u te ille vide. D e p lu s , la m e illeure harmonie
régn a it alors entre nous et les indigènes.
L e 4 m a i, je vais avec M . d’U rv ille chez les missionnaires.
No u s partons de bonne h eu re ; l ’A ng la is à v o ix fêlée (R i t ch
e t t) nous sert de p ilo te ; nous laissons à droite Tîle A ta t a ,
q u i est celle où ont lieu les rassemblemens m ilita ir e s , lo rsqu’il
s’a g it de faire au dehors que lque grande expédition ; et à dix
heures nous étions à H i fo , chez M . John Th oma s . Le s D ia lo gues
p o ly g lo tte s de madame de Genlis sont le premier objet
q u i v ient frapper nos regards.
Nous parcouron s avec le missionnaire les environs de son
v i l la g e , et nous allons nous reposer quelques instans a Tom-
b re de très-beaux ca suarin as , presque entièrement couverts
d’une grande espèce de ch a u v e - so u r is , qui ne crain t ni l ’eclat
du jo u r ni le soleil du trop ique : elle nous a p aru différente
de ce lles qui ont été décrites jusqu’à ce jo u r , et nous lu i avons
donné le nom de roussette de Tonga.
L e chef de H i f o , nommé A t a , dîna avec nous chez M . T h o mas.
I l était en grand co s tume, e’es t-à -dire o rn e , ou mieux
armé d’un fo r t beau co llie r , composé de v in g t- s ix énormes
dents de ca cha lo t taillées en pointe a ig u ë , assez fortement
recourbées et longues de b u it pouces.
Je remis à madame Hutchinson une très-jolie vue de P a r -
rama tta, dans la N o u v e lle -G a lle s du S u d , qui lu i était offerte
par notre hab ile dessinateur M . de Sa inson. Nous avions appris
que cette jeun e et charmante dame était née à Parramatta
même.
A v an t de quitter les mis s ion n a ires , M . d’U rv ille et moi nous
les priâmes de v o u lo ir bien accepter quelques présens sans
doute bien légers ; mais c’était to u t ce dont nous pouvions
disposer : nous étions des quasi-naufragés. L e 5 m a i, a cinq
heures du matin , nous étions de re tour à bord de l ’A s tro la b e ;