IS27.
Avril.
Je fis part à M. Thomas de la résolution que j ’avais
prise de me mettre sous la protection de Palou,
Tahofa et Lavaka, au cas où nous viendrions à perdre
notre navire ; il répondit que je ne devais nullement
compter sur ces trois hommes, que malgré toutes
leurs belles protestations, ces gens n’avaient ni foi
ni loi, et que je devais me méfier principalement de
Tahofa. Là-dessus il me vanta beaucoup le caractère
et les dispositions du chef Toubo, qui avait accueilli
dans son district les deux prédicateurs de Taïti, qui
avait embrassé lui-même le christianisme, et qui protégeait
en toute occasion les Européens. Sur cela il me
présenta ce chef qui avait une figure fort douce et des
manières assez agréables ; mais une excessive timidité
régnait dans son maintien comme dans ses actions,
et la présence de Palou et de Tahofa le gênait infiniment.
Je lui fis cependant des amitiés et des présens,
et sur-le-champ je proposai à M. Thomas, en
cas de naufrage, d’aller m’installer avec tout l’équipage
de tAstrolabe sur le territoire de Toubo, et de
former une ligue défensive avec ce chef et ses sujets
contre le reste de l’ile. Mais le missionnaire ne parut
nullement goûter cette ouverture, non plus que
Toubo lui-même, qui parut troublé à l’idée seule de
se voir en guerre avec les autres chefs.
Singleton, que j’interrogeai touchant le rang de
fo u b o , convint qu’effectivement c’était à lui qu’eût
appartenu la dignité de touï-kana-kabolo ou premier
chef temporel de File , comme elle avait été occupée
par son père Toubo, du temps de d’Entrecasteaux.
Mais l’expulsion du touï-tonga, le caractère faible et 1S27.
timide de Toubo l’avaient empêché de réclamer les Avril,
droits qu’il tenait de sa naissance ; l'accueil même qu’il
faisait au christianisme contribuait encore à le déconsidérer
parmi ses compatriotes. Singleton avouait du
reste que c’était un bon et honnête ch e f, et que le
village de Nioukou-Lafa reconnaissait son autorité.
Ritchett qui vivait sous sa protection ne tarissait pas
non plus en louanges sur le compte de Toubo. Mais
je vis bientôt que je ferais une grande école en plaçant
mon espoir dans un homme sans influence et sans
énergie, au milieu de peuples aussi avides et aussi en-
treprenans.
Un moment après, M. Thomas me présenta Hala,
chef du canton de Hifo , où la Mission est établie, et
il me pria de lui faire quelques cadeaux , comme à un
homme auquel ils avaient de grandes obligations. Je
me prêtai volontiers à ses désirs, et comme Singleton
m’apprit que Hata était un des guerriers les plus renommés
de Tonga, je voulus tenter si je ne serais pas
plus heureux avec lui qu’avec Toubo. Je demandai à
M. Thomas s i , en cas de désastre, je ne ferais pas
bien de me transporter, avec tout l’équipage de l’A s trolabe
, dans le district de Hifo, sous la protection
de Hata et près de la résidence des missionnaires. Cette
proposition parut le mettre tout-à-fait mal à son aise :
il répondit en tergiversant que Hata ne pourrait pas
nous protéger contre les forces entières de File, que
son district ne pourrait pas suffire à notre consommation
, qu enfin cette démarche de ma part causerait