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 Krusenslern.  Nous  n’avons  rien  remarqué  qui  ressemblât  
 à une terre, rien même qui parût en annoncer  
 la  proximité.  Néanmoins  l’horizon  était  d’une  pureté  
 admirable,  et  nous  eussions  parlàitement  distingué  
 une  île  haute  à  douze  ou  quinze  lieues  de  distance.  
 On  doit  en  conclure,  ce  me  semble,  que  cette  île  
 n’existe point,  du  moins  qu’il  y  a  une grande  erreur  
 dans  le  journal  de  Maurellc.  Peut-être  l’île  dont  il  
 a  parlé  sous  le nom de Vasquez  n’étail-elle  pas autre  
 chose  que  Sunday,  visible  à  quinze  lieues  de  distance, 
  mais  située à 5° plus au  sud.  Quoi qu’il en soit,  
 nous  avons  cru  devoir  rayer  l’île  Vasquez  de  dessus  
 notre carte de l’Océanie. 
 Nous  jouissons  désormais  d’un  beau  temps,  et  
 nous  nous  flattons  d’avoir  enfin  rencontré  les  vents  
 alisés.  On  a  distribué  aujourd’hui  à  l’équipage,  pour  
 son dîner,  du boeuf conservé par le procédé d’Appert  
 qui  s’est  trouvé  de bonne qualité. 
 J ’emportais  de  la  Nouvelle-Zélande  deux  oiseaux  
 apprivoisés  assez  curieux.  C’était un  gros  perroquet  
 à couleurs  sombres  [Psàtacus  nestoi),  et  un  Ivuï ou  
 merle  à  cravatte  [^Philedon  circinnalam).  Ils ont  été  
 subitement attaqués de dyssenteric ; l’un est mort hier  
 au  soir,  et  j ’ai  perdu  l’autre  cet  après-midi.  Probablement  
 l’air de  la mer et  le  climat  trop  chaud ont  été  
 funestes  à  ces  animaux. 
 A six heures quarante-deux minutes du matin, nous  
 avons  mis  le  cap  au  N.  N.  O.  '/,  N.  Le  ciel  a  commencé  
 à  se  couvrir,  la  houle  du  S.  O.  a  beaucoup  
 grossi,  et  le  thermomètre a monté de 22  à  2G°. 
 A cinq heures  quarante  minutes du  soir, quelques  
 personnes ont  cru distinguer  la  terre  dans  fO . N. O.  
 Comme  ce  ne  pouvait  être  autre  chose  qu’Eoa,  j ’ai  
 laissé  porter  au  N.  O .,  pour  mieux  la  reconnaître  
 avant  la  nuit. Mais  à six heures  le temps  s’était  lout-  
 à-fait  gâté,  des grains de pluie et  de vent  se  sont succédés  
 à  de  fréquens  intervalles ; il a fallu diminuer de  
 voiles  et  rester  aux petits  bords  pour  la  nuit. 
 De minuit au jour, le vent a varié du N. N. E. auN.,  
 en  redoublant  de  force,  en  même  temps  que la mer  
 a  grossi. A  huit  heures  du matin,  c’était un  coup de  
 vent  furieux du  N.  O .,  avec  des  raffales  pesantes  et  
 des  grains  de  pluie  si  épais  qu’on ne distinguait rien  
 d’un bout du  navire  à l’autre.  Toutes  les voiles furent  
 serrées  à  dix  heures  vingt  minutes;  la  violence  du  
 vent et des  flots fut telle que nous  fûmes réduits à fuir  
 quelque  temps sous  le petit foc.  Enfin, nous prîmes la  
 cape  sous  celte  voile  et  celle d’étai  de  cape.  Une mer  
 courle,  dure et très-creuse, fait éprouver à la corvette  
 des  saccades  très-pénibles,  et  qui  pourraient lui être  
 fatales si sa carène n’était pas aussi solide. Pour comble  
 d’ennui, nous  éprouvons  une  chaleur insupportable,  
 et  une  humidité  destructive  a  pénétré dans toutes  les  
 parties du  navire. 
 Ces  contrariétés  nous  suggèrent  encore  une  fois  
 de bien  tristes  réflexions.  Le  mauvais  temps  semble  
 acharné à nous poursuivre sur tous les points du globe.  
 A  peine  apparaissons-nous  dans  la  zòne  torride  où  
 nous comptions  sur quelque  repos,  c’est  pour  y  essuyer  
 un  coup  de  vent  dont  la  fureur  ne  le  cède  en 
 182.7. 
 Avril.