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 d’Eoa.  Au jour,  nous  reconnaissons  que  les  courans  
 nous  ont portés  de près  de  dix milles  sur cette île,  et  
 nous  gouvernons pour passer  entre Eoa et  Eoa-Tchi. 
 A  sept  heures  du matin,  le  ciel  se  chargea  subitement  
 de toutes parts  ;  le vent sauta du nord au sud-est  
 où il  souffla  avec  une  violence extrême,  accompagné  
 d’éclairs,  de  tonnerre et de torrens de pluie,  qui nous  
 plongèrent dans une  obscurité presque  complète. On  
 ne  pouvait  songer  à  gagner  le mouillage  dans  un pareil  
 moment,  il  fallut  carguer  toutes  les  voiles  à  la  
 hâte  et  rester  à  la  cape  pendant une heure  que  dura  
 ce grain  furieux.  Sur les huit heures,  le ciel s’éclaircit  
 peu  à peu,  le  vent fléchit,  et nous augmentâmes  successivement  
 de voiles  en  nous  rapprochant de Tonga-  
 Tabou,  dont nous commencions à découvrir les terres  
 basses  entre  Eoa  et  Eoa-Tchi. 
 Vers  midi,  nous  donnions  dans  la  passe  formée  
 par  cette  dernière  île  et la pointe  orientale de Tonga-  
 Tabou,  en  ne  passant  guère  qu’à  deux  cents toises  
 de cette  pointe.  Nous étions poussés  par une brise de  
 S.  E.  assez  favorable,  tout  en  recevant  de  temps  en  
 temps  des  grains  de  pluie qui  nous masquaient  l’horizon. 
   Je  m’attendais  à  voir  arriver  plusieurs  pirogues, 
   et à trouver parmi ceux qui  les monteraient des  
 hommes  capables  de me diriger  vers  le mouillage  :  il  
 fallut  renoncer  à  cet  espoir,  car il  ne  vint  qu’une petite  
 pirogue  montée par un  seul  homme  incapable de  
 me  rendre  aucun  service.  L ’orage  violent  qui  avait  
 éclaté dans  la matinée et la mer encore agitée par suite 
 de  la  bourrasque,  avaient sans doute empêché les au-  ,8,,.  
 tres  insulaires  de  sortir  de leurs cabanes.  Avril. 
 Toutefois,  à l’aide des plans de Cook  et de d’Entrecasteaux, 
   je comptais atteindre le mouillage de Pangaï-  
 Modou.  Pour rester maître de  ma manoeuvre, je prolongeais  
 de  très-près  le  récif qui  ceint  la partie septentrionale  
 deTonga-Tabou. Quoique la brise fût molle  
 et irrégulière, je réussis  à m’avancer l’espace  de cinq  
 milles dans le canal,  au gré de mes  désirs; je me félicitais  
 déjà  d’avoir fait  le plus difficile,  et d’avoir placé  
 la corvette hors de tout danger : mais dans  ce moment  
 même  le  vent  varia au S. et au S. S. O .,  en diminuant  
 beaucoup,  et  le  courant  commença à me porter vers  
 les  récifs  de  dessous  le  vent.  Pour  surcroît  d’infortune  
 ,  la mer  était tout-à-fait pleine,  la tourmente de  
 la matinée avait complètement décoloré  les eaux dans  
 toute  l’étendue du chenal,  de manière qu’il nous  était  
 impossible de distinguer la  ligne des récifs,  ordinairement  
 si  apparente.  Dans  une  pareille  conjoncture,  
 tenter  de  sortir  était  encore  plus  dangereux  que  dé  
 chercher  à  pénétrer  plus  avant  dans  le  canal,  et  je  
 choisis ce dernier parti. 
 A  deux heures quarante minutes,  le jeune Cannac 
 quej’avaisétablien vigiesurles barres, commel’homme 
 sur lequel je comptais le plus,  s’écrie tout-à-coup que  
 les brisans  nous  cernent  de  toutes  parts,  et  qu’il  ne  
 distingue  aucun  passage.  J’étais  certain  que  le  canal  
 existait  sur bâbord,  mais  les  eaux  troubles  et les re-  
 moux  violens  qui régnaient  en  ce moment ne permettaient  
 pas  de  discerner  la partie libre d’avec  celle que