1827. vrons pour nous maintenir à une distance raisonnable
d’Eoa. Au jour, nous reconnaissons que les courans
nous ont portés de près de dix milles sur cette île, et
nous gouvernons pour passer entre Eoa et Eoa-Tchi.
A sept heures du matin, le ciel se chargea subitement
de toutes parts ; le vent sauta du nord au sud-est
où il souffla avec une violence extrême, accompagné
d’éclairs, de tonnerre et de torrens de pluie, qui nous
plongèrent dans une obscurité presque complète. On
ne pouvait songer à gagner le mouillage dans un pareil
moment, il fallut carguer toutes les voiles à la
hâte et rester à la cape pendant une heure que dura
ce grain furieux. Sur les huit heures, le ciel s’éclaircit
peu à peu, le vent fléchit, et nous augmentâmes successivement
de voiles en nous rapprochant de Tonga-
Tabou, dont nous commencions à découvrir les terres
basses entre Eoa et Eoa-Tchi.
Vers midi, nous donnions dans la passe formée
par cette dernière île et la pointe orientale de Tonga-
Tabou, en ne passant guère qu’à deux cents toises
de cette pointe. Nous étions poussés par une brise de
S. E. assez favorable, tout en recevant de temps en
temps des grains de pluie qui nous masquaient l’horizon.
Je m’attendais à voir arriver plusieurs pirogues,
et à trouver parmi ceux qui les monteraient des
hommes capables de me diriger vers le mouillage : il
fallut renoncer à cet espoir, car il ne vint qu’une petite
pirogue montée par un seul homme incapable de
me rendre aucun service. L ’orage violent qui avait
éclaté dans la matinée et la mer encore agitée par suite
de la bourrasque, avaient sans doute empêché les au- ,8,,.
tres insulaires de sortir de leurs cabanes. Avril.
Toutefois, à l’aide des plans de Cook et de d’Entrecasteaux,
je comptais atteindre le mouillage de Pangaï-
Modou. Pour rester maître de ma manoeuvre, je prolongeais
de très-près le récif qui ceint la partie septentrionale
deTonga-Tabou. Quoique la brise fût molle
et irrégulière, je réussis à m’avancer l’espace de cinq
milles dans le canal, au gré de mes désirs; je me félicitais
déjà d’avoir fait le plus difficile, et d’avoir placé
la corvette hors de tout danger : mais dans ce moment
même le vent varia au S. et au S. S. O ., en diminuant
beaucoup, et le courant commença à me porter vers
les récifs de dessous le vent. Pour surcroît d’infortune
, la mer était tout-à-fait pleine, la tourmente de
la matinée avait complètement décoloré les eaux dans
toute l’étendue du chenal, de manière qu’il nous était
impossible de distinguer la ligne des récifs, ordinairement
si apparente. Dans une pareille conjoncture,
tenter de sortir était encore plus dangereux que dé
chercher à pénétrer plus avant dans le canal, et je
choisis ce dernier parti.
A deux heures quarante minutes, le jeune Cannac
quej’avaisétablien vigiesurles barres, commel’homme
sur lequel je comptais le plus, s’écrie tout-à-coup que
les brisans nous cernent de toutes parts, et qu’il ne
distingue aucun passage. J’étais certain que le canal
existait sur bâbord, mais les eaux troubles et les re-
moux violens qui régnaient en ce moment ne permettaient
pas de discerner la partie libre d’avec celle que