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 A'"'-  si  sa  destruction devait avoir lieu,  surtout pendant la 
 nuit.  Dans ce dernier cas ,  il  devenait impossible aux  
 matelots de sauver  aucune partie de leurs  effets ,  et  il  
 y  avait même  tout  sujet de craindre  que  dans  le  désordre  
 inséparable  d’un  pareil  moment,  plusieurs  
 personnes ne vinssent à périr,  lorsqu’elles  voudraient  
 chercher leur salut dans les  embarcations.  Car je dois  
 faire  remarquer qu’à  l’endroit  où  se  trouvait l’Astrolabe  
 ,  nous  étions  éloignés d’une  demi-lieue des  ilôts  
 les plus  voisins ,  et de  près  d’une  lieue des  rivages de  
 la grande  ile. 
 Je crus  donc que l’humanité me prescrivait de  faire  
 transporter d’avance à terre  une  quarantaine de personnes  
 pour  les  mettre  en  sûreté  et  diminuer  pour  
 les  autres le danger de la  fuite,  quand le moment fatal  
 arriverait.  En  outre,  je  pensais  qu’en  prenant  ce  
 parti,  je  procurerais  à  chaque  homme  le  moyen  de  
 conserver des  effets  de rechange.  La  chaloupe aurait  
 porté dans  la  soirée  ces hommes  et  ces  effets  sur  la  
 petite île de Pangaï-Modou ,  où ils  se  seraient  établis  
 de  leur  mieux ;  puis  elle  serait  revenue  à  bord  pour  
 retourner  prendre  ces  hommes  dès  que  le  moment  
 du danger eût été passé. 
 Dans  une circonstance  aussi  solennelle,  avant de  
 recourir a une pareille mesure,  je crus devoir prendre  
 lavis  de  tous  les  officiers.  Ils  furent  convoqués,  et  
 ils décidèrent  presque à l’unanimité que ce  parti était  
 1 unique  a prendre pour obvier au moins en partie aux  
 malheurs  qui nous menaçaient. 
 En conséquence,  un coup de sifflet fut donné pour  
 intimer  à  chacun  l’ordre  de  faire  un  paquet  de  ses  
 effets  les  plus  nécessaires  ,  et  borné  seulement à un  
 seul  rechange  et  à  deux  ou  trois  chemises.  Mais  en  
 cette  occasion  ,  nous  pûmes  encore juger  combien  le  
 matelot  est  peu  capable  de  raisonnement  ;  malgré  
 l ’ordre  donné,  an moment où l’on voulut embarquer  
 les  paquets dans  la chaloupe,  la  plupart  d’entre  eux  
 étaient  énormes  et  pesaient  de  quarante  à  cinquante  
 livres; nou contens d’y  empiler tous  leurs effets,  plusieurs  
 y  ajoutaient  de  sales  guenilles  qu’on  ne  se  fût  
 pas  donné  la peine de ramasser par  terre ;  d’autres  y  
 joignaient  des  amas  de  coquilles,  de  curiosités,  etc.  
 En  un  mot,  il  ne  se  trouva  pas  de  place  dans  la  
 chaloupe  pour  recevoir  tous  ces  énormes  sacs,  
 indépendamment  des  hommes  qui  devaient  aussi  s’y  
 embarquer. 
 II  fallut suspendre l’opération.  Tous les  sacs furent  
 ridés  l’un  après  l’autre  en présence  du  lieutenant,  et  
 l’on  n’y  conserva  que  les  objets  nécessaires.  Quand  
 on  en  vint  à  les  embarquer  dans  la  chaloupe,  cette  
 manoeuvre faisant soupçonner sans doute aux naturels  
 notre intention de quitter la corvette,  produisit parmi  
 eux  un mouvement  subit.  Par  une  impulsion  simultanée  
 ,  toutes  les  pirogues  se  rapprochèrent de  l'A s trolabe  
 avec  un murmure confus  de  sinistre présage.  
 Je ne  sais  trop  ce  qui en  serait arrivé,  si  à  ma  prière  
 Palou et  Tahofa ne se  fussent levés  pour  commander  
 aux  insulaires  de  se  retirer.  Ceux-ci  obéirent,  et  la  
 tranquillité  fut rétablie.  Mais je  vis  avec  regret que je 
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