1827. sort qui allait être réservé à l’équipage de ¡’Astrolabe,
A'"'- si sa destruction devait avoir lieu, surtout pendant la
nuit. Dans ce dernier cas , il devenait impossible aux
matelots de sauver aucune partie de leurs effets , et il
y avait même tout sujet de craindre que dans le désordre
inséparable d’un pareil moment, plusieurs
personnes ne vinssent à périr, lorsqu’elles voudraient
chercher leur salut dans les embarcations. Car je dois
faire remarquer qu’à l’endroit où se trouvait l’Astrolabe
, nous étions éloignés d’une demi-lieue des ilôts
les plus voisins , et de près d’une lieue des rivages de
la grande ile.
Je crus donc que l’humanité me prescrivait de faire
transporter d’avance à terre une quarantaine de personnes
pour les mettre en sûreté et diminuer pour
les autres le danger de la fuite, quand le moment fatal
arriverait. En outre, je pensais qu’en prenant ce
parti, je procurerais à chaque homme le moyen de
conserver des effets de rechange. La chaloupe aurait
porté dans la soirée ces hommes et ces effets sur la
petite île de Pangaï-Modou , où ils se seraient établis
de leur mieux ; puis elle serait revenue à bord pour
retourner prendre ces hommes dès que le moment
du danger eût été passé.
Dans une circonstance aussi solennelle, avant de
recourir a une pareille mesure, je crus devoir prendre
lavis de tous les officiers. Ils furent convoqués, et
ils décidèrent presque à l’unanimité que ce parti était
1 unique a prendre pour obvier au moins en partie aux
malheurs qui nous menaçaient.
En conséquence, un coup de sifflet fut donné pour
intimer à chacun l’ordre de faire un paquet de ses
effets les plus nécessaires , et borné seulement à un
seul rechange et à deux ou trois chemises. Mais en
cette occasion , nous pûmes encore juger combien le
matelot est peu capable de raisonnement ; malgré
l ’ordre donné, an moment où l’on voulut embarquer
les paquets dans la chaloupe, la plupart d’entre eux
étaient énormes et pesaient de quarante à cinquante
livres; nou contens d’y empiler tous leurs effets, plusieurs
y ajoutaient de sales guenilles qu’on ne se fût
pas donné la peine de ramasser par terre ; d’autres y
joignaient des amas de coquilles, de curiosités, etc.
En un mot, il ne se trouva pas de place dans la
chaloupe pour recevoir tous ces énormes sacs,
indépendamment des hommes qui devaient aussi s’y
embarquer.
II fallut suspendre l’opération. Tous les sacs furent
ridés l’un après l’autre en présence du lieutenant, et
l’on n’y conserva que les objets nécessaires. Quand
on en vint à les embarquer dans la chaloupe, cette
manoeuvre faisant soupçonner sans doute aux naturels
notre intention de quitter la corvette, produisit parmi
eux un mouvement subit. Par une impulsion simultanée
, toutes les pirogues se rapprochèrent de l'A s trolabe
avec un murmure confus de sinistre présage.
Je ne sais trop ce qui en serait arrivé, si à ma prière
Palou et Tahofa ne se fussent levés pour commander
aux insulaires de se retirer. Ceux-ci obéirent, et la
tranquillité fut rétablie. Mais je vis avec regret que je
TO.ME IV. 2