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Palou et les autres chefs de Tonga y étaient restés totalement
étrangers. Dans un conseil du matin, ils
avaient même improuvé la conduite de Tahofa, et
avaient émis le voeu que les prisonniers fussent remis
entre mes mains. Mais Tahofa s’y était vivement opposé;
et la crainte qu’il Inspirait retenant les autres
chefs, il avait été arrêté, par manière d’arrangement,
qu’on me renverrait les prisonniers qui ne voudraient
pas rester à Tonga-Tabou , mais qu’on garderait les
autres. Singleton m’assura du reste qu’on n’avait fait
aucun mal à nos hommes, et qu’on avait donné l’ordre
de les faire tous rejoindre à Mafanga.
J’exprimai vivement mon indignation contre la conduite
perfide et déloyale des naturels, et surtout
contre l’infâme trahison de Tahofa, qui avait été constamment
comblé d’amitiés et de présens à bord.
I f Anglais répondit que la conduite de Tahofa était
en effet très-coupable, mais que ce chef n’avait pas pu
résister à la tentation de posséder quelques Européens
à son service. Tous les chefs le blâmaient vivement,
Palou surtout qui paraissait désolé de ce qui
était arrivé. Mais tout en redoutant la puissance de
Tahofa et ses desseins ambitieux, personne ne se sentait
de force à s’opposer à lui. A cela je répondis que
je pardonnais volontiers à Palou et aux autres chefs,
que ma vengeance serait uniquement dirigée contre
Tahofa, et je priai Singleton d’insinuer à ses rivaux
que, s’ils voulaient s’unir à moi, je leur promettais
mon assistance pour écraser Tahofa et délivrer leur
lie de ce chef turbulent.
J’appris que les naturels tremblaient surtout que je
ne dirigeasse mes efforts sur Mafanga, et que je ne
vinsse à profaner ce sanctuaire de leur ile. Singleton
me fit observer qu’en un pareil cas la population tout
entière se soulèverait pour voler à la défense de Mafanga
; qu’en ce moment plus de deux mille guerriers
se trouvaient déjà rassemble's dans son enceinte, et
qu’il en arrivait à chaque instant de toutes les parties
de Tonga-Tabou.
Je répondis à Singleton que j ’allais pourtant être
réduit à prendre ce parti, attendu que je ne pouvais
songer à aller attaquer Tahofa dans sa résidence à
Bea ; que j ’allais m’embosser devant Mafanga pour
canonner cette place, et que je ne la quitterais qu’après
l’avoir complètement ruinée. J’ajoutai que j ’avais
à bord six mille livres de poudre et quinze mille boulets
; que quand tout cela serait consommé, j ’irais sur
la cote du Pérou où les Français ont une division navale,
et que je ramènerais avec moi deux frégates
pour exterminer tous les habitans de Tonga. En même
temps, comme je ne pouvais m’empècher de conserver
des doutes sur la sincérité des sentimens de
Singleton, et que je pouvais le considérer comme un
espion des insulaires, envoyé pour examiner mes
moyens de défense, je lui fis voir en détail tous mes
préparatifs de combat, et je lui déclarai que dès le jour
suivant, si je n’avais point reçu tous les prisonniers
sans exception, la corvette serait devant Mafanga, et
que la canonnade commencerait.
Singleton me pria instamment de suspendre au
1827,
Mai.
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