Tindolcnce et l ’incap acité. Bien p lu s , p ar une p o litiq u e qui
d éno lc un degré peu commun d’in tr igue et d’h a b ile té , T a h o fa ,
devenu p ère d’un g a r ç o n , réussit à le faire adopter p ar la T a m
ah a , mère du ro i ch a s sé , et la seule personne de la branche
souveraine qui fût restée dans Tîle. E n vertu de cette ad o p tion
, nous pûmes v o ir le p euple de T o n g a , et T a h o fa lu i -
même , rendre humblement à un enfant de trois ans les h o n neurs
dus au ran g suprême et à la race vénérée des T o u i -
T on g a s . On v oit que p o u r un sauvage , T a h o fa av a it assez bien
préparé l’avenir de sa famille.
N’é ta it - i l pas merveilleux de retrouver aux extrémités du
m on d e , dans une île presque impercep tible sur la carte du
g lo b e , une parodie si v r a ie , si frappante des grands événemens
q u i , lo rsque nous étions encore en fan s , avaient agité l ’Eu rop e
entière? A in si la mer du Sud av a it aussi son N apo léon . P e u t -
être n’|v a it - il manqué au guerrier sauvage qu’un plus vaste
théâtre p o u r rem plir aussi un hémisphère de son nom et de sa
renommée. N’es t-il pas au moins étonnant de v o i r , aux deux
points opposés de la terre , deux ambitions p roc éde r par les
mêmes m o y en s , e l s’av anc er vers un même b u t ? E n tre N a p o léon
et T a h o fa la distance est énorme sans d o u te , mais aus s i,
entré la France et T o n g a -T a b o u !...
L ’ in cogn ito de mon illus tre ami ne fut pas long-temps gardé
à bord : P a lo u le présenta au commandant comme Tun des
trois chefs de T î le , régnant plus particulièrement sur le distr
ict de B é a , grand v illa g e fortifié dans l ’intér ieur des terres.
T a h o fa r e ç u t , comme ses co llè g u e s , des présens considérables,
et d e v in t , ainsi qu’eux , habitant du navire.
C hacun des chefs de T o n g a -T a b o u entretient une co u r fo rt
nombreuse, q u i , comme cela se pratique dans d’autres contrées,
dissipe largement avec le maître ce que le p euple récolte
p éniblement. L e nombre et le mérite personnel de ces co u r tisans
rapportent au ch e f plus ou moins de considération ; ils
sont en même temps les conseillers et les gardes du corps du
patron q u ’ils se rv en t; on les nomme mata-boulais. Nos trois
T
hô tes , qui ne quittaient pas la co rv e tte , s’étaient fait a c com p
agner d’un assez grand nombre de ces m ata-b oula is , de sorte
que nous possédions quantité de convives que nous fêtions
de notre mieux , pour rép ondre aux politesses des chefs. A u s sitôt
qu’on av a it de.sservi nos ta b le s , les cuisiniers se remetta
ient à l ’oeuvre p o u r nos hôtes et leu r suite ; et ce n était pas
un spectacle peu ré c réatif p o u r nous que de v o ir ces messieurs
assis gra vement à table , imiter tant bien que mal nos u sa g e s ,
et .se faire servir p ar nos domestiques, qui av a ien t ordre de ne
leu r rien refuser. Nous remarquions surtout le gros P a lo u , qui,
a y an t des A n g la is à son serv ice , se piquait de savo ir les belles
m an ières , et q u i , p on r le p ro u v e r , ten da it à chaque instant
.son verre , demandait du r um , et b u v a it to u r à to u r à la santé
des con v iv e s , non sans faire quelques grimaces.
Pen dan t que nous menions à b o rd du nav ire ce tte v ie tout
à la fois tran q u ille et c o n fo r ta b le , l ’extérieur de la corvette
offrait du matin au soir les scènes les plus v ariées. Dès que le
so le il se montrait à Thorizon , une foule de p iro gu e s nous entourait
de toutes p a r ts ; les naturels qu’elles ap p ortaien t grimp
aient aussitôt contre les flancs du b â t im e n t , e t , malgré la
protection de nos filets d’ab ordage qui étaient constamment
hissés , les factionnaires ne pouvaient q u ’avec p eine empêcher
les p lus entreprenans de s’ introduire sur le p on t. U n tr iple
ran g d’hommes et de femmes cha rgea it nos p o r te -h au b an s , et
leurs cris assourdissans ne laissaient pas de nous être parfois
incommodes. C ’était à travers les mailles du filet q u ’avaient
lieu les échanges auxquels les indigènes et notre équip age sc
liv ra ien t avec une ardeur éga le . Sans p arler de Textrème ab ondance
des vivres que nous ach e tâm e s , en peu de jours , le nav
ire fut rempli de cu r io s ité s , de c o q u i lle s , d’objets d’h istoirc
n a tu r e lle , que l ’équipage se p rocu ra it avec un empressement
sans exemple. Le s matelots q u i remarquaient le zèle infatigable
de nos naturalistes , ne pouv aient se persuader que leurs c o llections
iTcussent qu ’une v aleur purement relative. Dans
Tidéc qu’un intérêt plus réel s’attachait à des objets si soigneu