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 1°»' voulut consulter les dieux relativement à son intention  
 de reconstruire la forteresse de Nioukou-Lafa ;  
 et  l’on  trouvera  dans  ces  cérémonies  sauvages  des  
 rapports  surprenans  avec  les  jongleries  du  même  
 genre  qui ont été  de  tout  temps  pratiquées  chez  des  
 nations beaucoup  plus  civilisées. 
 Dans  la soirée  qui  doit précéder  la consultation de  
 l’oracle,  le  chef fait  tuer et  préparer  un  cochon  par  
 ses cuisiniers,  et  se  procure  une  corbeille  d’ignames  
 ou des  régimes  de  bananes mûres.  Le  lendemain ces  
 provisions  sont  transportées  à  l’endroit  où  se  trouve  
 le prêtre,  qui est  quelquefois instruit  de ces  préparatifs  
 ,  et d’autres  fois  ne  Fest point.  Les  chefs  et mata-  
 boulais  se  revêtent  de  leurs  costumes,  et  se  rendent  
 au même lieu.  S’il  y  a une maison ,  le prêtre  s’assied  
 précisément sur les bords;  sinon,  il  choisit un terrain  
 convenable,  et les mata-boulais  se rangent de chaque  
 coté en formant un cercle ou plutôt un ovale ; un espace  
 considérable  est  laissé  vide du  côté  opposé au prêtre.  
 Dans  cet espace,  au  fond du cercle,  s’assied  l’homme  
 qui  prépare  le  kava,  après que  la racine a d’abord été  
 triturée par les  serviteurs,  les  assistans  et  les  autres  
 spectateurs.  Derrière  ceux-ci  et  pêle-mêle  avec  le  
 peuple,  sont assis les chefs qui s’imaginent être agréables  
 aux  dieux par cette preuve d’humilité. 
 Aussitôt  que tout  le monde  est  assis,  le prêtre est  
 considéré  comme  inspiré,  attendu  qu’à  partir  de  ce  
 moment le dieu,  à ce qu’on  suppose,  est venu résider  
 en sa personne.  Il reste durant un temps considérable 
 DE  L ’ASTROLABE. 301 
 dans un profond  silence,  les mains jointes  sur  sa poitrine, 
   les  yeux  baissés  et  sans mouvement.  Pendant  
 ce temps,  on partage les vivres, on prépare le kava,  et  
 les mata-boulais  commencent  à  consulter  le  prêtre.  
 Quelquefois  il  répond,  d’autres  fois  il  se tait; mais  il  
 reste  toujours  dans  la même  position.  Souvent  il  ne  
 profère  pas un mot jusqu’à ce que  le  repas et  le kava  
 soient  finis.  Quand  il  parle,  il  commence  ordinairement  
 d’une  voix  basse  et  très-altérée,  jusqu’à  ce  
 qu’elle arrive par degrés à son ton naturel et quelquefois  
 au-delà. Tout  ce  qu’il  dit  est  supposé  émané du  
 dieu  lui-même; c’est pourquoi le prêtre parle toujours  
 à  la  première  personne.  Ordinairement  cela  se  fait  
 sans  émotion  intérieure  apparente,  et  sans  agitation  
 extérieure ; mais il est des  circonstances où  son maintien  
 devient  fier  et  menaçant,  et  où  tout  son  être  
 parait vivement  affecté.  Alors  ii  est  saisi  d un  tremblement  
 universel ;  la  sueur  dégoutte  de  son  front,  
 et  ses  lèvres  tressaillent  et  deviennent  noires.  A  la  
 fin,  les  larmes  coulent  par  torrens  de  ses  yeux,  sa  
 poitrine est haletante,  et  son  pouls  entrecoupé.  Ces  
 symptômes  disparaissent ensuite  peu  à peu.  Avant  et  
 après  ces  paroxismes,  il  mange  ou  plutôt  dévore  
 comme  quatre  hommes  affamés.  L ’accès  passé,  il  
 reste quelque temps  calme,  prend un casse-tête placé  
 devant  lui,  le  retourne  et  le  regarde  attentivement,  
 puis il fixe ses regards alternativement en l’air, a droite  
 et à gauche,  plusieurs fois de suite.  Enfin il lève précipitamment  
 le casse-tête,  et ,  après une  courte pause,  
 en  frappe  la  terre  ou  la  partie  voisine  de  la  maison