I:
1827.
Mai.
pirogue moulée par quatre ou cinq Kaï-Bitis, et l’on
m’a prévenu que l’un d’eux, nommé Toureng-Toki,
frère du ro i, demandait la permission de monter à
bord ; ce qui lui a été sur-le-champ accordé. Cet
Pl. xcvHi. insulaire, par sa couleur, ses traits, son altitude et
ses manières, m’a rappelé à l’instant le véritable type
de la race noire océanienne, que j ’avais déjà observée
à la Nouvelle-Irlande, à la Nouvelle-Guinée et à la
Nouvelle-Hollande.
Quand Toureng-Toki a appris que je désirais acquérir
1 ancre de Laguemba, il a paru n’opposer
d’autres obstacles à cette acquisition que la difficulté
de l’apporter jusqu’à bord avec une grosse mer et un
mauvais temps, comme celui qui régnait alors. Cependant,
quand je lui ai représenté qu’ils avaient de
grandes pirogues capables de porter un pareil poids,
quand j ’ai ajouté que je donnerais en retour deux
mousquets et beaucoup de poudre, cette considération
l’a déterminé, et il a promis que l’ancre nous
serait apportée. En effet, sur les cinq heures du soir,
il est arrivé un message du roi de Laguemba pour
m’annoncer que l’ancre était embarquée dans un canot,
et qu’une pirogue serait chargée de l’amener à
bord cette nuit même, si je voulais approcher beaucoup
plus près de la côte, dont je me trouvais alors à
cinq ou six milles. Mais la mer avait beaucoup grossi;
le ciel, très-chargé, menaçait de toutes parts, et je
me souciais peu de me hasarder près des récifs de
Laguemba, au travers d’une nuit obscure et sur la
simple promesse de ces naturels. .le fis donc répondre
à Touï-Neao qu’il était trop tard , et qu’il faisait trop
mauvais temps pour m’apporter l’ancre dans la nuit ;
mais que je me rapprocherais de Laguemba le lendemain
de bon matin , et qu’ils pouvaient se tenir tout
prêts pour me la livrer. Tomboua-Nakoro, l’un des
Kai-Biti qui venaient d’arriver par cette pirogue,
monta à bord pour visiter la corvette et pour causer
avec le frère du roi. Pendant ce temps, la pirogue
s’éloigna en laissant à bord quatre naturels de Tonga
et deux de Viti. Je fus obligé de prendre la bordée du
large, et nous restâmes aux petits bords entre La-
.^guemba et Banoua-Balou.
J’ai déjà adressé de nombreuses questions aux naturels
et aux Espagnols, au sujet des vaisseaux de
Lapérouse, mais on n’a pu me donner aucune réponse
satisfaisante. L ’ancre de Laguemba provient bien certainement
d’un brick américain qui fit naufrage, il y
a dix-huit mois environ , sur les brisans de Batoa. De
là sans doute proviennent aussi un grand nombre de
piastres que j’ai vues aujourd’hui entre les mains des
naturels qui nous demandaient en échange des fusils
et de la poudre.
Laguemba est une île de deux cents toises d’élévation,
découpée et couverte de bois. Elle contient,
dit-on, dix villages dont deux sont habités par des
naturels de Tonga, et les autres par des Kaï-Bitis. Les
îles qui l’entourent, savoir ; Neaou, Eihoua et Ba-
none-Batou, sont de la même nature, mais plus petites
et moins élevées. Laguemba est entourée d’un récif
qui s’étend à un demi-mille du rivage, et sur lequel la
IÎ527.
Mai.
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