
 
        
         
		sement  re c h e r ch é s ,  l’équip age  entier  s’ap p liqu a it  à  en  i-éunir  
 la  plus   grande masse  possible.  Ces  collecteurs  éclairés  tra v a illèrent  
 de  telle  so r te ,  q u e ,  dans  la  suitè  du  v o y a g e ,  l ’autorité  
 des  officiers  dut  arrêter  cette  fureur  s c ien t ifiq u e ,  et  qu ’on  jeta  
 quelquefois  à  la  m e r ,  au  g ran d   désappointement  des  p ro pr 
 ié ta ire s ,  une  foule  de  ba llo ts   qui  encombra ient  réellement  
 le  n av ire   et  nuisaient à  la   salubrité. 
 Comme  tous  les  insulaires  de  ces  vastes  m e r s ,  nous  t ro u vâmes  
 les  naturels  de  T o n g a -T a b o u   fo rt  empressés  de  se  p ro cu 
 rer du  fer  ;  mais  une  marchandise  dont  nous  ne  so u p çon nions  
 pas  l ’importance  a cq u it  to u t -à  -co u p   un e valeur  in c ro y a ble 
   chez  ces  peuples  :  c’étaient  les perles de  verre  b leu   c la ir .  I l  
 est  impossible  de  se  figurer  avec  q u e lle   av idité  ce tte précieuse  
 matière  était  recherchée  à  T o n g a .  Je  ne  crois  pas  exagérer en  
 assurant  que  c e lu i  qui  chez  nous  donnerait  des  diamans  p ou r   
 des ép in g le s ,  n’aurait  pas plus de  gens à  contenter.  L e s   colliers  
 de  verre  b leu   excitaient  l ’envie  de  tous  les h ab itan s ,  depuis  les  
 chefs  jusqu’aux  derniers  rangs  du  p eu p le .  Dès  qu ’ils s’étaient  
 p ro cu ré   ce  tr é so r ,  ils  le   ca cha ient  av e c  un  soin  e x trêm e ,  et  
 revenaient  à  la   charge  p o u r   tâ cher  d’ajouter  encore  à  leurs r ichesses  
 en  nous  offrant  to u t  ce  qu ’ils  p ou v a ien t  imaginer de  
 p lus   tentant  p o u r   nous.  Cette  fureur  d’a cq u é r ir   nous  valut  
 quelques  offres  réellement  s in gulières ; mais  il  n’était  rien  dont  
 un  insulaire  ne  p û t  faire  le   sacrifice  p ou r   ces  beaux  co lliers   
 b leus.  Combien  ii’en  a i-je   pas  vu   réu n ir   à  grande  peine  q u e lques  
 bagatelles  q u i  faisaient  to u t  leu r   bien  ,  et  so llic ite r   à  ce  
 p r ix   quelques  grains  du  verre  tant  désiré !  Auss i  de  ce t  en g o û -   
 ment  p o u r   un  objet  p articulier  naissait-il  une  dépréciation  
 considérable  de  tous  les  au t re s ,  et  te l  nous  a c co rda it p o u r   une  
 seule  p erle  ce  qu ’il aurait refusé de  liv r e r  p o u r  plusieurs ustensiles  
 de  fer  d’une  v a leu r   incomparablement  supérieure. 
 No tre  équipage  av a it grand  b e so in , p o u r   réparer  ses  forces,  
 de l’ex ce llen t régime n u tr itif dont n o u s jo u is s io n s àT o n g a , c a r il  
 étaitsoumis aux plus rudes travaux p a r  suite de notre malheureux  
 échoua ge. Nous avions  lai.ssé  au  fond  des eaux  de la passe  d’cntrée  
 des  ancres  qu’il  nous  était  trop  précieux   de  retrouver  
 p our  q u ’on n é g lig e â t  d’en  faire  la   tentative.  A in s i ,  outre  les  
 travaux  ordinaires  du  b o rd ,  les  approvisionnemens  de  bois  et  
 d’e a u ,  nos  matelots  durent  e n c o r e ,  pendant  plusieurs  jo u r s ,  
 sur  une  grosse  mer  et  b rûlé s   par  un  so le il  a rd e n t ,  user  leurs  
 forces  à  cette  p énible  pêche  qui  eut  d’assez heureux  résultats  ,  
 mais  qui  je ta   parmi eux  un  découragement  qui  fa illit p lus  tard  
 nous  dev enir  funeste.  A ccab lé s   par  la   fatigue  du m om en t,  ces  
 hommes  insoucians  oub lia ien t  qu’ils  trav aillaient  p o u r   eu x -  
 mêmes  et  que  ces an c re s , si péniblement  arrachées  du  fond  des  
 c o r a u x ,  leu r   sauveraient  plus  d’une  fois la  v ie  dans la   suite  du  
 vo y a g e .  Le s  officiers  du b o rd   commandaient  ordinairement  ces  
 longues   corvées ;  la   relâche  presque  entière  fut  employée  p ar  
 cu x en   travaux  fastidieux. P lu s  heureux,  les naturalistes  et m o i,  
 nous  pouv ions   nous  liv re r   à  des  ex cursions  qui  grossissaient  
 leu r s   co llection s   et mon  p o r te feu ille ,  tandis  que  nos  pauvres  
 camarades  ne  nous  accompa gnaient  que  dans  les  intervalles  
 que  le   service  leu r   laissait. 
 Dans Tes  premiers  jo u rs   de  notre  re lâ ch e ,  nous  trouvions  
 su r  l ’île  de P an g a ï-M o d o u  une chasse ab ondante d’oiseaux  très-  
 variés.  Cette  île   servait  surtout  de  retraite  à  une  charmante  
 espèce  de  co lombe  dont  le   plumage  est  v e rt  et  la   tête  amaraîi-  
 the. Nous  aimions aussi à  a lle r  nous  asseoir  sous  ses beaux  omb 
 ra g e s ,  sans autre  b u t  que  de  jo u ir   de  notre  b ien -ê t re   présent,  
 si  doux  en  comparaison  des  traverses  que  nous  avions  essuyées  
 dès  le   commencement  de  notre  p érilleuse  campagne.  Couché  
 sous  lc.s  belles  voûtes  de  cette  large  végétation  ,  souvent  j ’esquissais  
 avec  soin tous  les arbres nouveaux p o u r  m o i ,  que j ’embrassais  
 d’un  seul  co u p -d ’ceil.  C ’étaient  l’élégant bananier  qui  
 fourn it  à  la  fois aux  habitans  de  T o n g a   un  fruit  e x c e lle n t ,  de  
 vastes  serviettes  p ou r   étaler  leurs m e ts ,  des  torches  p our chasser  
 les  ténèb res,  des  coupes  qui  ne  servent  qu’une  fois  pour  
 boire  le   k a v a ,  et après  le   rep a s ,  de  ses  nervures  o u v e r te s ,  une  
 eau  assez  abondante  pour  la ver  les  doigts  et  les  lèvres  des  co quets  
 insulaires;  le   p apayer  aux  fruits  d o ré s ,  qui  se  distin- 
 TOMF.  IV .   2 3