core inutile à la société, pour sauver la vie d’un chef
estimé, vénéré, et dont la conservation est précieuse
pour tous ses concitoyens.
Quand le sacrifice doit avoir lieu, ce qui est or-
dinairement annoncé par un homme inspiré des
dieux, la malheureuse victime, qui est souvent un
propre enfant du malade ou son proche parent, est
sacrifiée par un autre parent du malade ou du moins
par son ordre; son corps est ensuite successivement
transporté sur une espèce de litière devant les chapelles
des différens dieux. Une procession solennelle
de prêtres, chefs et mata-boulais, revêtus de leurs
nattes et portant des guirlandes de feuilles vertes au
cou, l’accompagne, et à chaque station un prêtre s’avance
et supplie son dieu de conserver la vie du malade.
La cérémonie terminée , le corps de la victime
est remis à ses parens pour être enterré suivant la
coutume.
La même cérémonie a lieu quand un chef a commis,
par mégarde, un sacrilège qui est censé attirer
la colère des dieux sur la nation entière; cai'
le prêtre consulté déclare que le dieu exige un naud-
glu, et le sacrifice d’un enfant devient alors indispensable.
On choisit toujours de préférence l’enfant d’un
chef, parce qu’on suppose que cette offrande est plus
agréable a la divinité ; mais on a soin de ne prendre
(jue ceux d’une mère d’un rang inférieur, jiour éviter
de sacrifier un enfant ayant le rang de chef. Du reste
le pere lui-meme est le premier à donner son consenlement
à de pareils sacrifices dans l’intérêt public g
A la mort du toui-tonga, sa première femme était
soumise à cette cruelle cérémonie, afin d’être enterrée
avec le corps de son époux. Finau II fut le premier
qui s’opposa à ce sacrifice, lors de la mort du dernier
louï-tonga, lequel avait épousé sa soeur. Il fit plus,
car il abolit tous les privilèges sacrés de ce chef.
Le loutou-nima est une espèce de diminutif du
naudgia, qui consiste à se couper une phalange du
petit doigt, pour l’offrir aux dieux, et en obtenir le
rétablissement d’un parent malade. Le doigt est étendu
à plat sur un morceau de bois, un instrument tranchant
en fer ou en pierre très-dure est appliqué sur
l’articulation, puis un coup pesant asséné avec un
maillet ou une pierre termine l’opération. Pour arrêter
l’effusion du sang, le doigt amputé est exposé à une
épaisse vapeur produite en brûlant de l’herbe toute
fraîche. On laisse deux jours la plaie sans la laver,
puis on la nettoie. Sans aucune autre précaution, deux
ou trois semaines suffisent pour la guérir complètement.
Cette cérémonie se répète à chaque maladie
grave d’un proche parent ; aussi voit-on une foule de
personnes qui ont perdu successivement les deux phalanges
du petit doigt de chaque main, et même la
première phalange du doigt suivant. Du reste il n’y a
jamais de difficulté pour cette cérémonie; on voit souvent
des enfans se disputer la faveur d’en être l’objet,
tant ils sont persuadés qu’il y a pour eux de Thon-
I M ariner, II, 9. 177 et suiv.