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 irailles  déchirans,  et  qui  ne  cédèrent  qu’aux  soins  
 réitérés du docteur Gaimard ;  encore Béringuier n’en  
 fut  jamais  radicalement  guéri,  et  ces  maux  finirent  
 par  le  conduire  au  tombeau  trois  mois  plus  tard.  
 Moi-même,  qui ne  fis guère  que goûter  à  cette substance  
 malfaisante, j ’en éprouvai  sur-le-champ  un malaise  
 qui ne fut que passager ;  pourtant il n’est pas  sûr  
 que son action n’influât pas sur les maux terribles que  
 j ’éprouvai  quelques jours  après,  et  qui  se  sont  convertis, 
   pour  ainsi  dire,  en  une  maladie  chronique.  
 Sans  doute  les  fatigues du voyage  durent  contribuer  
 pour  beaucoup  à  ces  tristes  aecidens. Néanmoins je  
 crois  remplir  un  devoir  d’humanité en prévenant  les  
 navigateurs  de ne jamais  chercher  une  ressource  alimentaire  
 dans  la moëlle du cycas, même  dans le plus  
 pressant besoin. 
 La  pluie  a  cessé  à  neuf  heures  du  matin,  et  le  
 temps a été ensuite assez beau ; ce qui a permis à M. Jacquinot  
 d’entamer les  observations  astronomiques,  et  
 à M.  Pâris de commencer le plan du hâvre dont je l’avais  
 chargé.  Il  a apporté  à ce  travail  tout  le  zèle et le  
 dévouement dont il  est animé. De  leur  côté, MM.  les  
 naturalistes ont  poursuivi  avec  ardeur  leurs  recherches, 
   et M.  Sainson  a augmenté  la  collection  de  ces  
 dessins charmans qui doivent un jour donner un si vif  
 intérêt à la publication du Voyage. 
 La chaloupe  a fait  un  voyage  à l’eau,  et  nos hommes  
 ont  reçu la visite de  huit sauvages. Deux  d’entre  
 eux se sont décidés  à venir à bord;  l’un est un homme  
 de  quarante  à  quarante-cinq  ans,  et  l’autre un jeune 
 honnne de quinze à dix-huit ans.  Tous deux sont complètement  
 nus,  noirs  et  d’un  extérieur peu agréable.  
 Leurs  cheveux  sont  crépus,  la  cloison  du nez percée  
 et traversée par  un os.  Ces deux  sauvages n’ont montré  
 ni  intelligence ,  ni vivacité,  ni même  de  curiosité  
 pour  les objets nouveaux qui  s’offraient à leurs yeux.  
 Ils paraissaient avides de fer, mais n’étaient nullement  
 disposés  à nous  faire  la  moindre  avance  pour en  obtenir. 
   Vainement  nous  cherchâmes  à leur expliquer,  
 par tous les moyens possibles, que s’ils voulaient nous  
 apporter des cochons, du poisson, des cocos, et même  
 des  ignames et des bananes,  ils recevraient  du  fer en  
 abondance.  Un  regard  stupide  et  hébété  était  leur  
 unique réponse,  et ils prêtaient  à peine  une  attention  
 fugitive à mes  explications. La  vue  de  mon  cacatoès  
 a seule vivement  excité  leur  curiosité,  ce qui  annoncerait  
 que  cet  oiseau  n’existe  point  à-la  Nouvelle-  
 Irlande.  Le mot de Liki-Liki  a été compris par  ces insulaires  
 ,  et  leurs  gestes  nous  ont  démontré  que  cet  
 endroit  leur  était  connu.  D’après  leur  demande,  à  
 trois heures  ils  ont  été  déposés  à  terre,  et  ont  sans  
 doute repris  le chemin  de  leurs foyers. 
 Le beau temps  m’a  engagé  à  faire une  nouvelle excursion. 
   A onze  heures  je  me  suis embarqué,  et me  
 suis  dirigé vers  la passe  du  nord.  La pointe  des  Crocodiles  
 est très-acore,  et  à vingt  toises de  la plage il  y  
 a grand fond pour la corvette. Les roches qui bordent  
 la  rive  de  la  grande  terre  ne  forment  qu’une  lisière  
 assez étroite,  de  sorte  que  ce  canal  offre  un  passage  
 très-sûr avec un fond régulier de vingt-cinq ou  trente