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 m’a  souvent  répété  que cette navigation  était  fort  
 dangereuse,  et il n’en  parlait même qu’avec une sorte  
 d’effroi.  En  outre,  il m’a recommandé  d’être  sur mes  
 gardes,  de me défier de Tahofa,  qui  était un méchant  
 homme,  et  il  a  souvent  répété  que  les  habitans  de  
 Tonga-Tabou  étaient  de  véritables  diables  toujours  
 disposés  à faire le mal. Je ne fis alors qu’une médiocre  
 attention  à  ces  déclamations  que  j ’attribuais  à  fex-  
 trême  dévotion  du  bon  Langui,  car  il  était  devenu  
 un chrétien dévoué et même un peu exalté. 
 Une  chose  qui  me  contrariait  davantage  était  de  
 ne  plus  voir  reparaître  à  bord  l’Anglais  Ritchett  et  
 l’homme  de  Fidji  qui  m’avait  promis  de  venir  avec  
 moi ;  car  je  perdais  à  la  fois  par  là  un  interprète  et  
 un  guide  utiles.  Je  soupçonnai  dès-lors  qu’ils  pouvaient  
 être retenus par Toubo. 
 M.  Paris,  qui  devait travailler aujourd’hui  au plan  
 de  la  rade,  s’est  trouvé  indisposé;  ce  qui  a  été  assez  
 fâcheux,  car  c était  la  première  fois  que  je  pouvais  
 disposer  d’une  embarcation  pour  les  travaux  géographiques. 
 Sur  les  trois  heures  du  soir,  le  canot des missionnaires  
 a ramené MM.  Quoy,  Gaimard  et Sainson, qui  
 ont  terminé  heureusement  leur  course.  J’ai  été  très-  
 satisfait  de  les  voir  revenir  sans  accident ;  malgré  
 les  bonnes dispositions que nous  témoignent les naturels  
 ,  malgré  leurs  démonstrations  extérieures d’attachement  
 et  de  dévouement,  je  sais  combien  ils  sont  
 légers  et versatiles.  Le moindre motif,  le  prétexte  le 
 plus frivole-peut les  faire changer de sentiment.  Dans  
 un  pareil  cas,  le  sort  des  Français  qui  tomberaient  
 entre leurs mains serait très-pénible ;  ils  auraient  tout  
 à craindre,  au moins pour leur liberté. 
 Par  le  canot  de  la Mission,  j’ai  envoyé  à M.  Thomas  
 un  paquet de lettres,  en  le priant de le faire parvenir  
 en Europe par  le premier navire  qui passerait à  
 Tonga.  Ce  paquet  contenait  un  rapport  au  ministre  
 de  la  marine  sur  tous  les  événemens  survenus  à  
 notre expédition  depuis notre  départ de  la Nouvelle-  
 Zélande. 
 Read  m’a  répété  que  la  tamaha,  soeur  de  Foua-  
 Nounouï-Hava  et  tante  du  touï-tonga  actuel,  était  
 effectivement  la  première  femme  de  l’île.  Celle  qui  
 porte  le  titre  de  touï-tonga-fafine,  la  vieille  Nana-  
 Tchi,  aujourd’hui  aveugle  et  âgée  de  soixante-dix  à  
 quatre-vingts  ans,  était  la  soeur  de  Poulaho  et  la  
 grande-tante  de  Lafili-Tonga  ;  son  rang  équivaut  à  
 celui  de  reine,  et  il  y  a  quelque chose de  divin dans  
 son caractère.  Read  n’a pu me  dire qui avait le pas de  
 la tamaha  ou  de  la  touï-tonga-fafine ;  mais  il  est  probable  
 que c’est la dernière. 
 Les  femmes  du touï-tonga n’ont point  de privilèges  
 comme épouses  du  premier  chef de  l’État.  Celui-ci  a  
 le droit de  s’approprier toutes les filles qu’il  veut bien  
 honorer de son  choix, sans que leurs  parens puissent  
 s’y  opposer.  Il  paraît  cependant  que  la  veuve  ambitieuse  
 de  Poulaho,  Toubo-Maoufa,  soeur  du  touï-  
 kana-kabolo  Moumouï,  usurpa  l’autorité  pendant  la  
 jeunesse de son fils,  et  prolongea  sa minorité en  s’ap- 
 1827, 
 M a i. 
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