]lil
et de les amener à bord. Cette opération fut bientôt
exécutée; au retour du canot, nous reconnûmes
tous avec une joie extrême que la pirogue en question
portait M. Faraguet, que ramenaient l’Anglais Singleton
et le Suédois Thom.
Quand M. Faraguet eut reçu les félicitations sincères
de chacun de nous, sur son heureux retour à
bord, il nous donna les détails suivans. L ’enlèvement
du canot et des hommes qui le montaient avait été entièrement
dirigé par Tahofa, et exécuté par ses guerriers.
M. Faraguet était cependant tombé au pouvoir
de Touï-Hala, fils d’un guerrier de Fidgi et d’une
soeur de Palou. A cela près des violences du premier
moment, ce chef n’avait eu que de bons procédés
pour son captif, et lui avait même restitué une partie
de ses bardes dont il s’était d’abord emparé. Quand ils
arrivèrent à Moua, ils rencontrèrent Singleton qui
conduisit M. Faraguet chez Palou ; celui-ci lui fit beaucoup
d amitiés, et employa tous les moyens de persuasion
pour déterminer M. Faraguet à demeurer
avec lui, affirmant que l’Astrolabe éiail tombée au
pouvoir de Tahofa, qui y avait mis le feu et m’avait
tué. Pour preuve de ce qu’il avançait, Palou montrait
les colonnes de fumée qui s’élevaient en ce moment
même des villages incendiés par les Français. Toute
la soirée, ce chef s’efforça d’amener son prisonnier à
céder à ses désirs ; mais , voyant que celui-ci résistait
à toutes ses prières, il lui promit de le reconduire à
bord le jour suivant, et l’envoya coucher dans l’appartement
de Singleton.
Le lendemain , Palou, après avoir inutilement réitéré
ses instances auprès de son captif, le fit escorter
de ses guerriers, et l’amena lui-même à Mafanga où
se trouvaient déjà Tahofa et plusieurs autres chefs à
la tête de leurs combattans. Il y eut un grand kava
dont Toubo fut le président, et où M. Faraguet prit
place près de Palou. Là on discuta assez long-temps
et avec chaleur. On demanda de nouveau à M. Faraguet
s’il voulait retourner à bord ; sur sa réponse affirmative,
il y eut de longs débats à la suite desquels
il fut enfin arrêté que M. Faraguet serait reconduit à
bord de l’Astrolabe. Mais aucun naturel n’osa se
charger de cette mission, et elle fut confiée aux deux
Européens. Avant de laisser partir M. Faraguet, Palou
lui fit à plusieurs reprises la recommandation suivante
en propres termes ; « Speak captain give koala
Palou, — parle au capitaine pour qu’il donne des colliers
à Palou. » Car il faut savoir que ce brave chef
était fort avide de ces ornemens ; et, quoiqu’il en eût
reçu tant de moi que des officiers une grande quantité,
sa cupidité en réclamait sans cesse de nouveaux.
Dans un pareil moment, il était plaisant de voir ce
grave et puissant egui se recommander à ma générosité
pour de pareilles babioles. Les matelots Grasse et
Fabry étaient aussi échus en partage à Palou, et
avaient été également conduits à Mafanga, où M. Faraguet
avait pu les voir.
Singleton, que j ’interrogeai ensuite, me confirma
que Tahofa seul et ses principaux mata-boulais
avaient dirigé l’attentat commis contre les Français.