Mais les chefs sont nos amis ; ils nous protégeront. — L c s p illards
seront des subalternes que les chefs p ille ron t à leu r to u r
après les a v o ir réprimandés. — Mais au m o in s , quand ils
seront d ép o u illé s , on ne leu r fera aucun mal? — A h ! c ’est un
événement bien m alheureux! — Comment, vous croy ez que
nous n ’aurions pas la v ie sauve? — A h ! c’est un événement
b ien m a lh eu r eu x !... » Réponse qui n’avait pas besoin de commentaires.
Ces dames servirent alors le d é jeu n e r ; mais la fatigue et
l ’émotion firent que je ne pus a v a le r un seul morceau.
Deux des matelots étant retournés au cano t p ou r ch e r ch e r
un p aque t oub lié , M . T h om a s p a ru t to u t effrayé de cette imp
ru d en c e , nous priant d’exposer le moins possible d’objets à la
vue des naturels , crainte do les ten te r , et de leu r faire croire
que sa maison renfermait toutes les richesses de l'A stro la be .
S u r les quatre heures du s o ir , les matériaux de l ’ expédition
étant en sû re té , je voulus p ro fite r de la marée ; e t , après avo ir
remercié M . T h oma s de son affectueuse r é c e p t io n , nous remîmes
le cano t à f lo t , tantôt gênés , tantôt aidés p ar les n atur
e ls , dont le caractère mobile nous mettait à chaque instant
dans la crainte d’être retenus malgré n o u s , mais d ont j ’entretins
les intentions pacifiques avec quelques co llie rs de v e r ro terie.
E n f in , nous voguâmes en p le in e m e r , et fûmes en lo u v
o y a n t ga gn er l’ab ri d’A ta t a , oû nous avions passé la fin de la
n u it précédente. Je fis amarrer le can o t à une tête de c o r a i l ,
e t nous passâmes la n u it paisiblement sur les b a n c s , malgré
une p etite p lu ie qui tombait p ar intervalles.
L e 23 avant le jo u r , nous étions en route p o u r la c o r v e t t e ,
tremb lant de ne plus la re trouv e r flottante. Bien tô t nous vîmes
ses mâts et son p a v illo n par-dessus les récifs ; il nous semblait
qu ’e lle avait changé de p la c e ; nous faisions lii-dessus mille
conjectures. E n f in , à sept heures trente m in u te s , nous remîmes
le pied à b o rd avec un sentiment de jo ie ; ca r , dans ce moment
et malgré sa triste p o s it io n , l ’Astrolabe était p ou r nous la
F ranc e . [E x tr a i t du .Tournai de M . Lottin.^)
63.
N’eût feit tomber la valeur de nos objets d’échange.
L ’équip age se reposa de scs grands t r a v a u x ; la p lus grande
harmonie existait entre les naturels et nous. Les premiers chels
et une foule d’autres secondaires étaient constamment à b o rd ,
oû ils co u ch aien t. A u ss itô t que nous avions m a n g é , on leu r
servait à notre table un autre repas p ou r eux . Ils dormaient
dans notre carré, et quelquefois dans nos cabanes. A ussitôt que
nous fûmes retirés des récifs , le commandant fit donner aux
p r in cip au x des armes à fe u , des co llie rs qu’ils aiment beauc
o u p , des pièces d’étoffe , e t c . , e t c . , p o u r leurs bons offices e l
l ’ordre qu ’ils ava ient maintenu. E n fin , ch a cun de nous en p art
ic u lie r , q u i s’éta it fait un ami des premiers chefs et avait
changé de nom avec e u x , les com b la it de toutes les choses qu’ ils
désiraient. D e sorte qu’au dire des A n g la is , nous les avions
enrichis p o u r plusieurs années , et que jamais ils n’ ava ient été
traités ainsi p ar aucun n a v ire . L a p lus grande abondance
con tin u a it de régner à b o rd . E l le av a it commencé le premier
jo u r , même dans notre position la p lu s c r itiq u e . Chaque matelo
t av a it eu alors une ou deux poules au moins par jo u r ,
indépendamment de sa ration de co chon fra is ; les ban an e s ,
les cocos co u v ra ien t le p on t. I l faut jo in d re ù ce la d’excellens
ignames qui tenaient lieu de p a in , des pastèques et d autres
fruits de ce pays. Jamais nous n’avions eu une te lle profusion
de vivre s. Ce peuple éta it alors fou des grains de verre b leu.
On av a it une poule p o u r deux grains de cette c o u leu r , cinq
p ou r une b o u te ille vide. Le s co u teau x , les bagues, les ciseaux,
les m iro ir s , avaient une v a leu r p rop o r tio n n e lle . Enfin , au
débit de toutes ces ch o se s , i l sembla it qu’on ab orda it p o u r la
première fois chez ces insulaires. C h aq u e jo u r , le marche
commençant avec l ’aurore et ne finissant qu’ à la n u it , ils
r i I I