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 de son  trop  grand penchant  pour  la  guerre et  de  ses  
 mauvais procédés  envers  les principaux  chefs de l’île. 
 Enfin  sur  les  cinq  heures  arriva Palou,  l’un  des  
 trois  eguis  dont  les Anglais  venaient  de  me vanter  le  
 n. Lxiv.  pouvoir.  Ce  chef  n’avait  guère  que  trente-six  ans ,  
 mais  son excessive corpulence,  sa  tête rasée et  sa gravité  
 lui  en  eussent  fait  donner davantage.  Son  abord  
 est gracieux,  ses  manières  agréables,  et  tout  en  lui  
 prévient  en  sa  faveur.  Il parle  un  peu  l’anglais,  son  
 intelligence  est  remarquable,  et je  fus  bientôt  convaincu  
 que  son  influence  sur  ses  compatriotes  était  
 bien  supérieure  à  celle de  tous  les  chefs qui  s’étaient  
 présentés jusqu’alors.  Ses ordres  étaient  écoutés avec  
 respect,  ou  du moins  avec  déférence,  bien  qu’il  eût  
 toujours  soin  de  les  énoncer  avec  une  modération  et  
 une  douceur  extraordinaires.  .Te  comblai  Palou  de  
 marques d’amitié  auxquelles il parut  très-sensible ; et  
 je  lui cédai  même  ma  chambre  de  la  dunette,  pour  
 son  usage  particulier,  tant qu’il voudrait  séjourner à  
 bord. 
 Palou,  qui  se  nommait  aussi  Fatou,  était  premier  
 chef  de  Moua,  et  se  disait  fils  du  toubo  qui  reçut  
 M.  d’Entrecastcaux ; mais je  crois  qu’il  n’était que  le  
 gendre de  cet egui,  dont je  vis  plus tard  le  véritable  
 fils.  Du  reste  Palou se souvenait parfaitement d’avoir  
 vu  les  vaisseaux  de  d’Entrecasteaux,  surtout  il  se  
 rappelait les  fusées  volantes  que ce capitaine avait fait  
 tirer devant  les  insulaires ,  et  qui avaient  produit un  
 grand effet sur leur  imagination. 
 Peu de  temps  après le  coucher du  soleil,  tous  les  1827. 
 naturels  se retirèrent  successivement  avec  leurs piro-  Avril, 
 gues,  et  il  n’en  resta  à  bord  qu’une  quinzaine  auxquels  
 j ’avais permis d’y coucher.  De  ce  nombre  était  
 Palou,  dont  la  présence m’était devenue  d’un  grand  
 intérêt. 
 Nonobstant la  position  critique où  se  trouvait l’A s trolabe,'\ 
 p  ne jugeai pas  à propos  de  faire veiller  l’équipage. 
   J’étais  persuadé  qu’en accordant  aux  matelots  
 un  repos salutaire, je leur épargnerais autant d’inquiétudes  
 inutiles ; en outre je pourrais mieux compter  
 sur leurs  efforts,  quand la nécessité me  forcerait à  les  
 rappeler au  travail.  En conséquence,  à sept heures  du  
 soir,  je  fis  coucher  tout  le  monde  comme  à  l’ordinaire, 
   en  ne  conservant  que  quelques  hommes  de  
 garde. 
 Mais  neuf heures  venaient  à peine  d’être  piquées,  
 que  le grelin de devant cassa,  et cette partie du navire  
 venant désormais  à  l’appel  de  la  chaîne  seule,  ne  se  
 trouvait plus qu’a huit ou dix pieds du récif.  Pour peu  
 que la chaine  cédât,  ou  le  rocher  qui  soutenait son  
 ancre,  je devais m’attendre  à voir  l’avant  de  la  corvette, 
   dans les  fortes houles qui survenaient par intervalles, 
   s’abattre  sur les  pointes  acérées  du corail,  et  
 s’y  démolir en  peu  de  temps. 
 L ’équipage  fut  réveillé; malgré la  répugnance  que  
 j ’éprouvais  à  sacrifier  ainsi  mes  ancres  l’une  après  
 l’autre,  une des  ancres de poste  fut  embarquée  dans  
 la  chaloupe ,  et mouillée  dans  le  sud  par  quarante-  
 t'inq brasses de fond,  à moins  de  vingt-cinq  toises  du