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Ô18 V O Y A G E
1827.
Juillet.
Malgré les représentations du médecin, qui assurait
que quelques jours de repos me seraient nécessaires,
je n’ai pu résister plus long-temps au désir
de poursuivre nos travaux. Quoique très-faible
encore, j ’ai quitté le lit, et j ’ai fait prendre toutes
les mesures nécessaires pour que l’appareillage ait
lieu demain, à moins d’obstacles imprévus. La chaloupe
a été embarquée dans la soirée, et la petite
chaîne a été remise à bord.
Dès quatre heures et demie, je me promenais sur
le pont, attendant avec impatience l’apparition du
jour pour commencer les manoeuvres du départ. Tout
autour de moi était plongé dans un profond sommeil ;
la plupart des matelots, chassés du faux-pont par
la chaleur, dormaient étendus sur le lillac, les uns
presque nus, les autres simplement enveloppés d’une
légère couverture ou d’une natte plus légère encore.
Je repassais en silence, dans ma mémoire, les nombreuses
épreuves qu’avait subies notre corvette.
Combien de fois ces corps étendus autour de moi
avaient failli être ensevelis dans les flots !... Quoi
de plus précaire que l’existence de ces hommes soumis
à la volonté d’un de leurs semblables, et contraints
de se laisser traîner partout où il lui plaira de les conduire,
à travers les vents et les flots menaçans, à
travers les écueils plus périlleux encore!... Et moi-
mème , la veille terrassé par une maladie cruelle,
encore débile et languissant, devais-je espérer, malgré
la volonté la plus puissante, de conserver la l'orce
el l’énergie nécessaires pour lutter contre de nouD
E L ’A S T R O L A B E . 5 1 9
veaux assauts? Mais à quoi bon se livrer à d’inutiles
hésitations?... Tentons d’abord, et les événemens
décideront du reste g
Au jour, le grelin de l’arrière fut largué et remis à
bord, et l’ancre de l’avant fut dérapée. Tandis que
l’on travaillait à la mettre en haut, nos canots nous
remorquaient, et j ’espérais en filant le long de l’ile
atteindre la passe du Nord : mais l’équipage, sans
doute mal disposé, montra tant de mollesse au
cabestan et dans les canots, qu’à sept heures el
demie un léger grain du N. E. nous repoussa sur les
récifs de la côte. Au moment où l’avant de la corvette
allait donner contre les coraux, l’ancre, en retombant
à quatre brasses de profondeur, empêcha le navire
de terminer son évolution et par là même de s’échouer.
Au bout d’un quart d’heure, le calme étant revenu,
nous relevâmes l’ancre, el les canots agissant sur l’arrière
du navire le ramenèrent vers le milieu du chenal.
Toutefois, la brise et le courant n’ayant d’abord
aucune direction fixe, une risée d’E. un peu plus
fraîche allait me forcer à mouiller de nouveau, quand
le courant réussit à nous faire doubler à vingt brasses
au plus de distance la pointe des Crocodiles. Ensuite
le courant nous porta plus rapidement au S. O ., et
le vent s’étant établ au S . , nous eûmes bientôt doublé
la pointe Carteret ; puis nous fîmes route sur la
côte de la Nouvelle Bretagne. En passant devant les
L
1827.
Juillel.
1 Voyez iiole 8.