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 1827. 
 Mai. 
 122 VOYAGE 
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 lés.  Dans  les  deux  expéditions  de  l’ Uranie  el  de  la  
 Coqaüle,^  la  première,  dès  sa  seconde  relâche,  avait  
 laisse  près  du  quart  de  son  équipage au  Brésil,  et  la  
 seconde,  en  moins  d’un  an,  avait  perdu  quatorze  
 hommes de  la même manière dans  les nouveaux États  
 de  l’Amérique  méridionale.  Les  aventuriers  qui  s’étalent  
 embarqués sur  l’Astrolabe  comptaient  pour  la  
 plupart en  faire  autant,  mais je  déjouai  leurs  projets  
 en les transportant immédiatement  par  une  traversée  
 de  quatre  mille  lieues  des  rochers  de  Ténériffe aux  
 plages  de  l’Australie.  L ’ordre  et  la  discipline  sévère  
 établis  dans  la  colonie  de  la  Nouvelle-Galles  du Sud  
 n’offrirent pas  à  ces  individus  les  mêmes  attraits  que  
 les  Etats  naissans  de  l’Amérique  méridionale  où  le  
 plus  mauvais  sujet  d’Europe  peut  se  flatter  de  parvenir. 
   Plus  résolus  que  les  autres,  deux  seulement  
 désertèrent  leur  navire  à  Pori-Jackson,  encore  je  
 réussis  à les faire rentrer à leur poste. 
 Le  caracffire  âpre  et  sauvage des Nouveaux-Zélaii-  
 dais,  leur vie active et guerrière,  surtout la nature du  
 climat et  le  régime  frugal  de ces peuples,  convinrent  
 encore moins  à nos matelots marrons.  Je ne me dissimulais  
 point  que,  sous  ce  rapport,  la  relâche  de  
 1 onga-Tabou  devait  offrir  plus  de  dangers  à  la Mission. 
   Mais  je  ne  comptais  faire  sur  cette  île  que  le  
 séjour rigoureusement nécessaire pour régler les moii-  
 ires,  acheter  des  vivres  frais,  et  remplacer  l’eau  cl  
 e bois consommés.  O r , j ’avais  calculé que cinq  jours  
 me  suffiraient  pour  ce  triple  objet.  Cet  espace  de  
 temps était tellement  limité,  cl il eût été  si activement 
 DE  E ’ASTROLABE. 123 
 employé,  que  nos  marins  n’eussent  pas  eu  le  temps  
 de songer à leur désertion,  ou du moins d’en préparer  
 les moyens. 
 Les  tristes  journées  passées  sur  les  récifs,  et  la  
 relâche  prolongée  qui  en  était  devenue  la  suite  inévitable, 
   avaient  complètement  dérangé  mes  combinaisons. 
   Les  matelots  avaient  eu  tout  le  temps  de  
 s’aboucher  avec  les  chefs  de  Tonga;  quelques-uns  
 connaissaient  déjà plusieurs mots  de  la langue  :  d’ailleurs  
 les  Anglais  établis  sur  l’île ne  demandaient pas  
 mieux  que  de  servir  d’interprètes  aux  uns  et  aux  
 autres.  Quelques-uns de ces Anglais,  déserteurs eux-  
 mêmes  de  leurs  navires,  encourageaient  sans  doute  
 les Français  à suivre leur exemple,  et peignaient leur  
 propre  félicité  sous  de  brillantes  couleurs.  Enfin  les  
 chefs, jaloux d’attacher des Européens à leur service,  
 n’épargnaient  ni  promesses  ni  séductions  pour  les  
 engager h  se  fixer  près  d’eux.  11 n’en  fallait  pas  tant  
 pour  égarer  des  individus  qui  ne  tenaient  nullement  
 à  leur  patrie,  qui  n’avaient  aucune  sorte  d’attachement  
 pour leurs officiers,  et  qui,  en échange des dangers, 
   des  fatigues,  et  des privations  d’une  longue  et  
 pénible  campagne,  voyaient  s’ouvrir  devant  eux  la  
 perspective  d’une  existence  douce  et  oisive,  au  sein  
 de toutes  les  jouissances  matérielles.  Le complot  fut  
 tramé,  et  il  est probable  que plusieurs chefs  y  trempèrent, 
   puisqu’il  parvint  à  la  connaissance  des  missionnaires  
 établis  à  plus  de  dix  milles  de  notre  
 mouillage. 
 Je  ne  pouvais  douter  de  l’existence d’un  complot ; 
 1827. 
 Mai. 
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