tableau de ces îles nombreuses , dispersées au hasard sur une
vaste étendue de m e r , frappe toujours ag réablement la vue.
T o n g a -T a b o u , modeste métropole de ce t a r c h ip e l , s’étend
sur un espace de douze lieues de lon gu eu r environ , tandis que
sa la rgeur est très-resserrée p a r un la gon qui o ccu p e le cen tre
de sa surface. Devant l’entrée de ce la g o n , une multitude
d’îlo ls de grandeurs différentes se g roup ent au lo in , séparés
entre eux p ar les profondeurs in ég a le s , ou par des bancs de
CCS perfides coraux qui rendent la nav iga tion des mers du Sud
si p érilleuse.
C ’est dans le voisinage d’une de ces petites île s que l ’Astrolabe
av a it jeté son ancre : les habitans la nomment P a n g a ï-
M o d o u . E lle contena it à p eine quelques cabanes sur un esp
ac e de plusieurs a rp en s , couverts d’une ab ondante v égé ta
tion . L a m e r , toujours calme à l’abri de cette te r r e , nous
permettait de fréquentes communications avec le r iv a g e , et
nous recherchâmes avidement les occasions de faire connaissance
avec les naturels.
D é jà , pendant nos jo u rs de m a lh eu r , des communica tions
assez b ienv eillantes s’étalent établies entre nous et les in sulaires.
I l me faut reprendre de p lu s haut p o u r ra con te r l'o r ig
in e et les p rog rès de nos relations avec ces sauvages.
Aussitôt que nous avions paru dans la passe de l ’e n t r é e , un
in digèn e s e u l , montant une p iro gu e tr è s - fr ê le , nous av a it ap porté
des fruits dont il s’était facilement défait p o u r quelques
bagatelles. C e th om m e nous av a it suivis ju sq u ’à notre échouage.
A l’instant même où nous donnions sur le r é c i f , une autre p irogue
accostait le n a v ire ; elle p ortait un naturel d’une haute
s ta tu re , q u i , montant sur le p o n t , avec des manières fo rt
lib r e s , demanda le com m an d an t, et se présenta comme un
chef. L a partie supérieure de son corps était nue e l bien con formée;
ses reins étaient ceints d’une ample pièce d’étoffe rous-
sâtrc et lu isan te ; une ch e v elure noire et abondante tombait
sur son cou , e t , comme parure sans d o u te , une natte tr è s -
line de chev eux traversait son front d’une tempe à l’autre. En
lo iilc autre c ir co n s tan c e , l ’apparition de cet échan tillon d’une
race nouve lle p ou r nous eût excité notre cu r io s ité ; m a is , au
m ilieu du trou b le c l de la confusion du m om en t, il fu t assez
mal a c cu e illi. Q u o i qu’il en s o it , il fit b on n e co n ten an c e , et
répétant d’un air de dignité q u ’ il était un grand c h e f , il alla
se p lac e r sur la du n e tte , qu’il o ccu p a sans désemparer jusqu’à
la fin de nos infortunes. Sa conduite fu t étrange pendant ce
temps d’épreuves. Dans les momens où notre p erte paraissait
immin en te, Touboo-DodaV (a in s i se nommait ce t h om m e )
é tait rayonnant de p la is i r ; sa jo ie , qu’il ne ch e r ch ait pas à
dé gu ise r , mettait quelquefois notre patience à b o u t. S i le moment
eût été plus favo rab le aux co u c ep lion s poétiques , il
n’eût tenu q u ’à nous de v o ir en sa personne le mauvais génie
de l’Astrolabe assis sur la p o u p e , applaudissant p ar son in fe r n
al sourire aux efforts de la mer p o u r dévorer sa proie.
Dans cette même so ir é e , nous vimes avec étonnement trois
A n g la is a r riv er au milieu de nous : le premier était un jeune
homme fort b e a u , qui différait bien peu par la co u leu r des
naturels du p a y s , d ont il p o r ta it le costume ; on le nommait
John. Sin gle ton et R itch e t t, ses compatriotes, ava ient conserve
des vêtemens européens. Ces trois hommes considéraient notre
position comme désespérée; vivan t dans l ’î l e , sous le p a tro nage
de P a lo u ou F a t o u , l’un des p r in c ip au x chefs , ils étaient
venus p ou r nons assurer des bonnes dispositions de ce t im p o r tant
personnage.
P a lo u lui-même a r r iv a dans la matinée su iv an te , et des ce
moment la scène s’anima autour de nous b cauconp plus que
nous ne l’aurions désiré. Plusieurs centaines de naturels en touraient
sans cesse le n a v ir e ; ils é cb o iia ien t , à mer ba s se, leurs
pirogues sur le ré c if. L ’espoir q u i les avait rassemblés n était
que trop facile à deviner pour n o u s , et nous comprimes des-
lors qu’au moment de la crise qui devait décider de n o u s , la
mer ne serait pas notre ennemi le plus red o u tab le .
L e c lie f était venu dans une b a leinière anglaise q u ilu i appartenait
, et sans doute i l était fier d’.ine aussi be lle p rop riété , car a