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 Mai. 
 ri.  L x x ix . 
 située  dans  une  position  fort  agréable  au  bord  de  
 la  mer,  dans  le  petit  village  de  Palea-Mahou.  La  
 lamaha, dont le nom propre est Faka-Kana,  entourée  
 de  ses  femmes  et  de  ses  proches  parens,  me  reçut  
 avec  la  plus  aimable  politesse;  c’est  une  femme  de  
 cinquante-cinq  à soixante ans,  qui  a dû  être  très-bien  
 dans  sa  jeunesse,  et  qui  conserve  encore  les  traits  
 les plus  réguliers ,  les  manières  les  plus  aisées,  et je  
 dirai même  un  mélange  de  grâces,  de noblesse  et de  
 décence bien remarquable  au  milieu d’un  peuple  sauvage. 
   Sur le rapport que m’avait fait Singleton,  c’était  
 d’elle  que j ’attendais  les  renseignemens  les plus  précis  
 ,  et je ne  fus  point  trompé dans mon  attente.  Aux  
 nombreuses  questions  que je  lui adressai,  elle répondit  
 constamment  avec  une  complaisance  soutenue,  
 une sagacité et une précision  parfaites.  Je vais donner  
 ici  la  substance  des  réponses  que  j ’obtins  de  cette  
 femme. 
 Elle  se  rappelait  avec  beaucoup  de  satisfaction  le  
 passage  des  vaisseaux  de M.  d’Entrecasteaux qu’elle  
 avait  souvent  visités  avec  sa  mère,  veuve  du  louï-  
 tonga  Poulaho.  Le  nom  de  Tinee  que  donna  ce  navigateur  
 a  la  soeur  aînée  du  même  Poulaho,  qui  
 occupait  alors  le  premier  rang  dans  Tonga,  s’est  
 trouvé d’abord  inconnu non-seulement de la tamaha,  
 mais  encore de tous  ceux qui  se  trouvaient  présens  à  
 notre  entretien.  Il  paraît  cependant  qu’il  aurait  eu  
 rapport  à  Tineï-Takala  qui  avait  alors  le  rang  de  
 touï-tonga-fafine.  Cette  dame  était  la  mère  de  Vea-  
 Tchi,  et  par  conséquent  l’aïeule  de  Vea.  Sa  soeur 
 cadette Nana-Tchi,  qui n’a pas moins  de  soixante-dix  
 ou quatre-vingts  ans,  a  succédé  à sa dignité suprême  
 et demeure  à Nougou-Nougou. 
 La  tamaha  ne  se  souvenait  que  confusément  des  
 vaisseaux  de  C ook,  n’ayant  alors  que  neuf  ou  dix  
 ans,  ce qu’elle m’exprimait en me montrant une  jeune  
 fille  de  cet  âge ;  mais  lors  du passage de  d’Entrecasteaux  
 ,  elle  était déjà une grande personne. 
 Alors  je  voulus  savoir  si,  entre  Cook  et  d’Entrecasteaux, 
   il  n’était  pas  venu  d’autres  Européens  à  
 Tonga.  Après  avoir  réfléchi  quelques  momens,  elle  
 m’expliqua très-clairement que,  peu d’années avant le  
 passage  de  d’Entrecasteaux,  deux  grands  navires  
 semblables  aux  siens,  avec  des  canons  et  beaucoup  
 d’Européens,  avaient mouillé à Namouka où ils étaient  
 restés  dix  jours.  Leur  pavillon  était  tout  blanc  et  
 non  pas  semblable  à celui des  Anglais.  Les  étrangers  
 étaient fort bien avec les naturels :  on  leur donna une  
 maison  à  terre  où  se  faisaient  les  échanges.  Ln naturel  
 qui avait vendu,  moyennant un  couteau,  un  coussinet  
 en  bois  à  un  officier,  fut  tué  par  celui-ci  d’un  
 coup  de  fusil  pour  avoir  voulu  remporter  sa  marchandise  
 après  en  avoir  reçu  le  prix.  Du  reste,  cet  
 incident  ne  troubla  point  la  paix,  attendu  que  le 
 naturel  avait tort en celte affaire  Les vaisseaux de 
 Lapérouse  furent  désignés  par  les  naturels  sous  le  
 nom  de  Louadji,  de  même  que  ceux  de  d’Entrecas-  
 leaux le furent sous  celui de Selenari.  J’ai déjà rendu  
 compte  de  l’origine  de  cette  dernière  désignation;  
 mais  il  m’a  été  impossible  de  découvrir  celle  du mol 
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