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150 VOYAGE
l’eau, où il s’était avancé beaucoup plus que la première
fois. Mais les insulaires lui adressèrent un coup
de fusil qui le lit revenir sur le rivage, d’où il cria au
canot de retourner à bord et de ne point tirer; qu’autrement
il serait massacré par les sauvages, ainsi que
tous ses camarades.
M. Guilbert revint à bord sans avoir tiré un seul
coup, et j ’approuvai sa conduite. Désormais il était
évident que les astucieux sauvages voulaient attirer
nos hommes dans un piège, pour en massacrer le
plus qu’ils pourraient et me dégoûter de toute tentative
ultérieure. Leur précipitation seule avait fait
échouer leur stratagème; et sans le coup de fusil trop
tôt tiré, il est probable que 51. Guilbert et ceux qui
l’auraient accompagné seraient tombés en leur pouvoir.
Sans doute le moment était arrivé d’avoir recours
aux moyens extrêmes, et peut-être eussé-je dû
m’y résoudre sur-le-champ. Toutefois, pour éviter
tout reproche de violence et de précipitation, je résolus
d’attendre jusqu’au lendemain et de laisser encore
la nuit aux réflexions des naturels.
M. Guilbert s’était assuré que la corvette pouvait
sans danger accoster de lrès-près*les récifs ; la marée
était basse, et l’acore des brisans était maintenant
très-visible. En conséquence, cet officier retourna
dans la chaloupe mouiller la grosse ancre, qui n’avait
qu’une patte, à deux encâblures dans le S. S. O . , par
treize brasses. La première ancre fut dérapée, et
nous nous hâlames sur l’ancre à une patte. Cette
manoeuvre, exécutée avec de grosses ancres et des
DE L ’ASTROLABE. 151
grelins à demi usés ou rongés par les coraux, fut
longue et pénible, car les aussières, les orins et les
serre-bosses manquaient à chaque instant. Toutefois,
à force de soins et de fatigues, sur les cinq heures
du soir, nous nous trouvâmes mouillés à peu de
distance du brisant et à bonne portée de caronade de
Mafanga.
Comme de coutume, à six heures du soir, le coup
de canon de retraite fut tiré, et les naturels y répondirent
par un coup de carabine dont la balle vint
siffler au travers du gréement. Pour la nuit, l’appel
fut fait aux postes de combat, les fanaux furent tenus
allumés, et tout fut prêt pour le cas d’attaque. Le
grand canot et la chaloupe furent amarrés le long
du bord avec des chaînes en fer. La brise du S. S. E.
fut généralement faible; mais par interyalles il passait
des rafales plus fraîches, et qui nous obligèrent
à filer quelques brasses de la chaîne.
Dans la position où nous nous trouvions, nous
étions à portée de voix avec les hommes placés au
bord du rivage. Dès six heures du matin, le matelot
Martineng reparut sur la plage, et nous héla d’envoyer
un canot à terre avec un officier. Je lui fis répondre
que, si les naturels avaient réellement envie
de rendre les prisonniers, ils pouvaient les renvoyer
dans une pirogue, ou même se contenter de les laisser
revenir à la nage à bord ; qu’aussitôt la paix serait
faite. Martineng renouvela la demande d’envoyer un
officier à terre sans armes ; je lui déclarai que je
voulais parler à Singleton, et que cet Anglais eût à
1827.
Mai.