nous étions revêtus de nos uniformes, pour mieux
manifester notre considération pour les missionnaires
aux yeux des naturels ; mais nous maudissions alors
ce gênant attirail dans l’espèce de promenade aquatique
que nous nous voyions obligés défaire jusqu’au
rivage.
En mettant pour la première fois les pieds sur le
sol de Tonga, je fus frappé d’admiration en voyant
l’ordre avec lequel sont tenues les plantations de suc
re, kava, bananes, ignames, etc., l’extrême pro-
pi. Lxxxix. prêté des habitations, surtout l’adresse, on pourrait
même dire l’élégance avec laquelle sont fabriquées les
palissades qui séparent les divers enclos. Nos jardins
publics, nos grands parterres, ne sont pas tenus avec
plus de soin que ne le sont en général les malais, les
vergers, et même les champs des insulaires de Tonga.
Sous le rapport de l ’agriculture, il est certain que ces
naturels ont su se placer bien au-dessus de toutes
les autres peuplades de la Polynésie.
Ritchett nous conduisit à la maison des missionnaires.
Elle est située dans une position agréable, à
trois ou quatre cents pas de la mer : quoique petite
et en bois seulement, elle est bâtie à l’européenne,
avec un étage au-dessus du rez-de-chaussée. M. Thomas
nous reçut avec politesse; je lui remis pour son
ménage divers objets qu’il m’avait témoigné le désir
de se procurer, puis je le priai de me faire voir le
village et les tombeaux ou faï-tohas de Hifo.
Je fus d’abord conduit au Pangaî, belle maison
publique d’une vaste étendue, construite à l’endroit
Pl. LXXXV.
même où le dernier touï-kana-kabolo fut assassiné
par Finau. Là même, à force de questions , je réussis
à me faire expliquer le motif de l’espèce d’anarchie
qui règne dans File depuis ce mémorable événement.
Il parait en effet que, depuis cette époque, il n’a
existé aucune autorité régulièrement constituée. La
jalousie des chefs s’est opposée à ce qu’il y eût un
nouveau touï-kana-kabolo ou chef du pouvoir
exécutif légalement nommé, aucun d’eux ne voulant
reconnaître d’autorité supérieure à la sienne.
D ’un autre côté, le touï-tonga lui-même doit être
installé dans ses fonctions par le touï-kana-kabolo,
avant de pouvoir prétendre aux privilèges de
sa dignité suprême. Aussi Lafdi-Tonga, à qui elle
appartient de droit aujourd’hui, n’en a que le titre,
et les grands eguis de Tonga éloignent son re-
tou r , dans la crainte qu’il ne nomme un touï-kana-
kabolo , et que tout ne rentre dans l’ordre accoutumé.
Dans tous les cas, le touï-tonga n’a guère que
les honneurs de la royauté, malgré son rang presque
divm. C ’est au touï-kana-kabolo qu’appartiennent le
pouvoir exécutif et le commandement des troupes ,
sans que l’autre puisse s’en mêler. De là vient que la
plupart des voyageurs ont toujours pris celui-ci pour
le roi véritable de l’île.
Suivant les missionnaires, ce serait à Houla-Kaï,
comme propre fils de Tougou-Aho, que cette charge
importante reviendrait. D’autres affirment qu’elle appartient
à Toubo, qui n’est que neveu de Tougout
o m e IV. /•
1 827.
Mai.
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