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138 VOYAGE
182,7.
Mai.
succombé sous les coups de l’ennemi ; ce qui eût été
une perle irréparable pour VAstrolabe....
Le résultat de cette affaire me prouva que je devais
renoncer à livrer par terre de nouveaux combats aux
naturels. Dans les fourrés impénétrables qui couvrent
une grande partie de file , tous nos hommes
eussent péri successivement sous les traits de l’ennemi
sans lui faire aucun tort sensible. En outre,
quand bien même nous eussions été victorieux, la
mort d’un millier de ces perfides insulaires ne pouvait
balancera mes yeux, et dans l’intérêt de la mission,
la perle d’un seul Français ; car je ne devais pas oublier
que le but de l’expédition était scientifique et
non militaire.
Il me parut plus avantageux de conduire la corvette
elle-même devant Mafanga, et de menacer d’une
ruine complète cette place, objet sacré de la vénération
des sauvages. Par là j ’étais sûr de faire intervenir
l’île entière dans notre querelle ; j ’espérais qu’il
se trouverait des chefs qui censureraient la conduite
de Tahofa, et le forceraient à relâcher ses prisonniers.
D ’ailleurs je devais m’attendre à voir tous les insulaires
de Tonga voler à la défense de Mafanga. Déjà
les lunettes nous faisaient distinguer des attroupe-
mens considérables qui s’agitaient devant cette place,
et la fortifiaient de leur mieux.
De notre côté, nous fîmes à bord tous les préparatifs
de défense que commandait notre position. Les
petits canons de campagne furent installés sur le gaillard
d’avant, les armes furent tenues en état, et toute
DE L ’ASTROLABE. 139
la nuit des sentinelles placées dans toute l’étendue
du navire fii’ent une garde vigilante. Une attaque
nocturne de la part des insulaires nous eût été funeste
; heureusement ils n’osèrent pas la tenter.
Au point du jo u r , la brise souffla avec force au
S. E . , et m’obligea à différer le mouvement que je
comptais opérer sur les récifs de Mafanga, mouvement
qui devenait d’autant plus délicat à exécuter que
nous étions privés des moyens de nous tirer d’embarras
si nous venions à échouer.
Les charpentiers furent employés à disposer sur
l’avant de la chaloupe une plate-forme pour recevoir
au besoin une des pièces de campagne, précaution
nécessaire dans le cas où il eût fallu faire une descente.
Nos lunettes dirigées vers Mafanga nous prouvèrent
que les naturels avaient travaillé toute la nuit à
fortifier cette place, et l’avaient déjà mise dans un état
de défense respectable. Tandis que nous admirions l’intelligence
et l’activité de nos sauvages ennemis, nous
aperçûmes tout-à-coup, entre la côte de la grande terre
et le navire, une petite pirogue manoeuvrée par deux
hommes, au milieu desquels un troisième semblait
immobile. Il ventait assez fo r t, et la houle empêchait
les deux hommes qui pagayaient de diriger leur frêle
embarcation comme ils l’auraient voulu. Tantôt elle
semblait gouverner sur la corvette, tantôt elle paraissait
rallier la terre.
Cette manoeuvre m’ayant paru équivoque, je donnai
l’ordre au grand canot de courir sur ces hommes,
1827.
Mai.
14.
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