l’I. XCI.
seraient jamais attaquer nos gens tant qu’ils seraient
réunis.
Cette expédition fut conduite avec beaucoup d’ordre
et d’intelligence. Notre petit détachement mit
d’abord le feu au village de Nougou-Nougou et à celui
d’OIeva, composés chacun d’une trentaine de cases,
puis à quelques habitations isolées, et l’on détruisit
cinq ou six belles pirogues. D ’épaisses colonnes de
fumée s’élevèrent de cette partie de File, et annoncèrent
aux naturels les rapides effets de notre vengeance.
Après avoir livré aux flammes le village d’Oleva,
les Français s’avancèrent en colonne serrée le long
de la plage vers Mafanga , tandis que le grand canot
les suivait le long du récif. A mesure qu’ils approchaient
de Mafanga, les sauvages, qui jusqu’alors
avaient fui devant eu x , devinrent de plus en plus
nombreux, et quelques-uns, retranchés dans les
fourrés du rivage, commencèrent à faire feu sur les
nôtres qui restaient entièrement à découvert. Cependant
les Français répondaient par une mousqueterie
bien nourrie; ils continuaient leur marche, et tout
allait bien, quand le caporal Richard, qui s’était
éloigné de quelques pas du détachement après avoir
abattu un insulaire, au lieu de rallier son parti, courut
imprudemment dans le fourré pour s’emparer de son
ennemi. Aussitôt huit ou dix sauvages tombèrent sur
Richard, lui arrachèrent son fusil, l ’assommèrent à
coups de casse-tête, et le percèrent de coups avec sa
propre baïonnette. A ses cris, nos gens coururent
à son secours, et le coq Castel abattit encore un des
assaillans. Ceux-ci prirent la fuite, et Richard fut
délivré de leurs mains ; mais il était trop tard ; le
malheureux était couvert de blessures, et fut porté
expirant au canot.
Notre détachement riposta encore quelque temps
aux coups de feu des naturels avec beaucoup de sang-
froid et d’intrépidité. Enfin M. Gressien, voyant que
sa troupe restait entièrement exposée aux traits des
sauvages., tandis qu’on ne pouvait leur répondre avec
aucune apparence de succès, jugea très - sagement
qu’il était grand temps d’opérer sa retraite. Les Français
rentrèrent donc tout doucement dans le canot,
à travers les balles de l’ennemi qui pleuvaient autour
d’e u x , et dont une atteignit et froissa le coude
de M. Dudemaine. Il fallut sans doute un étrange
hasard pour en être quitte à si bon marché. La manière
adroite dont un fusil à deux coups était servi
et tiré du côté des sauvages, fit soupçonner à nos
gens que Simonet leur avait prêté son aide.
Le grand canot rentra à bord à cinq heures et
demie, et je fus désolé en voyant l’état déplorable où
se trouvait Richard. Du reste, cet infortuné paraissait
avoir déjà perdu toute espèce de sentiment, et
il expira à huit heures du soir des suites des horribles
blessures qu’il avait reçues.
J’approuvai fort M. Gressien d’avoir pris le parti
de la retraite ; car, s’il eût différé tant soit peu, il
eût fini par être enveloppé par les sauvages, et la
plupart des hommes de son détachement auraient
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