1827- ne pouvais avoir qu’une confiance fort équivoque
A™'- dans la probité de ces hommes, lorsqu’il faudrait
nous remettre entièrement à leur discrétion. Cette
conviction ébranla la résolution que j’avais prise d’envoyer
à terre une partie de l’équipage, et je voulus
encore attendre.
Cependant, dans l’après-midi, la brise fraîchit
beaucoup au S. E . , la houle augmente, et notre position
devient de plus en plus menaçante. A peine a-t-on
lieu d’espérer que les amarres puissent tenir quelques
heures de plus ; et si le navire s’engloutit dans
la nuit, nous sommes exposés à perdre beaucoup de
monde, sans qu’il soit possible de sauver aucun des
objets de la mission. Après avoir de nouveau recueilli
les voix des officiers, l’avis de mes trois interprètes,
et reçu les ardentes protestations de dévouement de
Palou et de Tahofa, sur les trois heures et demie, je
me résous à faire embarquer dans la chaloupe et dans
la yole trente-cinq personnes, avec MM. Lottin,
Guilbert, Dudemaine, Quoy, Bertrand, Sainson
et Lesson. Ceux qui doivent rester à terre s’établiront
sur l’ile Pangaï-Modou, sous le commandement de
M. Lottin et sous les auspices de Tahofa. M. Dudemaine
ramènera ensuite la chaloupe à bord. Le reste
des officiers et de l’équipage demeure avec moi sur
l’Astrolabe pour veiller à sa sûreté jusqu’au dernier
moment.
Ce projet me paraissant le mieux combiné pour la
sûreté générale de tous les marins de l’Astrolabe, on
procède à son exécution. Durant ce temps, il arrive
une pirogue de l’établissement des missionnaires, .827.
amenant deux des Européens attachés à leur service; Avril,
l’un d’eux est un charpentier et l’autre un forgeron!
Celui-ci, en apprenant la résolution que j’ai"prise
d’envoyer à terre une partie de l’équipage, s’écrie à
l’instant que je vais faire massacrer ces hommes,
aUendu qu’au moment où ils mettront le pied sur le
rivage les sauvages se précipiteront sur eux pour les
dépouiller de tout ce qu’ils auront. L ’avidité des naturels
lui est bien connue, et la protection de Tahofa
serait insuffisante contre leur instinct de pillage,
quand bien même sa bonne volonté serait sincère, ce
dont il doute très-fort. Le charpentier partage cette
opinion. Aussitôt je réunis en conseil privé mes trois
interprètes et les deux chefs Palou et Tahofa, et je
leur expose sans déguisement les soupçons des deux
Européens. Une longue conférence s’ensuit; les deux
eguis repoussent avec vivacité la possibilité que nos
hommes soient massacrés par leurs compatriotes :
mais lis finissent par convenir eux-mêmes que les
effets des Français courent beaucoup de risques, et
qu il sera très-difficile de les soustraire à la rapacité
des naturels, surtout de ceux des basses classes.
A cette déclaration, je change aussitôt d’avis. Je
fais remettre à bord tous les sacs et rentrer tous les
hommes : ceu x -c i n’en sortiront désormais qu’au
moment où tout espoir de sauver lAstrolabe se sera
évanoui. J’emballe dans une caisse en tôle tous les
papiers et journaux de la mission, je les embarque
dans le bot, et je persuade non sans peine au char