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 couche fangeuse paraissait avoir au plus deux  ou trois  
 pieds de profondeur.  En général les lignes de courans  
 se dirigeaient du S.  E.  au  N.  O . ,  et  le  courant  lui-  
 même  affectait  la même  direction. 
 Je regardai donc comme un fait positif que ces eaux  
 provenaient  de  quelque  rivière  considérable  qui  se  
 décharge dans la mer sur  cette  partie de la  côte. Bougainville  
 observa  le même fait au même  endroit,  et en  
 tira la même induction.  Précisément dans cette pai’tie,  
 la terre de  la Nouvelle-Guinée forme une pointe basse  
 et fort  avancée  en mer (pointe d’ürville).  Tout porte  
 à croire que  cette  pointe  a été  formée  par les  attéris-  
 semens d’un torrent considérable. 
 Les  observations  de  M.  Jacquinot  ont  placé  la  
 pointe d’ ürville par  1° 24’  latitude S.  et  135°  27’ longitude  
 E.  Les  terres,  ou  plus  vraisemblablement  les  
 îles  qui forment cette  pointe,  sont  bien  certainement  
 les mêmes que Bougainville indiqua au nord-ouest du  
 géant Moulineaux. Nous n’avons pourtant rien vu qui  
 ressemble  à  cette  montagne.  Sans  doute  la  brume  
 nous en  déroba l’aspect. 
 Vers midi  deux pirogues  se détachèrent  de  la côte  
 et parurent  se diriger vers  nous. 
 En  ce moment nous doublions  la pointe d’ürville  à  
 cinq ou six milles de distance.  Au-delà de cette pointe  
 la  côte  fuit  rapidement  au  sud-ouest,  conservant  la  
 même  apparence,  c’est-à-dire  fort  basse  et  toujours  
 bordée  de  grands  arbres,  très-rapprochés,  qui  lui  
 donnent  de  loin l’aspect  d’un  mur  immense.  De  distance  
 en distance  des touffes  d’arbres,  deux  fo.s plus  
 élevés que le reste, semblent autant de bastions arrondis  
 destinés à   flanquer cette longue muraille. 
 Vers une heure les courans et les remoux ont ete si  
 violens  qu’ils  nous  ont  empêchés,  durant  plus  d’une  
 demi-heure,  de gouverner en route,  quoique nous fissions  
 vent arrière sous toutes voiles. A deux heures et  
 demie,  après avoir traversé plusieurs lits très-rapides,  
 nous  sommes  sortis des  eaux bourbeuses pour  entrer  
 dans  une  zòne  simplement  verdâtre.  La  bande  des  
 eaux  fangeuses n’a pas moins de dix  ou  douze  milles  
 de  largeur,  ce  qui  annonce  une  dimension  considérable  
 pour le  fleuve qui les produit. 
 Presque  au même moment  les  deux  pirogues  qui  
 marchaient vers  nous,  et  qui  étaient  parvenues  à un  
 mille de l’arrière de la corvette,  se sont arretees et ont  
 amené leurs  voiles.  Un des hommes qui les montaient  
 nous  a fait signe avec son  chapeau  de  l’attendre ; mais  
 pressé que j’étais de sortir des courans ou nous  étions  
 enFap-és,-je  continuai  ma  route.  Les  deux  pirogues  
 étaient montées  chacune par huit  ou  dix  hommes  et  
 portaient l’une et l’autre un double balancier. Au bout  
 d’un certain temps, voyant qu’ils ne pouvaient pas nous  
 atteindre,  ces  sauvages reprirent le chemin de terre. 
 A cinq heures  cinquante minutes du soir, nous  traversâmes  
 un fort  remoux,  et  rentrâmes  enfin dans  la  
 Mer bleue.  En même temps,  et à une distance de près  
 de  vingt  lieues  ,  nous  apercevions déjà  les  pitons  de  
 l’ile Jobie. Nous mîmes  en  panne à six heures  et nous  
 y passâmes  toute  la nuit. 
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