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 Et il m’apprit que partout où  il  avait sondé,  il  n’avait  
 pas  trouvé moins de quarante brasses  de fond. 
 V e r s   une  h e u r e ,  M .  d’U r v i lle ,  profitant  d ’un  moment  
 d’ em b e ll ie ,  me  confia  k   ba le in iè re   avec  n e u f  hommes  p ou r   
 a lle r   reconnaître  l’entrée  du  h âv re  C a r te r e t ,  et  v o ir   s’il  était  
 ég a lement  sûr  de  passer  à  dro ite  ou  à  g au ch e   de  k   ro che  
 B o o b y .  L e   v ent  éta it  b on   frais,-  et  nous  fîmes  route   sous  la  
 m is a in e ,  un  n s  p r is ;  mais  à  p eine  eûmes-nous  quitté  la   c o r v 
 e t te ,  q u ’u n   gra in   nous  k   fit  perdre  de  vue.  L a   p lu ie   recommença  
 et  co n t in u a   ju sq u ’au  so ir  sans  in te r ru p tio n   ;  nous  ne  
 d istinguions  p lu s   rien  que  B o o b y ,  d o n t  le   ro c   no irâtre  faisait  
 ja i l l i r   à  plus   de  trente  p ieds   une  écume  éblouissante  ;  b ientôt  
 i l   dispa rut dans  les  torrens  de  p lu ie .  L a   m e r ,  grosse,  p ren ait  
 le   can o t  p a r   le  trav ers ,  c t  sembla it  à  chaque  instant  devoir  le  
 d is lo qu e r   :  deux  hommes étaient  o ccupés  constamment à  v ide r  
 I c a u .  Je  fis  amener  la  misaine;  nous  étions  tous  trempés jusq 
 u ’aux  os;  le   fro id   commençait  à  me  s a is ir ,  et  je   pris  un  
 av iron  :  nous  quittâmes  nos hab its   qui  semblaient nous g la c e r ;  
 e t ,   faisant  con tre  mauvaise  fo rtune  b on   coe u r ,  nous  n o te   
 mîmes à  ramer  de  toutes  nos  forces  con tre   le   v e n t ,  tenant  le  
 can o t  le   b o u t  à  la  lam e ,  et  attendant  à  chaque  instant  une  
 é c la ir c ie   p o u r   v o ir   où  nous étions.  J ’estime  que  nous  restâmes  
 trois   heures  dans  cette  p o s it io n ,  luttan t  con tre  le   v en t  et  la  
 m e r ,  ne  v o y an t absolument  rien  à  une  toise  de  n o u s ,  et  cra ig 
 n an t  d ’étre  jetés  sur  que lque   p o in t  de  la   cô te .  E n f in ,  les  
 hommes  harassés  ne  faisaient  plus  que  battre  l ’eau  avec  leurs  
 a v iro n s ,  quand  nous  rencontrâmes  un  énorme  tronc  d’arbre.  
 Je  fis  passer  le   ca b lo t  à  une  de  ses  b ran ch e s ,  et  nous  pûmes  
 reprendre  halein e  un  in s ta n t,  dériv an t  lentement  avec  lui  c t  
 sondant sans  trou v e r   fon d   à  quarante  brasses. 
 Les   mate lo ts ,  gais  en  p a r tan t,  ne  soufflaient  pas  le   m o t ,  c t 
 j ’étais moi-même  trè s -in q u ie t.  L a   n u it  a p p ro ch a it ,  k   corvette  
 a v a it  dû  co u r ir   au  la rg e ;  je   connaissais  k   fo rce  des  courans  
 q ui  de v aien t  l ’entra îner  au  nord  dans  le   c a n a l,  ct  l’impo s s ibilité 
   de  re g a gn e r   ensuite  dans  le   sud.  Je  vo y a is   k   ce rtitude  de  
 rester  ab andonné  à  nos  p ropres  moyens  p endan t  un  temps  
 plus  ou  moins   lo n g ,   et  sur  une  cô te   qui  n ’est  rien  moins  
 q u ’h o sp italière. 
 U n   g ra in   v io le n t ,  chassant  k   brume  devant  lu i ,   nous  permit  
 de  v o ir   la   côte.  Nous  étions  à  en viron   un  q u a r t  de  mille  
 dans  le  sud de B o o b y  ;  nous  reprîmes c o u ra g e ,  c t vînmes passer  
 entre  cette  ro ch e   et  la   te r r e ,  à mi-di.stanee,  sans  trou v e r   fond  
 à  quarante  brasses.  A p rè s   le  g r a in ,  le   v ent  m o llit  b e a u c o u p ,  
 c t nous  p rolon ge âm e s   la   cô te   à  quelques   toises  p o u r   ne  pas  la  
 perdre  de  v u e ,   remontant  vers  le   n o r d ,  c t  ch e r ch an t  quelque  
 cri(jue p o u r   nous  ré fu g ie r . 
 A   près d’un  d em i-m ille   dans  le   no rd  de  B o o b y ,  k   côte  fo r mait  
 un  en fon cemen t  dans  le q u e l  k  mer était  unie  comme  une  
 g la c e  ;  mais  une  digu e   de  récifs  nous  empêchait  d ’y   pénétrer.  
 Nous  découvrîmes  enfin  une  c o u p u r e ;  la   ba le in iè re   f t to u c h a ;   
 mais  nous sautâmes  tous à  l ’e a u ,  c t  e lle   fu t b ien tô t tirée  à  te r r ï  
 sur  une  petite  p la g e   de  s a b le ,  seul  p o in t   où  les  b a rrin gton ia s   
 permettaient  d’ab order.  L a   p lu ie   ne  d iscon tinu ait  pas ;  nous  
 fîmes  un e  tente  avec  des  v o ile s ,  et  nous  nous mîmes  tous  d e s so 
 u s ,  nus c t  les uns  con tre   les  autres  p o u r  nous  réchauffer;  ca r  
 nos  dents  c la q u a ie n t ,  c t  nous  n’avions  aucun   moy en  de  faire  
 du  f e u ,  qui  d’ailleu rs   n’au ra it  pas  manqué  d’a ttire r   les  sauvages  
 ,  ce  que  je  voulais  é v ite r  av ant d ’a v o ir  p e rd u   to u t espoir  
 de  re v o ir   k   co rv e tte .  U n   m a te lo t ,  le   nommé  Gra sse,  que  
 j ’avais  en vo y é   explo re r  la  p la g e ,  re v in t me  dire  q u ’à  quelques  
 pas de nous il y  av a it deux huttes  abandonnées,  oû nou.s serions  
 plus   ab rités p o u r   la  n u it ;  et je   me  disposais  à  les  v is ite r m o i-   
 mêm e ,  lo r s q u e ,  mettant  le  p ied  hors  de  k   te n te ,  il  s’écria  : 
 L a   c o r v e t t e ! ...  E n   effe t,  à  travers  k   brume  c t  la  p lu ie ,  ou  
 ap erc eva it a lors d istinctement  l ’A s tro la b e ,  o rientée v cn ta r r iè r e   
 et  ro u lan t  p anne  sur  panne  ;  e lle   av a it  dépassé  l ’île   L e igh   ,  c t 
 TOME  IV .  /.Q