vice. Mais j ’étais impatient de quitter les rives de
Tonga ; j ’avais tout à craindre du caractère versatile
des sauvages et des mauvaises dispositions de nos
propres matelots. L’essentiel était donc de délivrer
les individus qui semblaient disposés à rentrer sur
leur navire. D’ailleurs, quand les deux déserteurs
auraient été remis en mon pouvoir, il m’eût été fort dif-
iicile de rien statuer à leur égard. La condamnation
de Simonet surtout pouvait entraîner la peine capitale
, exécution toujours bien pénible dans ces sortes
de campagnes , et son impunité présentait un terrible
inconvénient, sans parler du funeste effet que sa
présence et ses discours pouvaient de nouveau produire
sur l’équipage.
Je pesai toutes ces considérations, et je fis comprendre
à Waï-Totaï qu’il pouvait dire de ma part
à Tahofa que je renonçais définitivement à Simonet
et à Reboul, qu’il pouvait les garder, et qu’aussitôt
(jue les autres captifs me seraient remis, je lui promettais
de quitter sans délai Mafanga et même Tonga
Tabou.
Ce fut aussi pour éviter d’entraver, par aucun retard
ultérieur , le terme des négociations, que je ne
voulus jioint parler, ni de la montre d’habitacle, ni
des fusils de Richard et d cM. Dudemaine, ni des
objets de la yole restés au pouvoir des natui’els. Il
fallait en finir à tout p r ix , car il était évident que
lïnfltience de Tahofa dominait dans le conseil des
chefs, et j ’étais privé d’aucun moyen direct pour
dompter l’arrogance de cet ambitieux et puissant egui.
Waï-Totaï et Martineng retournèrent à terre pour
porter ma réponse à Tahofa, tandis que M. Guilbert
les suivait dans le grand canot jusqu’au bord du
récif, pour être tout prêt à recevoir nos hommes.
Un quart-d’heure après l’arrivée de nos envoyés à
terre, on vit sortir de leur bastion tous les captifs ,
savoir : Martineng , Della-Maria , Bellanger, Bouroul,
Fabry et Grasse, couverts d’étoffes du pays
que Tahofa leur avait fait donner pour remplacer les
habits qui leur avaient été enlevés au moment même
de l’attaque. Les naturels accompagnèrent les Français
jusqu’au bord de Feau ; bientôt ceux-ci furent
reçus dans le grand canot qui les ramena sur-le-champ
à bord.
Ce fut un moment bien doux pour moi. J’avais
enfin recueilli le prix de mes longs efforts et de ma
persévérance opiniâtre depuis huit jours ; j’avais préservé
l’expédition de lAstrolabe d’une tache ineffaçable,
celle de laisser plusieurs de ses membres à
la discrétion de peuples sauvages, à cinq mille lieues
de leur patrie , et sans aucun espoir apparent de pouvoir
jamais y retourner. Ce qui doubla ma satisfaction
, ce fut de voir que plusieurs de ces hommes
méritaient réellement les preuves d’intérêt que nous
venions de leur donner , en bravant les derniers périls
pour les délivrer.
Le pauvre Bellanger avait été si affecté de sa captivité
qu’il en avait perdu toute envie de manger, et
pour lui faire prendre des alimens, les sauvages
étaient obligés de le menacer de le tuer. Le jeune Bon-
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