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 qui  s’approchait du  navire  avec  trois  Anglais,  et peu  
 après  un quatrième se montrait sur  la  pointe  de Pangaï 
 Modou.  Un  canot  du  bord  fut  envoyé  pour  le  
 prendre. Ces gens,  dont deux  étaient  le  charpentier  
 et  le  forgeron  des  missionnaires,  m’apportaient  des  
 lettres de M.  Thomas,  écrites  à peu  de distance l’une  
 de l’autre.  Le  porteur  de  la  première  était  venu  par  
 terre,  aucun naturel  n’ayant osé  l’amener  à bord,  et  
 c’était lui  qui avait paru  sur Pangaï-Modou. 
 M. Thomas me mandait  que les  naturels  se  repentaient  
 de leur perfidie  à mon égard ;  qu’ils  craignaient  
 que  je  ne  voulusse  détruire  leurs  faï-tokas  (tombeaux) 
   à Mafanga,  et  qu’ils  avaient  eu  recours  aux  
 missionnaires  pour  les  prier  d’intercéder en  leur  faveur  
 près  de  moi.  En  conséquence,  il  me  priait  de  
 suspendre  les  hostilités,  et  me  promettait,  au  nom  
 des  chefs,  que  les  prisonniers  seraient  immédiatement  
 remis au cadot qui  irait les chercher à Mafanga. 
 Dans  ma  réponse  à 51.  Thomas ,  je  lui  peignis  la  
 conduite infâme  de  Tahofa  qui  avait  payé  de  la plus  
 noire ingratitude et de la plus atroce perfidie toutes les  
 bontés  que nous  avions eues pour lui ;  j’ajoutais  qu’il  
 méritait tout  le poids de notre vengeance, mais  que je  
 consentais cependant à tout oublier, et même à quitter  
 sur-le-champ  l’île  aussitôt  que  tous  les  Français  seraient  
 rendus à leur navire. J’insistais sur  le mot tous,  
 alléguant  qu’il  ne  devait  point  y  avoir  d’exception,  
 attendu que j ’étais responsable de leurs personnes envers  
 mon  gouvernement. Si  les  naturels  ne  souscrivaient  
 point à cette condition, j ’étais résolu  à ne point  
 quitter  Tonga-Tabou  sans  avoir  détruit Mafanga  de  
 fond  en  comble. 
 Je  parlai  dans  le  même  sens  aux  Anglais,  et  les  
 priai  de faire part aux  insulaires de  ma dernière résolution. 
   L ’un  d’eux  voulant  me  faire  des  représentations  
 sur les  forces  supérieures  des  naturels  et  sur  
 les grands dangers  quej’allais courir en m’approchant  
 des  récifs  de Mafanga,  je  lui  répondis  d’un  ton  bref  
 et  péremptoire  que  ma  volonté  était  invariable,  et  
 que  les  sauvages  devaient  rendre  tous  leurs  prisonniers  
 ,  ou  s’attendre  à voir  Mafanga  réduit  en  poussière. 
   Puis,  sous  prétexte  qu’il  était tard,  je  m’empressai  
 de  les  congédier,  ayant  remarqué  que  leurs  
 discours produisaient une impression  fâcheuse sur les  
 hommes  de  l’équipage. 
 Toute  la nuit on fil bonne garde; mais elle  se passa  
 tranquillement.  Les naturels ne concevaient pas même  
 la  possibilité de nous  attaquer  à bord. 
 N’ayant  reçu  aucune nouvelle  de  nos  prisonniers,  
 et ne  voyant  les  naturels  faire aucun  mouvement  qui  
 annonçât  l’intention  de les  rendre,  à  sept  heures  du  
 matin  les  huniers  furent  bordés,  l’ancre dérapée,  et  
 nous cinglâmes vers Mafanga,  sous  les huniers  seulement. 
   Le  grand  canot marchait  devant  la  corvette,  
 sous  les  ordres  de  M.  Lottin,  pour  éclairer  notre  
 route.  Comme  la  marée  haute  ne  nous  permettait  
 point  de  distinguer  l’acore  du  brisant,  à  sept heures  
 c[uarante  minutes,  je  laissai  retomber  l’ancre  devant  
 Mafanga,  à  un  quart  de  mille  du  rivage  et  à  une 
 1827 
 Mai. 
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