1827.
Avril.
pour signaler leur position, et les canots ont agi de
toutes leurs forces. A mon inexprimable satisfaction,
j ’ai vu que le courant, tout faible qu’il était, aidait à
nous écarter du récif. Bientôt la brise a tout-à-fait
tombé, nous sommes restés en calme plat, mais
toutes nos embarcations fortement armées ont été envoyées
sur les toulines, et nous avons pu cheminer
lentement. Je dirigeais ma route vers la grande passe,
entre les ilôts Magon-Haet Manou-Afai : Waï-Tolaï, qui
passait pour le premier marin, le pilote le plus habile
de Tonga, me guidait par l’organe de Singleton. Tout
alla bien jusqu’à la pointe du récif près de Manou-
Afai, que Waï-Totaï voulut me faire ranger de trop
près. Au moment précis où nous arrivions près de
cette pointe, un courant violent, accompagné de tourbillons
impétueux, arrivait lui-même de l’est au travers
de la passe : il prit la corvette par le flanc, la fit
tourbillonner sur elle-même deux ou trois fois, en
brisant les toulines et précipitant les canots les uns
sur les autres. J’attendis que le navire eût obéi à ces
rapides évolutions, puis je laissai tomber l’ancre de
tribord par quatre brasses. Mais cela ne put empêcher
qu’en terminant sa dernière abattée, l’Astrolabe
ne vînt s’appuyer contre un pâté de coraux qui se
trouvait fort près de la pointe, et ne laissait entre
cette pointe et lui qu’un canal de vingt à trente toises
de largeur.
Le courant qui filait trois noeuds vers l’ouest, tenait
la corvette si bien appuyée contre ce rocher, que je
ne songeai pas à l’en détacher, et je préférai attendre
le moment où la marée changerait. Seulement, comme
la mer n’était pas entièrement basse, quand cet accident
arriva à onze heures et demie du matin, une
béquille fut placée par le travers à bâbord pour empêcher
le navire de trop s’abattre à basse mer. Du
reste la quille elle-même ne touchait pas, et l’on ne
sentit pas la moindre secousse tant que nous fûmes
obligés de rester dans cette position.
Palou, présumant que notre situation était fort dangereuse,
vint me renouveler ses offres de service;
je le remerciai amicalement, mais je l’assurai que nous
étions à l’abri de toute inquiétude. En effet, abrités
désormais contre les redoutables houles du large par
les terres de Hogui sur la partie nord-est de l’île , je
n’avais plus rien à craindre de leurs désastreux efforts,
et je sentais qu’aussitôt que le courant se serait
apaisé, je resterais d’autant mieux maître de ma manoeuvre
que partout autour de nous nous avions
maintenant de vingt à trente brasses seulement de
profondeur.
En effet, vers quatre heures, la mer ayant suffisamment
remonté, le navire put abattre sur bâbord
et quitter la roche qui l’avait arrêté ; le foc fut
hissé, les embarcations envoyées de l’avant, et nous
tentâmes de franchir la passe. Mais le courant nous
reportait désormais vers l’E . , et, quoique la brise fût
favorable, nous le refoulions à peine. Il me parut plus
sage de laisser tomber l’ancre par treize brasses, à
trois encâblures environ de la roche de corail. Là ,
du moins, nous étions abrités de toutes parts et sans
1827.
Avril.
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