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 Avril. 
 pour  signaler  leur  position,  et  les  canots  ont  agi  de  
 toutes  leurs forces.  A  mon  inexprimable satisfaction,  
 j ’ai  vu que le  courant,  tout  faible  qu’il était,  aidait  à  
 nous  écarter  du  récif.  Bientôt  la  brise  a  tout-à-fait  
 tombé,  nous  sommes  restés  en  calme  plat,  mais  
 toutes nos embarcations  fortement  armées ont été envoyées  
 sur  les  toulines,  et  nous  avons  pu cheminer  
 lentement.  Je dirigeais ma route vers la grande passe,  
 entre les ilôts Magon-Haet Manou-Afai : Waï-Tolaï, qui  
 passait pour  le  premier marin,  le pilote  le plus habile  
 de Tonga, me guidait par l’organe de Singleton.  Tout  
 alla  bien  jusqu’à  la  pointe  du  récif près  de  Manou-  
 Afai,  que Waï-Totaï voulut me  faire  ranger  de  trop  
 près.  Au  moment  précis  où  nous  arrivions  près  de  
 cette pointe,  un  courant violent,  accompagné de tourbillons  
 impétueux,  arrivait  lui-même  de  l’est  au  travers  
 de  la  passe  :  il  prit la corvette  par  le  flanc,  la  fit  
 tourbillonner  sur  elle-même  deux  ou  trois  fois,  en  
 brisant  les  toulines  et précipitant  les  canots  les  uns  
 sur  les  autres.  J’attendis  que  le  navire  eût obéi à  ces  
 rapides  évolutions,  puis  je  laissai  tomber  l’ancre  de  
 tribord  par  quatre  brasses. Mais  cela ne  put  empêcher  
 qu’en terminant  sa dernière abattée,  l’Astrolabe  
 ne  vînt  s’appuyer  contre  un  pâté  de  coraux  qui  se  
 trouvait  fort  près  de  la  pointe,  et  ne  laissait  entre  
 cette  pointe et  lui qu’un  canal de  vingt à trente toises  
 de largeur. 
 Le courant qui filait trois noeuds vers l’ouest,  tenait  
 la corvette  si  bien  appuyée  contre  ce  rocher,  que je  
 ne  songeai pas  à l’en détacher,  et je préférai  attendre 
 le moment où la marée changerait. Seulement, comme  
 la mer n’était pas entièrement basse,  quand  cet  accident  
 arriva  à  onze  heures  et  demie  du  matin,  une  
 béquille  fut  placée  par  le  travers  à  bâbord pour empêcher  
 le  navire  de  trop  s’abattre  à  basse mer.  Du  
 reste  la  quille  elle-même ne  touchait pas,  et  l’on  ne  
 sentit  pas  la  moindre  secousse  tant  que  nous  fûmes  
 obligés  de  rester  dans  cette position. 
 Palou, présumant que notre situation était fort dangereuse, 
   vint  me  renouveler  ses  offres  de  service;  
 je le remerciai amicalement, mais je l’assurai que nous  
 étions  à  l’abri de  toute  inquiétude.  En  effet,  abrités  
 désormais  contre les  redoutables  houles du large par  
 les  terres  de Hogui  sur  la partie nord-est  de  l’île ,  je  
 n’avais  plus  rien  à  craindre  de  leurs  désastreux  efforts, 
   et je  sentais  qu’aussitôt que le courant  se  serait  
 apaisé,  je  resterais  d’autant mieux maître  de  ma  manoeuvre  
 que  partout  autour  de  nous  nous  avions  
 maintenant  de  vingt  à  trente  brasses  seulement  de  
 profondeur. 
 En  effet,  vers  quatre  heures,  la  mer  ayant  suffisamment  
 remonté,  le  navire  put  abattre  sur  bâbord  
 et quitter  la  roche  qui  l’avait arrêté ;  le  foc fut  
 hissé,  les embarcations  envoyées  de l’avant,  et nous  
 tentâmes  de  franchir  la  passe.  Mais  le  courant nous  
 reportait  désormais vers  l’E . ,  et,  quoique la  brise fût  
 favorable, nous le refoulions à peine.  Il me parut plus  
 sage  de  laisser  tomber  l’ancre  par  treize  brasses,  à  
 trois  encâblures  environ  de  la  roche  de  corail.  Là  ,  
 du moins,  nous  étions  abrités  de  toutes parts  et sans 
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 Avril. 
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