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 A\ril, 
 remis  à  flot.  En  moins  d’une  heure,  nous  nous  retrouvâmes  
 amarrés  précisément  comme nous  l’étions  
 avant notre appareillage. 
 Cette  transition  subite  était  si  extraordinaire,  et  
 le  danger  auquel  nous  échappions  m’avait  paru  si  
 inévitable,  que  mon  courage  se  ranima  entièrement.  
 Dès-lors  une  sorte  de  pressentiment me  garantit  que  
 nous n’étions  point destinés  à  laisser  l’Astrolabe  sur  
 les  récifs  de  Tonga,  et  cette  confiance  surnaturelle  
 dans  notre  destinée  ne  cessa  de  m’accompagner  durant  
 tout  le reste de la  campagne. 
 Une autre chose me  fit encore  un  véritable plaisir,  
 ce fut  la  satisfaction  que  témoignèrent de  concert  les  
 trois  eguis en  apprenant notre délivrance inattendue.  
 Comme je leur témoignais  l’agréable  surprise que me  
 causait  leur  conduite,  Palou  me  fit  répondre  qu’ils  
 n’étaient plus comme autrefois  des  sauvages  toujours  
 prêts  à  piller  et  à  dépouiller  les  étrangers  qui  tombaient  
 entre  leurs mains,  que  leurs  guerres  avaient  
 cessé,  qu’ils  vivaient  maintenant  en  pleine  paix,  et  
 ne voulaient  combattre  avec personne ;  que d’ailleurs  
 ils  ne  nous  considéraient  pas  seulement  comme  les  
 hommes  d’un  bâtiment marchand,  mais  bien  comme  
 les  envoyés  d’un  grand  egui  dont  ils  avaient  déjà vu  
 les  vaisseaux,  et  que  dans  ma  personne  ils  respectaient  
 ce  roi  lui-même.  Ils  protestaient  de  nouveau  
 que,  cjuoi  qu’il  arrivât,  ils  s’étaient  engagés  à  nous  
 protéger,  et  qu’ils  ne  prendraient jamais  que  ce  que  
 je  voudrais  bien  leur  accorder. Certes  il était  impossible  
 d’attendre  de  ces  hommes  des  sentimens  plus 
 J 
 nobles  et  plus  généreux;  aussi je  ne  conservai  plus  
 de doutes  sur  leur  bonne  foi,  je  leur  fis  de nouveaux  
 présens,  et  notre  amitié  se  trouva  cimentée  par  les  
 liens les  plus  intimes.  Je  fis aussi  retirer des  soutes  à  
 poudre  les  armes  que j ’y  avais  cachées. 
 Dans la soirée,  des feux nombreux brillèrent sur la  
 côte de Hogui,  et Palou me  fit  dire  qu’ils  avaient  été  
 allumés  par  ses  ordres,  en  réjouissance du  bonheur  
 que  nous  avions  eu  de  reprendre notre poste.  Je fis  
 hisser  des  fanaux  pour  servir  de  guide  à M.  Lottin,  
 dans le cas où il  se  trouverait en  route pour rejoindre  
 le  navire ;  Palou  s’imagina  que  je  le  faisais  pour  répondre  
 à ses  feu x,  il  fut  flatté  de  cette  politesse,  et  
 j ’eus  soin  de  le  laisser  dans  une  illusion  qui  ne  me  
 coûtait rien. 
 Pour  la  nuit,  je  renouvelai  les  précautions  employées  
 la  veille,  et  la  moitié  de  l’équipage  fut  
 encore  embarquée  dans  les  canots.  Mais  le  temps  
 fut moins  mauvais,  bien  qu’il  passât  par  intervalles  
 de  petites  rafales,  qui me  causaient  de  vives  inquiétudes  
 et ne me  permirent pas  de fermer l’oeil un  seul  
 instant. 
 Sur  les  quatre  heures,  il  faisait  beau  temps  et  le  
 vent avait  approché  de  l ’E . ;  mais  au jour  il revint au  
 S. E .,  et  le  ciel  se  couvrit  de  nouveau.  II  me  fallut  
 renoncer  à  faire  aucun  mouvement.  Vers  sept  heures  
 et demie M.  Lottin  fut  de  retour à  bord ;  il  avait  
 accompli  sa  mission,  et  déposé  les  objets  qui  lui  
 étaient  confiés  chez  les  missionnaires  à  Hifo,  mais  
 non  sans  avoir  couru  de  grands  dangers.  Le  jeune 
 1827, 
 Avril. 
 V :