à la mer. Au reste, ce n’est pas dans les iles de l’Océan du Sud
q u ’ un artiste peut aller ch e r ch e r des inspirations pittoresques.
L à , presque toutes les terres , fondées sur d’immenses hancs de
eorainx, présentent à l’oeil des lignes peu variées. L a riche végétation
de CCS contrées s’ élève d’un sol p la t à une h auteur à
peu près uniforme ; elle s’ar ron dit en masses épaisses que dominent
d ’ innombrables cocotiers balancés au souffle des Vents.
U n e île de la mer du S u d , ap erçue de lo in , n’est q u ’une
bande étroite de verdure couronnée par le beau c ie l du tro -
p iq u e , tandis que la mer v ien t briser au p ied des arbres sur
un sable éclatant de blancheur.
Nous nous présentâmes devant le canal q u i , p a r une route
tortueuse au milieu des é c u e ils , con duit au m ouilla ge do
P a n g a ï-M o d o u , autrefois visité par C o ok et d’Entrecasteaux ,
et nous nous vîmes bientôt engagés dans cette passe, entre le
rivage où la tner brisa it à g ran d b r u i t , et une lo n g u e bande
de récifs qui nous p ro lon g ea it sur la droite. Nous goûtions ce
charme in exprimab le d’une n a v iga tion rapide sur des flots
u n is , tandis q u ’une jo lie brise se jo u a it dans nos voiles les
plus hautes. P eu à peu cependant notre vitesse d im in u a , les
voiles v in ren t à battre sur la mâture , et un calme p la t laissa
notre navire à la merci d’un courant q u i nous rap p ro ch a it des
récifs.
Nu l moyen de baisser tomber une ancre , ca r les énormes
coraux qui surgissent du sein de ces mers construisent ra re ment
leurs masses en pentes adoueies. Ils s’é lèv en t p erpen diculairement
du fond des eaux , et n’oiFrent aux navigateurs que
des lames acérées p ou r briser les n a v ire s , et un abîme sans
fond p o u r les en g lo u tir .
L e co u ran t nous emportait toujours. D u haut des mâts, les
vigies apercevaient le banc de c o ra il avec ses mille couleurs
qui b r illa ien t sous les e a u x ; nous ap p rochions len temen t,
mais avec une force irrésistible. T o u t-à - co u p le nav ire touche
.sur l’é c u e ll, et un cho c v io len t ébranle toute sa masse ; Tavant
était soulevé tout en tie r , tandis que l ’arrière flottait encore
en roulant sur une eau profonde. P o in t d’a v a r ie , point d’eau
dans le bâtiment ; sa p r o u e , en heurtant les c o r a u x , en avait
brisé la su r fa c e , et son ex ce llen t doublage av a it heureusement
résisté au premier ch o c .
P eu d’heures après , la perte du navire paraissait inévitable.
L e vent du la r g e , qui s’était élevé , soufflait avec fo rce ; la
mer s’é la lt g ro s s ie , et la corvette in c lin é e sur les rochers semb
la it à chaque instant devoir céder aux cfforls réunis de.s c lé -
mens.
Je ne dirai p o in t comment s’écoulèrent qua tre-v ingts lo n gues
heures dans de con tin uelles angoisses ! C ’était un triste
spectacle que ce n av ire que nous aimions ta n t , qui était p ou r
nous la p a t r ie , qui nous av a it déjà portés à travers tant d é -
cu eils in c o n n u s , se débattant maintenant contre sa p e r te ,
comme un n o b le animal qui frémit à l ’aspect du danger. E t
si les jo u rs étaient longs et pcsans , les nuits Tétaient bien dav
an ta g e ! Comme elles s’é coulaien t p éniblement au milieu do
ce désordre qui règne toujours sur un bâtiment en perdition !
A v e c quelle impatience nous attendions le jo u r , d eb o u t, au
pied du mât d’ar timon, suivant d’un oe il in q u ie t la marche rap
id e des nuages noirs qui montaient sur nos têtes , tandis que
chaque rafale nouve lle nous parais.sait devoir ensevelir p our
jamals sous les flots les flancs brisés de l’Astrolabe!
Heureusement il n’cn devait pas être ainsi : le 9.4 a v r il , la
mer s’apaisa et nous p ermit de tenter quelque chose p o u r le
salut commun. P lu sieu rs fo is , à l ’instant de réu s s ir , nos espérances
furent trompées. Enfin nous pûmes mettre a la voile
en profitant d’un'souffle fa v o rab le ; et laissant au fond de la
mer plusieurs de nos an c re s , nous mouillâmes la seule qui
nous restât dans la baie tran quille de P an g a ï-M o d o u , six jours
après notre fatal échouage.
C ’est alors q u e , dégagés de toutes pensées s in is tres , nous ne
songeâmes plus qu’aux douceurs que nous p romettait le délic
ieu x climat que nous devions h ab ite r que lque temps.
Je Tal déjà d i t , le pays est peu pittoresque ; cependant le
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