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Novembre.
29.
dionale, nous avons enfin la satisfaction de voir le
vent de S. E. tout-à-fait cesser, puis varier au N. et au
N. O. Nous mettons le cap au S . , et désormais, favorisés
par lèvent et le courant, nous cheminons plus
rapidement.
Aujourd’hui nous avons eu la douleur de perdre
Alexandre Béringuier, notre maître charpentier. A
deux heures quinze minutes après midi, M. Gaimard
est venu m’annoncer qu’après des souffrances modérées
et une agonie très-courte, ce brave homme venait
de rendre le dernier soupir. Alexandre Béringuier,
maître charpentier à quatre-vingt-un francs, était âgé
de quarante-sept ans ; il avait fait comme second maître,
dans sa profession , la campagne de U Uranie,
comme premier, celle de la Coquille, et c’était dans
la même qualité qu’il se trouvait encore embarqué sur
l’Astrolabe. Conduite sans reproches , amour du travail,
soumission et obéissance à ses supérieurs, douceur
de caractère, zèle et dévouement sans bornes ;
toutes ces qualités se trouvaient en lui réunies au degré
le plus éminent. C’eût été le premier de tous les maîtres
de la corvette que j ’eusse proposé au ministre
pour la décoration , et il m’eût été bien doux de lui
faire obtenir cette faveur qu’il méritait sous tant de
rapports G
La mort de Beringuier m’a été doublement sensible,
tant pour l’intérêt et l’attachement particulier que
' J ’ignorais alors que toules mes réclamations à cet égard seraient destinées
un jour à être dédaignées par tous les minisli-es ou directeurs de
Charles X comme de Louis-PIiilippe!
je lui portais , que parce qu’elle prive l’expédition des
services d’un excellent sujet. Cependant comme, au
témoignage des médecins, sa constitution était complètement
altérée par suite de longues douleurs d’estomac
et d’entrailles, et par l’effet des fièvres réitérées qu’il
avait éprouvées, l’existence était devenue pour lui un
fardeau douloureux, et je n’avais plus d’espoir d’améliorer
sa position dans le cours du voyage. En conséquence
j’ai dû me consoler de ce qu’une mort prompte
l’eût enlevé à ses souffrances plutôt que de le voir
languir plus long-temps sous les atteintes d’une maladie
cruelle et sans ressources. Je n’ai plus à remplir
envers l’infortuné Béringuier que deux devoirs, d’abord
de veiller aux intérêts de sa veuve à l’égard des
effets qu’il a laissés à bord, ensuite de lui procurer la
pension qui doit lui revenir eu égard au grade qu’occupait
Béringuier dans la marine. Le premier est facile
à remplir, et il ne tiendra pas à moi que l’autre ne
le soit également '.
A dix heures du matin les derniers devoirs ont été
rendus aux restes de Béringuier. Son corps a été déposé
sur le pont, un matelot a récité auprès de lui
l ’office des morts. Tout l’équipage et l’étal-major assistaient
à cette cérémonie, la tête découverte el dans
un morne silence. Un détachement de dix hommes
était sous les armes. L’office terminé, le corps a été
lancé dans les flots, et nous avons dit le dernier adieu
aux restes de notre digne compagnon de voyage, tandis
i h o je z noie 14. ,
1827.
Novembre
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