I:
: î î ‘r
l ' i l
i l
l A
A:
ri
f
I'
530 V O Y A G E
1827.
Juillet.
étaient imposés, pour juger sainement des soucis el,
des inquiétudes qu’entraîne une pareille navigation...
Rarement notre horizon s’étendait à cent
toises de distance, et nos manoeuvres ne pouvaient
être que fort incertaines, puisque notre vraie position
était toujours un problème. A midi, le vent
tomba et nous fûmes ensuite abandonnés à de folles
brises de l’E. S. E. à l’E. N. E ., ballottés par une
houle énorme et toujours inondés par la pluie. Il fallut
remplacer le grand hunier et le perroquet de fougue
par les voiles de rechange, et réparer diverses autres
avaries dans le gréement, suite inévitable des temps
affreux que nous venions d’essuyer.
Il n’y a pas eu d’observations dans la journée, et
l’on n’avait entrevu la terre que deux ou trois fois
entre les grains. Mais à cinq heures du soir, la pluie
ayant cessé durant quelques instans, nous avons clairement
distingué la côte aux environs du port Montagu
, à douze ou quinze milles de distance ; nous
avons revu les îles de la veille, et nous nous sommes
de nouveau assurés que la terre se prolongeait en une
chaîne de montagnes élevées à l’ouest du port Montagu.
Quelque détestable que soit le temps, désormais le
vent s’étant établi à la partie de l’E . , je ne puis songer
à reprendre la route du'canal Saint-Georges; bon gré
mal gré, il faut me diriger par le détroit de Dampier.
On doit convenir que des terres noyées par des pluies
aussi fréquentes et aussi extraordinaires doivent offrir
à l’espèce humaine un séjour peu agréable et peu sa-
D E L ’A S T R O L A B E . 53 1
lubre. Aussi suis-je bien revenu de l’opinion avantageuse
que j ’avais conçue de la Nouvelle-Bretagne,
d’après le récit de Dampier et les conjectures du président
Desbrosses. Si celui-ci eût partagé les misères
de notre campagne, certainement il n’aurait point
choisi celte contrée pour devenir le siège de la colonie
qu’il voulait fonder sur cette partie du globe.
Jamais, en aucun pays, je n’avais rien observé de
semblable aux torrens de pluie qui nous ont submergés
depuis douze jours entiers. Bougainville et
d’Entrecasteaux avaient eu le même sort dans leurs
mouillages à Praslin et à Carteret. Plus heureux, il
est vrai, sur la Coquille, nous avions eu généralement
un beau temps au port Praslin. Mais il paraît
que ces cas sont rares, et il ne faudrait point y
compter.
Du reste je dois faire observer qu’il n’existe pas en
ce moment un seul malade dans l’équipage de l’Astrolabe,
malgré l’humidité continuelle qui règne dans
l’intérieur du navire, et les fatigues du service avec
un si mauvais temps. Seul je souffre encore assez vivement
des suites de ma maladie, jointes aux tribulations
de notre navigation actuelle.
Nous avons tenu la cape bâbord, toute la nuit, sous
une pluie battante et non interrompue. Au jour, le
vent a fraîchi et a soufflé avec une violence considérable
durant quelques heures, puis il a diminué après
midi. Quant à la pluie, plus abondante que jamais,
elle n’a cessé de tomber en véritable déluge toute la
journée; elle a pénétré dans toutes les parties de ma
1827.
Juillet.