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 Avril.  banc.  Quand celte manoeuvre,  que la houle  et  un  
 courant  violent  rendirent  longue  et  pénible,  fut terminée  
 , nous nous retrouvâmes,  comme  auparavant,  
 à trente pieds environ des coraux. 
 Désormais  c’était  l’arrière qui m’inquiétait ;  contre-  
 tenu  seulement par un faible grelin,  il pouvait aussi  à  
 chaque  instant  tomber  sur  les  rochers.  Pour  parer  
 provisoirement à ce danger,  un grelin  frappé  sur notre  
 câble du  sud  fut rapporté  par  un  des  sabord^  de  
 l’arrière  à  bâbord,  et  raidi  au  cabestan  pour  nous  
 servir  d’embossure. 
 21.  Cela  fait,  et  il  était alors minuit  environ,  les matelots  
 retournèrent  se  coucher.  Pour moi,  il me  fut impossible  
 de  fermer  l’oeil  un  seul  instant ; je  passai  le  
 reste de la nuit  à me promener  silencieusement sur le  
 pont,  observant  avec  anxiété la marche  des  nuages ,  
 et redoutant à chaque  risée  un  peu  fraîche,  à chaque  
 grosse  lame, de voir nos amarres  se briser,  et l’Astrolabe  
 entr’ouverte  s’abîmer le long  de  la  funeste  muraille  
 dont nous ne pouvions plus nous  éloigner. 
 Les  longues  heures  de  la  nuit  s’écoulèrent  dans  
 cette inquiétude continuelle.  A  cinq heures  et demie,  
 le jour  commença  à poindre,  sans  apporter  de  changement  
 à  notre  situation.  Nos  grelins  et  nos  câbles  
 avaient  adonné,  de  sorte  que  dans les  grands  roulis  
 les  flancs  du  navire et  les  porte-haubans  tombaient  à  
 cinq ou six pieds des bords du récif. 
 Pour  défendre  jusqu’au  dernier moment  l’arrière  
 du  navire,  et  surtout  le  gouvernail,  cette  pièce  si 
 précieuse, un de nos grands espars fut assujetti contre  1827. 
 le bord verticalement et en  arrière des  haubans d’arti-  Avril,  
 mon,  par des  liures  aux patins  et au  moyen de mains  
 de  fer  solides  appliquées  sur les  préceintes. 
 En  même  temps ,  pour  soulager  le  grelin  de l’arrière, 
   l’ancre moyenne  fut  éloignée  dans  FE.  S.  E.  
 avec le  petit câble,  et mouillée  à cinquante brasses  de  
 distance  environ.  Ces  travaux n’étaient pas  terminés,  
 que le câble  de  l’avant et  le  grelin de  l’arrière  furent  
 coupés  presqu’en  même  temps.  Je  m’attendais  à  ce  
 malheur,  qui était inévitable  par un fond semé  de coraux  
 tranchans  ;  mais  ces  pertes  n’en  étaient  pas  
 moins affligeantes ,  attendu  qu’elles  entraînaient celle,  
 des ancres.  C ’en était déjà trois de sacrifiées  en moins  
 de  douze  heures,  et  je  regardais  les  deux  autres  
 comme bien aventurées. 
 La nécessité nous force donc à demeurer suspendus  
 sur la grosse chaîne devant,  et le petit câble derrière,  
 en ayant soin de  raidir  l’un et l’autre  par  intervalles ,  
 pour que la corvette ne s’abatte point sur  les  rochers. 
 Il ne nous  reste  plus  que  deux  grosses  ancres ;  l’une  
 d’elles n’a qu'une  seule  patte,  et  je  tiens  à conserver  
 l’autre  pour  le  cas  où  nous  pourrions  enfin  nous  
 échapper de ce  fatal chenal.  Ceux-là seulement qui se  
 seront  trouvés  dans  une  position  semblable,  pourront  
 en  comprendre  toutes  les  anxiétés. 
 De  bonne  heure  les  pirogues  revinrent  le long  du  
 bord,  et  apportèrent  une  abondante provision de  ra-  
 fraichissemens  de  toute  nature,  tels  que  cochons,  
 volailles,  ignames,  bananes,  cocos,  etc.,  qu’ils ven