1827. navire. Puis nous virâmes dessus, pour nous éloigner
Avril. banc. Quand celte manoeuvre, que la houle et un
courant violent rendirent longue et pénible, fut terminée
, nous nous retrouvâmes, comme auparavant,
à trente pieds environ des coraux.
Désormais c’était l’arrière qui m’inquiétait ; contre-
tenu seulement par un faible grelin, il pouvait aussi à
chaque instant tomber sur les rochers. Pour parer
provisoirement à ce danger, un grelin frappé sur notre
câble du sud fut rapporté par un des sabord^ de
l’arrière à bâbord, et raidi au cabestan pour nous
servir d’embossure.
21. Cela fait, et il était alors minuit environ, les matelots
retournèrent se coucher. Pour moi, il me fut impossible
de fermer l’oeil un seul instant ; je passai le
reste de la nuit à me promener silencieusement sur le
pont, observant avec anxiété la marche des nuages ,
et redoutant à chaque risée un peu fraîche, à chaque
grosse lame, de voir nos amarres se briser, et l’Astrolabe
entr’ouverte s’abîmer le long de la funeste muraille
dont nous ne pouvions plus nous éloigner.
Les longues heures de la nuit s’écoulèrent dans
cette inquiétude continuelle. A cinq heures et demie,
le jour commença à poindre, sans apporter de changement
à notre situation. Nos grelins et nos câbles
avaient adonné, de sorte que dans les grands roulis
les flancs du navire et les porte-haubans tombaient à
cinq ou six pieds des bords du récif.
Pour défendre jusqu’au dernier moment l’arrière
du navire, et surtout le gouvernail, cette pièce si
précieuse, un de nos grands espars fut assujetti contre 1827.
le bord verticalement et en arrière des haubans d’arti- Avril,
mon, par des liures aux patins et au moyen de mains
de fer solides appliquées sur les préceintes.
En même temps , pour soulager le grelin de l’arrière,
l’ancre moyenne fut éloignée dans FE. S. E.
avec le petit câble, et mouillée à cinquante brasses de
distance environ. Ces travaux n’étaient pas terminés,
que le câble de l’avant et le grelin de l’arrière furent
coupés presqu’en même temps. Je m’attendais à ce
malheur, qui était inévitable par un fond semé de coraux
tranchans ; mais ces pertes n’en étaient pas
moins affligeantes , attendu qu’elles entraînaient celle,
des ancres. C ’en était déjà trois de sacrifiées en moins
de douze heures, et je regardais les deux autres
comme bien aventurées.
La nécessité nous force donc à demeurer suspendus
sur la grosse chaîne devant, et le petit câble derrière,
en ayant soin de raidir l’un et l’autre par intervalles ,
pour que la corvette ne s’abatte point sur les rochers.
Il ne nous reste plus que deux grosses ancres ; l’une
d’elles n’a qu'une seule patte, et je tiens à conserver
l’autre pour le cas où nous pourrions enfin nous
échapper de ce fatal chenal. Ceux-là seulement qui se
seront trouvés dans une position semblable, pourront
en comprendre toutes les anxiétés.
De bonne heure les pirogues revinrent le long du
bord, et apportèrent une abondante provision de ra-
fraichissemens de toute nature, tels que cochons,
volailles, ignames, bananes, cocos, etc., qu’ils ven