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152 VOYAGE
se montrer avec lui ; mais il me répondit (jue Singleton
était aussi retenu par les insulaires, cl cju’il ne
pouvait point paraître.
,l ’étais convaincu que les naturels n’avaient d’autre
but que de nous tendre un piège pour tuer quelques-
uns de nos hommes. Aussi je me gardai bien d’y
donner. L ’ancre à une patte fut sur-le-champ élongée
dans le S. S. E. et mouillée par douze brasses; de
sorte qu’en virant dessus , nous nous rapprochâmes
encore de Mafanga de près d’une demi-encâblure. A
dix heures, au moyen d’une embossure, nous présentions
le travers de tribord à Mafanga, dont nous
n’étions pas éloignés alors de plus de cent cinquante
toises. Six de nos prisonniers se montrèrent sur
la plage, et nous hélèrent de nouveau d’envoyer à
terre un officier et quelques hommes sans armes.
Mais les fusils, les baïonnettes et les lances des naturels
se montraient avec leurs têtes au-dessus des palissades
, et faisaient voir clairement que cette démarche
couvrait un piège assez grossier.
Las enfin de voir toutes les voies de douceur
échouer contre l’obstination des sauvages, à dix
heures dix minutes , je réunis dans ma chambre tous
les officiers, commandans de quarts; après leur avoir
exposé l’inutilité de mes efforts pour en venir à des
moyens de conciliation, je leur déclarai que j’étais
décidé à commencer immédiatement le feu, si leur
opinion était d’accord avec la mienne. Cela fait, chacun
d’eux émit son opinion, en commençant par le
plus jeune, M. Pâris, et en finissant par le comÜE
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mandant en second de l’expédition, M. Jacquinot.
J’eus la satisfaction de les voir tous se ranger à mon
avis, quelques-uns même exprimèrent le regret qu’on
eût aussi long-temps attendu. En cela, ceux-ci partageaient
certainement mon intime conviction ; mais
je le répète, j ’avais cru qu’il valait mieux pécher pat-
un peu de lenteur, que d’encourir le reproche d’une
précipitation q u i, aux yeux de quelques personnes,
eût pu être taxée d’une injuste sévérité.
A dix heures et demie le feu commença, et le premier
boulet coupa en deux une des grosses branches
du figuier de l’entrée. Les naturels postés au-dessous
se levèrent précipitamment et s’enfuirent en poussant
de grands cris qui étaient répétés par les détachemens
placés sur les divers points de Mafanga. Ces cris aigus
et perçans, sortis des épais et sombres bocages que
dominaient les cimes élégantes de plusieurs centaines
de palmiers, produisirent un effet bizarre et lugubre.
On eût dit que les ames des morts qui reposaient
dans ces lieux venaient de se réveiller pour se plaindre
de voir leur dernier asile profané.
Du reste, aux coups suivans, les naturels gardèrent
un profond silence. La hauteur et l’épaisseur de
leurs remparts suffisaient pour garantir l’intéi-ieur
du village de l’atteinte de nos boulets ; quelques-uns
seulement, en rencontrant les troncs des cocotiers el
les charpentes des plus hautes cabanes qu’ils mettaient
en pièces, produisaient un grand fracas accompagné
de quelque dommage. Mais nos efforts contre
les palissades devinrent inutiles. Les sauvages s’ac-
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