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Avril.
signalée des excès qu’ils pourraient se permettre.
Puis, par l’organe de Singleton, d’un ton ferme et
décidé, je ne leur dissimulai point que la corvette se
trouvait dans la position la plus critique, et que je
m’attendais à la voir couler dans la nuit ; je leur exposai
cjue nous pourrions sans doute descendre dans
leur ile les armes à la main, braver toutes leurs forces
et leur résister d’une manière victorieuse, mais que
je préférais m’en rapporter à leur loyauté, et me placer
avec mes compagnons sous leur protection. Tout
ce que je réclamais d’eux était de respecter la vie des
Français confiés à mon commandement, et de nous
garantir la conservation du petit nombre d’objets qui
nous seraient utiles dans notre nouvelle position. En
retour, je leur abandonnerais sans restriction la possession
des armes et des nombreuses richessses,
comme ustensiles en fer, verroteries, étoffes et miroirs,
contenus à bord du navire. En outre, je les
priais d’écarter de la corvette tous les naturels dont
l’avidité dévorait d’avance la jouissance de ces richesses,
et à cet égard je leur fis adroitement sentir que
leur intérêt même se trouvait d’accord avec le notre;
attendu que leur part se trouverait réduite à peu de
chose s’ils laissaient tous les insulaires monter indistinctement
à bord au moment du naufrage.
Les trois chefs m’écoutèrent avec la plus profonde
attention; ils accueillirent avec beaucoup de gravite
et de dignité ma proposition, et s’engagèrent solennellement
à devenir mes alliés, jurant de périr eux-
mêmes plutôt que de nous laisser sacrifier, ou même
maltraiter par les autres chefs de l’ile. Palou, en sa
qualité d’orateur, prit la parole, et fit un petit discours
dont le but était de me convaincre de la sincérité
de leurs sentimens et de l’amitié qu’ils avaient
vouée aux Français.
En effet, lorsque nous parûmes sur le pont, ils me
donnèrent à l’instant même une preuve authentique
de ces dispositions. Tous les naturels s’étaient encore
insensiblement rapprochés de la corvette, et leurs
pirogues commençaient à nous gêner. Les trois eguis,
Palou à leur tête, ordonnèrent d’un ton ferme et pé-
remptoire aux insulaires de s’écarter, et ceux-ci se
retirèrent en silence. Ce moment de crise était d’un
puissant intérêt, et l'effet rapide du discours de Palou
nous donna une haute idée de ses moyens oratoires.
Notre conférence n’avait guère duré que vingt minutes,
et je m’étonnais déjà de n’avoir point entendu
les secousses du navire talonnant contre le récif.
Mais lorsque je revins sur le pont, ma surprise
fut au comble, en voyant ce qui s’était passé durant
mon absence. Au lieu de nous trouver éloignés de
trois ou quatre encâblures de nos amarres, comme je
le supposais, le courant directement opposé à notre
sillage avait presque entièrement détruit la marche
de la corvette, et nous avions à peine bougé de place.
M. Gressien, jetant les yeux autour du navire, avait
reconnu nos bouées à peu de distance; M. Jacquinot,
sans perdre de temps, avait fait porter un bout d’aus-
sière sur une de nos chaines, et le navire avait été
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