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 Tous mes  voeux ne  tendent plus qu’à  recouvrer au  
 moins  une  de nos  ancres  à  jet;  car j ’ai  déjà  conçu  le  
 projet  de  poursuivre  mon  plan  de  campagne.  Il  n’y  
 a que  deux jours j ’eusse  été au  comble  de mes  désirs  
 de pouvoir seulement m’échapper des récifs de Tonga,  
 et  gagner  promptement  quelque  port  du  Pérou  ou  
 du  Chili pour  y  réparer  nos  pertes.  Aujourd’hui  que  
 la  fortune  m’a  secondé  au-delà  de  mes  espérances,  
 je  n’aspire  qu’à  continuer  le  voyage,  comme  si  je  
 n’eusse  éprouvé  aucun  revers. 
 Au jour,  le ciel s’est couvert et la pluie a commencé  
 à tomber,  de  sorte  que je n’ai pas jugé  à  propos d’expédier  
 les  embarcations  vers  les ancres.  Mais j ’ai  envoyé  
 M.  Cressien  dans  la yole  à  Hifo,  avec ordre  de  
 reprendre  et  de  rapporter  à  bord  les  divers  objets  
 déposés  chez  les  missionnaires.  Houla-Kaï  sert  de  
 guide  à M.  Cressien. 
 A  trois  heures,  j ’ai  reçu  la  visite  de  M.  Thomas  
 qu’accompagnait  Hata,  chef  de  son  district; j ’ai  fait  
 à  ce  dernier  de  nouveaux présens  pour  la  protection  
 qu’il  avait  accordée  aux  canots  français  qui  avaient  
 abordé  son  territoire.  M.  Thomas  m’a  fait  des  com-  
 plimens  sur  notre  heureuse  arrivée  au mouillage,  et  
 s’est retiré vers  quatre heures.  Presqu’au  même  instant  
 le bot rentrait à bord,  conduit par Martineng, qui  
 était revenu tout doucement en  suivant la côte de l’ile. 
 J’ai  distribué  divers  objets  aux  cinq  Européens  
 établis  dans  l’ile ,  et  particulièrement  à  Singleton,  
 Read  et  Ritchett,  dont  les  services nous  avaient été  
 plus utiles. 
 Toute  la journée  nous  avons  été environnés  de  pi-  
 l’ogues,  dont  les  naturels  échangeaient  avec  empressement  
 leurs  cochons,  leurs  poules  et  leurs  fruits  
 contre des haches, des  couteaux, des bouteilles  et des  
 grains  de  verre.  Ceux-ci  devaient  être  de  couleur 
 bleue, autrement les insulaires en faisaient peu de cas ;  
 mais  on  jugera de  quelle  ressource  les  grains  bleus  
 étaient  pour  nous,  quand  on  apprendra  que  le prix  
 courant d’une grosse  igname  de  deux  ou  trois  livres  
 était  un  de  ces  grains,  celui  d’une  belle  poule  cinq  
 grains,  et enfin celui d’un joli cochon était de soixante  
 ou quatre-vingts  grains  de  la même  couleur.  Encore  
 faut-il  faire  attention  que  ces  tarifs  eussent  été  bien  
 moins  élevés,  si  l’empressement  que  plusieurs  personnes  
 mettaient à acheter  les  produits  de  l’industrie  
 des  naturels  n’eût  fait  tomber la valeur de nos  objets  
 d’échange  '. 
 I   V o y e z   noie   2.