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 instant  devoir  s’abattre  sur  les  rochers;  quelquefois  
 son inclinaison était si forte, que ses basses vergues se  
 rapprochaient de  la surface  du  récif.  Cet  officier m’a  
 souvent  répété,  par  la  suite,  que  son  coeur  se  serra  
 à  ce  triste  spectacle,  et  qu’en  perdant  la  corvette  
 de  vue,  il  croyait  lui  dire  un  éternel  adieu.  Sa  traversée  
 fut  pénible  :  il  eut  à  lutter  contre  bien  des  
 obstacles et des  dangers;  mais  nous  le  laisserons  raconter  
 lui-même  les  incidens de  son  voyage,  et nous  
 rentrerons à bord de l ’Astrolabe  i. 
 Pour que  les  embarcations  fussent prêtes en cas de  
 malheur,  et  qu’au  moment  fatal  il  y  eût  moins  de  
 confusion  dans  la  manoeuvre,  la moitié de l’équipage  
 coucha  dans  les  canots.  MM.  Quoy,  Bertrand  et  
 Samson,  qui ne  savaient pas nager,  passèrent  la  nuit  
 dans  la  chaloupe.  Parmi  les  hommes  qui  restaient  
 a b o rd ,  ceux  qui devaient  s’embarquer  dans  chaque  
 canot  étaient  désignés  à  l’avance  sous  le  commandement  
 des trois officiers  suivans, M.  Jacquinot dans la  
 chaloupe,  M.  Gressien  dans  le  grand  canot,  et  
 M. Guilbert dans  la baleinière.  Seul je devais  rester à  
 bord,  jusqu’à  ce  que  le  navire  se  fût  complètement  
 englouti,  et  je  comptais  me  sauver  facilement  sur  
 quelque  débris ,  ou  atteindre  à  la  nage  un  des  îlots  
 du voisinage. 
 l’i.  Lxvii.  Nous avions d’abord placé les  canots au vent;  mais  
 la houle les  fatiguait tellement,  que l’on  fut  obligé  de 
 I  Voyez  noie  i . 
 les faire  passer de l’avant sous  le  bossoir  de  tribord,  1827. 
 où  la mer  était  un  peu  moins  dure  ;  encore  fallait-il  Avril, 
 une continuelle  vigilance et de  grands  soins  pour  les  
 empêcher  de  se  briser,  soit  contre  les  récifs  ,  soit  
 contre l’éperon de la corvette. 
 Les  chefs  Palou  et  Tahofa  ont  couché  et  dormi  
 tranquillement  à  bord  ,  ainsi  que  plusieurs  autres  
 eguis  d’un rang moins  élevé. A la nuit,  toutes  les  pirogues  
 nous  ont  quittes;  il  n’en  est  resté  que  deux  
 ou  trois sur les récifs  près  du  navire,  et j ’ai présumé  
 que c’étaient celles des deux premiers  chefs. 
 Il me  fallut  passer  encore  cette  nuit  tout  entière  
 dans des angoisses continuelles  sur le salut de tAstrolabe, 
   i e  vie cessai de me promener  sur le pont, le plus  
 souvent  seul  et  les  yeux  attentivement  fixés  sur  la  
 marche des nuages.  Quelquefois Singleton se  relevait  
 et s’approchait de moi ; je  le questionnais alors sur son  
 séjour  parmi  les  paturels  et  sur  les  moeurs  de  ces  
 hommes.  Pour me rassurer,  il me disait  souvent que  
 le  vent  allait  changer,  qu’il  avait  de  très-vives espérances  
 pour notre salut  :  Very  sangaine  hope.  Je  ne  
 partageais  point ces espérances ;  car  je  savais que  les  
 vents  de  S.  E.  et  d’E. S.  E.  étaient  habituels  en  ces  
 parages,  et  que  je  ne  devais  guère  m’attendre  qu’à  
 les  voir  renforcer  et  consommer  enfin  notre  destruction. 
   De  sept  heures  à  neuf heures  particulièrement  
 nos  craintes  furent  très-grandes,  car  vers  la  
 fin  du  jusant  le  ressac  fut  encore  très-dur,  la  corvette  
 reçut de violentes  secousses,  et  chacune d’elles  
 pouvait  être  la  dernière.  Aujourd’hui  même  je  ne