même d'une lettre que les missionnaires m’avaient
adressée la veille ou l’avant-veille, l’on ne voulut
point permettre aux Anglais de me l’apporter.
Bien que Tahofa ait échoué dans la partie la plus
importante de ses projets, cette affaire lui aura fait
connaître toute sa force ; la gloire d’avoir pu résister
aux armes européennes aura singulièrement accru
son influence aux yeux des autres chefs, et probablement
il finira par envahir le pouvoir suprême dans
Tonga-Tabou. Ce sera un grand malheur pour cette
île, car sous un chef aussi perfide, aussi ambitieux et
secondé par des guerriers avides et turbulens, ses
habitans redeviendront plus sauvages et plus redoutables
qu’ils n’ont jamais été. Malheur aux navires européens
qui voudront se confier à leur bonne foi, ils
courront fort le risque de subir le destin du Porl-aii
P rinc e , du Portlandol du Ceres.
Une innombrable quantité de fossés avaient été
creusés dans l’enceinte de ftlafanga, et les guerriers
s’y tenaient cachés constamment. Tahofa et ses gens
étaient toujours aux avant-postes. Dès le premier
coup de canon , Palou s’était enfui sur les derrières
de la place , à près d’un mille de distance du rivage,
et là il s’informait encore souvent avec inquiétude si
les boulets ne pouvaient pas arriver jusqu’à lui. Dans
cet egui, le don de la parole ne se trouvait pas uni à
la valeur militaire.
Dans les projets de destruction que les insulaires
méditaient contre le navire, j ’étais constamment désigné,
par les hommes, les femmes et les enfans.
comme le premier à faire périr. Cependant j ’avais
comblé ces malheureux de présens, et je n’étais pas
descendu une seule fois à terre sans distribuer gratuitement
aux femmes et aux enfans des bagues,
des verroteries et autres bagatelles. Mais ils ne me
pardonnaient point les ordres précis que j ’avais donnés
, de n’admettre à bord que les chefs d’un certain
rang; ordres que je faisais toujours exécuter strictement
quand je m’apercevais qu’on se relâchait à cet
égard. Ils sentaient que, sans cette mesure, ils eussent
complètement réussi dans leurs projets. Il faut ajouter
aussi que, pour me rendre odieux aux habitans et
justifier sa propre trahison, Tahofa avait adroitement
semé le bruit que j ’avais tué un naturel, bien que je
n’eusse jamais fait la moindre démonstration d’un acte
semblable.
Comme le plus redoutable après moi, c’était M. Jacquinot
qui devait sauter le pas, et enfin M. Dudemaine,
qui s’était fait remarquer à leurs yeux pour
exécuter plus ponctuellement les ordres relatifs à
l ’accès du bord.
Quant au reste des officiers et de l’équipage, les
naturels paraissaient disposés à leur laisser la vie.
Sans doute ils pensaient qu’ils pourraient le faire sans
danger, et que ces Français partageraient avec plaisir
le sort de Singleton, Read et Ritchett. Tel était le
destin que ces barbares réservaient à la mission de
l’Astrolabe , si leurs combinaisons n’avaient pas
échoué.
Aussitôt le branle-bas l'ait, les grandes embarca