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faites par feux , ce qui fignifioit , dans l ’origine ,
le nombre de feux ou cheminées dont chaque
maifon étoit compofée ; d'où il réfultoit que telle
perfonne qui avoit de grands biens & un petit
nombre de cheminées, n'étoit pas plus cottifée
qu'une autre, dont les maifons avoient autant de
cheminées, fans pofféder une aufli grande étendue
de fonds.
La divifion des feux par famille compofée du
père , de la mère, ou de celui qui furvit à l'autre,
& des enfans, vivant avec eux , eft plus naturelle
& plus analogue à l'ufage de la répartition des
impôts. On voit même que cet uiage avoit été
prefcrit par les inftru&ions & les ordonnances de
Charles V . en 1374 , fur la manière de lever les
aides & fubiîdes.
L'article IV . porte, que les fouages qui feront
le vés , feront de lîx livres par feu dans les villes fermées
, & deux livres dans le plat pays; le fort portant
le foible.
Dans le cas de befoin , on augmentait l'impofî-
tion d'un tiers , & la forme de répartition par feu
reftoit la même.
Mais alors même, ce mot feu avoit une lignification
différente dans le Languedoc , 8c l'a toujours
confervéer. On l'applique à une certaine
portion de territoire , capable de fupporter la
quantité d'impolition qui devoit être levée par
chaque feu.
Un canton , par exemple, payoît cent mille livres
d'impolîtions 5 il étoit divifé en deux cens
fe u x , chacun payant cinq'cen§ livres j ainfi la dénomination
de feu , fîgnifioit l'eftimation d'une
certaine quantité de biens à une fomme fixe , en
forte que chaque ville ou. village étoit eftimé contenir
un certain nombre de fe u x , quoiqueXouvent
ils renfermaient un bien plus grand nombre de
ménages.
On appelloit feu , non pas un ménage où une'
habitation en général , mais la réunion d'un nombre
plus ou moins grand de'familles ou habitans ,
jufqu'à concurrence du revenu nécefiaire pour
former un feu , d'après l'évaluation & la fixation
qui avoit été faite de chaque feu y de façon que
l'on faifoit la répartition du fubfîde ad fol la livre,
fuivantles facultés de chacun, & fuivant le nombre
de feux dont chaque communauté étoit compofée.
Dans les cas d’accidens ou d'événemens fâcheux,
les habitans d'une fénéchauffée entière, ceux d'une
ville en particulier , repréfentoient au roi leur
trifte fituatjon, & les pertes qu'ils avoient fouffer-
tes. Le ro i, touché de leur malheur, députait des
commifîaires fur les lieux , pour faire des informations
furies faits allégués 5 ces informations étoient
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envoyées à la chambre de^ comptes j & après
qu'elles y avoient été examinées & vérifiées , on
y expédioit des lettres iqu'on nommoit ordinairement
réparation de feux , & par lefquelles on fai*
foit une nouvelle répartition de territoires ; en
forte que celui qui avoit auparavant été divifé en
vingt portions de feux, étoit divifé en quinze ou
d ix , fuivant l'exigencè des cas.
C e fut ainfi que par des lettres du mois d'avril
15 59 a Charles V , alors régent du royaume pendant
la détention du roi Jean en Angleterre-, fur la
fupplique des habitans de la fénéchauffée de Car-
caffonne , ordonna l'exécution des lettres du roi
Jean, portant qu’il feroit fa i t , par les commiffai-
res du ro i, une nouvelle révifion, à laquelle on
fe conformeroit pendant dix autres années j que
ce tems expiré, on en feroit encore une nçuvel-
le , après laquelle il ne feroit fait dans la fuite
aucun changement, à moins que par les événe-
mens des guerres, mortalités & autres, le pays ne
fut tellement dépeuplé , qu'on fût dans la nécefli-
té d'y pourvoir autrement. Le régent accepta , par
ces mêmes lettres, les offres que lui avoient faites
les habitans de cette fénéchauffée , de payer fur le
champ un florin d'or pour chaque feu qui fe trou-
veroit de moins que le nombre anciën par la nouvelle
révifion. Il ordonna, que la nouvelle fixation
de feux fût infcrite fur les regiftres de la recette
de la;fénéchauffée, & que l’ancienne fût fup-
primée.
On voit oar ces lettres , que ces révifîons ou
réparations at feux , tournoient au rachat & extinction
d'une partie de l’impofîtion , ce qui prod
u is it une refifource momentanée au préjudice
des revenus fixes, parce que la maffe de l'impofi-
tion en étoit d'autant diminuée , & n'étoit pas re-
jettée fur les autres territoires. L'ufage de divifer
ainfi , relativement aux impofitions, les territoires
par feux , a été aboli en Languedoc , & on l’a
remplacé par un cadaftre qui contient l’évaluation
de tous les biens de chaque communauté, fuivant
lequel on répartit les fubfîdes.
Dans la généralité de Montauban , le mot de
feu eft non-feulement ufité, mais on s'y fert encore
de celui d3étincelle , qui eft rendu parle terme de
bellugue, que l'on fubdivife encore.
Ainfi l’on divifé, par exemple, la généralité en
fîx mille portions , que l'on défigne par le nom de
feu 5 chaque feu contient cent bèllugues ou étincelles
y & chaque bellugue quatre parties.
Il s’agit d'abord de répartir dans une jqfte proportion
ces fix mille feux entre les différentes élections
qui compofenc la généralité, & en'fous ordre
, entre les communautés qui forment chaque
élection.
L'étendue, la qualité du f o l , le genre de productions.
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duCtions, la fituation, le commerce, forment né-
ceffairement des différences entre les élections ; on
les évalue chacune en particulier , on les compare
enfuite enfemble , & s!il fe trouve que dans une
juftice & une proportion exaCte , une élection
peut être portée à mille feu x , pendant qu’une autre
ne devoit l’être qu'à fix cens ,. une troifième à
quatorze cens, on opère d'après ces principes, de
manière cependant, que la totalité des élections
rempliffé le montant des fix mille feux.
' On vient enfuite à la répartition entre les communautés
de chaque élection. Dans une élection
chargée , par exemple , de mill e feux , une communauté
peut en fupporter vingt , pendant qu'une
autre' eft affez chargée de quatre feux cinquante
bellügues.
. C ’ eft l’état arrêté au confeil de ces évaluations
des élections & communautés, qui s'appelle tarif,
& fur leqqel fe répartit annuellement l'impofition
des fommes portées par les commiffions j ce qui
fe' fait par une opération bien fimple , puifqu'elle
eft purement arithmétique. S'il, s'agit ae répartir
trois millions , l'éleCtion employée au tarif pour
mille feu x , portera, fans difficulté, cinq cens mille
liyres > & en fous-ordre, la communauté-eftimée
à vingt feux , fera chargée de dix mille li vres.
Le cadaftre ou çompoix terrien , pour le distinguer
du cabalifte , e ft, à l'égard d'une communauté,
ce qu'eft le tarif pour la généralité entière,
c'eft-à dire , une eftimation détaillée de tous les
fonds qui la compofent, eu égard à leur valeur &
fituation.
On a vu que le tarif fe divifoit en feux & bellu-
gues y les eftimations portées au cadaftre de chaque
fonds en particulier, font par livres, appellées
livrantes , ou livres , fous & deniers d'allivre-
ment.
La valeur des livres livrantes du cadaftre d'une
communauté , eft plus ou moins forte , fuivant
la différente valeur des fonds évalués , & la
divifion qu'elle a' reçue. La livre livrante d'une
communauté , peu fubdivifée' dans fes fonds ,
portera , par exemple , dix livres d’impofition ,
tandis que dans une autre communauté , dont les
fonds font d’ une valeur inférieure 5 & par confé-
quent plus divifés , cette livre livrante fera de
trois ou quatre livres. Cependant les fonds de la
première, ne feront pas plus chargés que ceux de
l ’autre, par proportion de leur valeur.
On a dit que le'tarif fervoit de règle pour.répartir,
fur chaque communauté,la totalité des fommes
dont le roi a ordonné l'impofition fur la généralité.
Le cadaftre ou le montant des livres livrantes
, fert pareillement de proportion fixe &
certaine pour répartir fur les articles contribuables
, la totalité de la fomme qui doit être ac-
Finances, Tome II.
F I E T 2 f
quittée par chaque communauté } ainfi , fî le cadaftre
de celle qui , fur le pied de vingt feux j
porte dix mille livres , eft compofé de mille livres
livrantes , chacune d'elles fera chargée de payer
dix livres î & le propriétaire d'un fonds, maifon „
prés, champs ou vignes, dont les poffeflions font
évaluées ou alïivrées à dix livres livrantes, fera
compris au rôle de la taille pour cent livres.
En Provence , toutes les communautés font ef-
timées à un certain nombre de feux , eu égard à la
quantité.de biens fonds taillables qui y font fitués \
ainfi le mot feu n'y fignifie , ni une maifon , ni un
ménage, mais une certaine quantité de biens-fonds
taillables' & évalués cinquante mille livres de taille
réelle. Ôn eftinftruit, par exemple, que la ville &
viguerie d'Aix eft compofée de quatrevingt trois
communautés , & évaluée cinq cens dix-neuf
feux & un vingtième 5 celle de Tarrafcon , de
vingt-quatre communautés & deux cens quarante-
üxfeux. Le.total des biens de Provence eft de trois
mille trente-deux feux , en forte que l'on fait que
les'fonds taillables équivalent à cent cinquante-
un millions, fix cens quarante-un mille, fix cens
foixante-fix livres , qui produifent, environ fept
millions, cinq cens quatrevingt - deux mille quatrevingt
trçis livres de revenu.
Feux & C heminées en Flandres. Voyeç D om
a ine de Flandre..
FIE F , f. m ., par lequel on défigne un héritage
tenu du roi ou d'un feigneur particulier à foi &
hommage , à la charge d'aveu , & de quelques
autres devoirs, droits ou redevances.
Il n’eft pas dureflort de ce Dictionnaire, de don-
, ner une hiftoire détaillée des fièfs , de faire cori-
noître leur origine, leur nature, & les différentes
efpeces dans lefquelles ils font divifés j mais il a
paru néceffaire de donner une légère définition
des fiefs , pour traiter enfuite du droit de franc-
fie f, établi fur les roturiers qui poftedent des héritages
nobles ou des fiefs.
Il paroît que les fiefs n’ont eu pour premier
principe, que le don fait par les premiers rois , de
quelque portion du domaine roy al, a des parti”
culiers , à condition qu'ils s'attacheroient à eux.»
& les fuivroient à la guerre. Ces conceffions primitives,
connues fous lé nom de bénéfices, n'é*
toient que pour là vie de ceux qui les obtenoient.
A leur décès , le fief retournoit à fa fource , &
rentroit dans la main du roi.
Dans la fuite , & fur-tout fous le règne de
Charles-le-chauve, ces conceftions paflerent à la
génération mafeuline de ceüx qui les avoient obtenues
les premiers, aux mêmes charges & conditions
5 mais par la mort du dernier des defeen-
dans mâles ., les fiefs retournoient encore dans la
[ main du feigneur principal.