
par le defir de favorifer l'entretien & l'amélioration
des marais tafans du royaume.
Jofitaparoît avoir é té , jufqu'à préfent , le feul
des adjudicataires de la ferme des gabelles , qui
ait demandé la permiffion de tirer des Tels de l'é tranger.
Elle lui fut accordée pour les approvi-
fionnemens de la première année de fon bail, fans
doute d’après la nécefiité de faciliter & d'accélérer
le fournijfement des greniers , qui pouvoit,
cette première fois , trouver beaucoup d’obftacles.
L e nombre des marais falans s'eft tellement augmenté
depuis un fiècle , qu’il n’y a pas lieu de
craindre qu’il fe rencontre jamais de tems affez
fâcheux , pour forcer l'adjudicataire à faire des
achats à l’étranger.
L'article C C X I I I . du bail fait à Forceville en
1 7 3 8 , avoir réglé que lés fels pris en mer, ou con-
lifqués , lorfqu'ils proviendroient des marais falans
du royaume, feroient remis à l'adjudicataire
des gabelles, & par lui payés à raifon de foixante-
Hne livres le muid , mefure de Paris , en ce non
compris le fret , qu'il paieroit, en outre, au prix
ordinaire -, mais des arrêts rendus en 1744 & 1757,
•portant réglement fur les prifes , ont ordonné que
les fels pris en mer fur les ennemis de l'Etat., feroient
indiftinéfcement vendus , à la charge du renvoi
à l'étranger , & que ce renvoi fe feroit directement
du port où ces fels auroient été amenés.
L'arrêt du confeil du 27 août 17 78 , a adopté fur
ce point les mêmes difpofitions.
L ’intention du gouvernement ayant toujours
été que les fels des greniers fulfent les plus purs ,
les plus fecs & les mieux grainés, l’article II. du
même titrexpremier , prefcrit au fermier de faire
fes achats fur lés marais de Brouage , des ifles adjacentes
& du comté N antois, qui fourniffent les'
meilleurs fels. Il étoit jufte, en effet, qu'un impôt
auffi utile à l’Etat par fes produits , que celui des
gabelles , ne devînt pas onéreux au-delà de fa nature
, par la mauvaise qualité des fels livrés au
public. D ’ailleurs , la fupériorité des fels du fermier
», ne contribue pas moins que le dépôt qu'ils
doivent éprouver avant d’être mis en vente, à ca-
la&érifer leur différence avec les fels de faux-
faunage, qui font prefque toujours neufs, & d’une
qualité inférieure.
Quelque grande que foit néanmoins l ’attention
que l'on apporte au choix des fels deftinés au fournijfement
des greniers , il eft impoffible de s'en
procurer toujours qui Coient d'une qualité fupé-
rieure. Cette denrée , comme toutes les autres
productions de la nature , eft fujette à l'influence
plus ou moins favorable des faifons -, & il eft naturel
, que des fels fabriqués dans un tems pluvieux
, humide , & contraire à la faunaifon , ne
fpient pas auffi bons que ceux qui font formés
4ans une faifon fechc §c chaude , qui eft la plus
favorable. C 'e ft cette différence d'années & i e
faifons, qui rend le poids du fel fujet à de grandes
variations. On évalue lè poids du muid de fel du
comte Nantois , lors de-fa diftribution au public,
c eft-a-dire, après un dépôt de deux ans., depuis
quatre mille cinq cens, jufqu'à quatre mille flx cens
livres , & le poids du muid de fel de Brouage ,
depuis quatre mille flx cens jufqu'à quatre mille
fept cens livres -, enforte que le minot de fel du
comté Nantois pefe communément, lors de fa li-
vraifon au grenier , quatrevingt quinze à quatre-
vingt-feize livres, & le minot de fel de Brouage,
de quatrevingt-feize à quatrevmgt-dix-huitlivres.
Il faut obferver , au furplus , que le poids plus
confidérable du fel n'eft pas toujours une preuve
de fa bonne qualité. Si le fond d’un marais falanc
eft vafeux, le fel qui s'y forme eft imprégné de
parties terreufes , & il eft plus pefant , quoiqu’il
contienne alors moins de parties falantes j auffi
voit-on que l'article I. de l'ordonnance, confidère
comme étant de la meilleure qualité, & le plus
falanc , le fel qui eft le plus pur , le plus fe c , &
conféquemment celui qui , en raifon de ce qu'il
eft moins chargé de corps étrangers pçfç le
moins.
Autrefois les achats de fels formoîent l'objet
de traités , qui fe renouvellôient chaque année
fous des conditions différentes -, mais cette forme
avoit l'inconvénient de laiffer perdre à l’adjudicataire
, la facilité de faire, dans les années où les
récoltes font abondantes , des approvifîonnemens
pour plufieurs années. On fe trouva même quelquefois
dans la fâcheufe néceffité de recourir à
des moyens extrêmes , pour affurer ces approvL
fionnemens dans les années où les récoltes avoient
manqué. "
On crut parer à cet inconvénient, en prenantb
en 1726 , le parti de donner aux traités relatifs
aux achats des fels , une durée égale à celle des
baux des gabelles -, mais cet arrangement laiffoit
toujours aux entrepreneurs,les rifques ou les avantages
de la difette ou de l’abondance des fejs.
La ferme générale a réfolu en 1760 , de faire
elle -même ces achats , dire&ement & par économie
, de façon qu'elle s'eft procuré , depuis cette
époque , tous les bénéfices que faifoient précé-*
demment les entrepreneurs.
D u t r a n f p o r t , d a n s l e s p r em ie r s d é p ô t s ,
d e s f e l s a c h e té s f u r le s m a r a i s .
L'article I. du titre 2. de l'ordonnance, veut
que les fels achetés par l'adjudicataire fur les marais
, foient portés à bord des vaiffeaux , & là ,
mefurés par l'un des mefureurs- jurés-, au boiffeau
de Brouage , à 'raifon d’un fol par muid pour cç
travail, & qu'ils foient reçus par les maîtres des
navires, qui s'en chargeront par écrit.
Les motifs de cette légiflation, font de confta-
te r , d'une manière affez précife ^ l'objet du chargement
de chaque, navire , pour que le capitaine
ne pût en verfer aucune portion, fur le pays de gabelles'.
Mais le cas dans lequel le maître d'un de
ces bâtimens rapporteront , au lieu de fa deftina-
tio n , des quantités inférieures à celles qu’il au-
roit chargées fur leis marais, n’ a pas été prévu. Il
fuflifoit cependant de rendre commun à ces capitaines
des navires, la difpofition de l'article X. du
titre 14 , relative aux chargemens faits fur le's marais,
falans , pour l ’approvifîonnement des villes de
franchife. i l eft dit dans cet article , que fl par le
mefurage fait à l’arrivée des fels dans les villes de
franchife , il né s'en troüve à bord que des quantités
inférieures à celles portées fur les congés,
les marchands chargés des approvifionnemens , &
les maîtres des navires , feront condamnés à la.
reftitution des droits de gabelles , de ce qu'il s'en
défaudra , à raifon de ce que le fel fe vendra dans
le grenier le plus prochain, & , en outre, en une
amende de mille livres.
Dans la vue de favorifer la navigation Françoife,
le gouvernement avoit eu foin d'ordonner que le
tranfport des fels deftinés au fournijfement des greniers
, ne pourroit être fait que par des navires
nationaux. L'arrêt du confeil du 27 mars 1669,
porte que les maîtres des navires qui voudront fe-
rendre à Brouage , y feront , en quelque faifon
que ce fo it, chargés auflî-tôt leur arrivée, parles
commis du fermier , & cet arrêt avoit réglé le
prix du fret, à raifon de vingt-fix livres par muid ,
mefure de Paris, pour le fel qu'ils tranfporteroient
au Havre, à Honfleur, à.C aen, à Dieppe, & à
Saint-Vallery-fur-Somme -, &' à raifon de trente-
deux livres par muid , même mefure , pour celui
qu'ils conduiroient à Rouen.
L'article X X V . du bail fait à Forceville en
1738 , avoit encore confirmé les difpofitions qu’on
vient de rappeller, relativement aux défenfes de fe
fervir d’autres bâtimens que de navires François -,
mais il étoit en même tems ordonné , que tous
maîtres de navires feroient tenus , lorfqu'ils en feroient
requis , d'aller charger des fels fur les marais
falans , moyennant un fret raifonnable, fans
qu'ils pulfent entreprendre un autre voyage, qu’a-
près que le fournijfement feroit fini. Cette reftric-
tion foumettant les armateurs à des difcuiTions fréquentes
pour le prix du fre t, & à des gênes pour
les entreprifes ordinaires de leur commerce , leur
faifoit perdre' tout l’avantage de celle ci. Les difficultés
qui en îefuItèrentV forcèrent le gouvernement
à permettre à l'adjudicataire de fe fervir des
navires étrangers, en lui recommandant feulement
d’accorder la préférence aux nationaux. Cette fa- .
cilité , de laquelle dépendent effentiellement la
fûreté ; la promptitude & l’économie du fer vice
des fournijfemens , eft devenue une clâufe de tous
les baux fubféquens.
Le cas d'une guerre par mer, qui pourroit gênée
le tranfport des fels deftinés au fournijfement des
greniers, eft prévu par l'article C X C V I . du même
bail de Forceville. II y eft d i t , qu'il fera pourvu
à la fûreté du tranfport » & que fl les fels étoienc
pris en mer , ou que fl les fournijjemens étoienc
empêchés , l'adjudicataire feroit indemnifé , Sc
même déchargé de la fourniture.
On doit remarquer fur cette claufe , qu'elle indique
que les fournijfemens ne font pas regardé«
comme une partie inféparable de l'exercice de lz
vente exclufîve , qui conftitue la ferme des gabelles
, & qu'il feroit poffible d'en faire , à l’exemple
de ce qui fe pratiquoit avant 1598 , l'objet d’une
régie abfolument diftin&e de la régie relative à lz
vente.
L'article C C IV . du même bail, difpenfe l’adju*-
dicataire de prendre des congés des gouverneurs,
amiraux & autres, pour le départ des navires défi-
tinés ail fournijfement des greniers & dépôts , &
de payer aucuns droits de balifes , foit que les navires
lui appartiennent , foit qu’il les ait pris à
fret.
On a dit ail mot D épôt , pag. 493. que les fels
achetés par l'adjudicataire des gabelles furies marais
falans , pour le fournijfement des greniers
font d'abord conduits dans des dépôts., pour y
féjourner jufqu'à leur tranfport dans les greniers.
'L ’article III. du titre 2. de l'ordonnance, a ordonné
que ces dépôts feroient établis dans les
principaux lieux fitués aux embouchures des rivières
de la Lo ire, de l'Orne , de la Seine &: de
la Somme ; c'eft-à-dire, à Nantes pour la Loire,
à Caen pour l'Orne -, au Havre, à Honfleur, &
à Rouen , pour la Seine 5 & à Amiens & Saint-
Vallery, pour la Somme.
Tous ces dépôts exiftent, à ^exception de ceux
de Rouen , qui ont été fixés à Dieppe-Dalle , à
deux lieues au-deffous de cette ville , & de ceux
d'Amiens, qui ont été reconnus inutiles.
| La fituation de ces dépôts fur les quatre princi-
cipales rivières du pays de gabelles , favorife beaucoup
le tranfport des fels dans les greniers. Ceux
de Nantes approvifionnent, par la Loire , parla
Mayenne & la Sarthe , par la V ienne, par le Cher,
& enfin par l'A ilie r , les greniers de l'A njou, du
Maine, de la Touraine, du Berry, du Nivernois,
du Bourbonnois, de l’Orléanois, & une partie de
ceux de la Bourgogne.
. Les dépôts dé Caen , approvifionnent les greniers
de la baffe Normandie*