
C e plan a donc le triple avantage d’abolir
toute contrebande , d'accroître la confommation
générale, 8c de refpeéter les immunités fubfif-
tantes.
À l’inftant où cet article venoit d'être livré à
l ’impreffion , à paru l’intéreffant ouvrage de M.
N e cke r ,! fur les finances * dont il eft parlé aux
m o t s j F r a i s d e r e c o u v r e m e n t & G é n é r a l
i t é s .
Parmi plufieurs plans de réforme dans les droits,
on trouve celui dont il s’agit ic i^ développé de
la manière fuivante , pour en faire l’application
aux provinces des grandes gabelles.
” Ces provinces compofent plus du tiers du
royaume en population , &_le prix moyen du fel
furpaffe foixante-deux livres par quintal. Il faut le
diminuer confidérablement , fi l'on veut prévenir,
efficacement le commerce de contrebande.
Je propoferois donc de fixer le nouveau prix du
fel de vingt à vingt-une livres , vers les confins
des provinces franches & rédimées, en l'élevant,
par une gradation infenfible , jufqu'à vingt-fix livres
, le réglant à trente livres dans les villes, &
même un peu plus haut à Paris. Le plus fort prix
fe trouverait au centre des grandes gabelles, qui
embrafferit un efpace de quatrevingt- dix lieues du
nord au fud , & de plus de cent, de l'eft à l'oueft.
Ces gradations , fans diminuer fenfiblement les
revenus du roi , & fans obliger à dès remplace-
mens difficiles, faciliteraient la réduélion du prix
du fel autant qu’il ferait poffible , dans la partie
du pays de grande gabelle , limitrophe des provinces
franches & rédimées.
Le prix moyen de cette denrée étant aujourd'hui
de foixante-deux livres , comme on l'a dit , s'il
étoit réduit à vingt-cinq livres, la perte , pour le
file , feroit de trente-iept livres par quintal ; & le
facrifice rapporté à la confommation aéluelle, ef-
timée dé' fept cens foixante mille quintaux , formerait
une diminution de revenu de vingt-huit
millions.
Les ventes de fel pour le compte du r o i , fe
moment à neuf livres & un fixième par tête, dans
l’étendue des grandes gabelles. Mais ce réfultat ell
une moyenne proportionnelle , prife fur J'enfem-
bie de ces mêmes ventes ; l’on a reconnu que dans
les généralités expofées à la contrebande , le débit
n’ étoit que de fix à fept livres par tête , tandis
qu’il s’élevoit de dix à douze & demie, dans an
grand, nombre de lieux éloignés des provinces
franches. On peut donc raifonnablement préfumer,
que la mefure commune des ventes dans les
grandes gabelles , ne s’ éloigneroit pas de ce dernier
taux, fi les verfemens frauduleux étoient prévenus.
Une autre circonftance influerait encore fur
l’aecroiffement de la confommation , c’eft la grande
réduction dans le prix de la denrée. On peut
eyahier a quatre livres par tête , l’augmentation
generale des ventes , enforte qu’elles monteraient
a treize livres & un fixième par individu. C e t ac-
croiflement rapporté à une population de huit
T 'V - j S tr01.s cens mille âmes, occafionneroit un
débit de trois censjtrente-deux mille quintaux, qui,
a V in g t - cinq livres , donneraient un produit de
niuÊ millions trois cens mille livres.
Les dépenfes de 1 achat du fe l, de fon tranfport
! dans les greniers, en raifon de ce qu’ elles font actuellement,
peuvent être évaluées à environ quin-
: ze cens mihe livres} ainfi le bénéfice réel furTaug-
mentation de vente , ne feroit que de fix millions
nuit cens mille livres. .
I ^ ffonomie des frais de manutention pouvant
s opérer par l’uniformité de prix dans le royau-
difpenfant d’entretenir une partie de l’ar-
mee hfcale, qui garde les frontières des provinces
privilégiées , elle deviendrait un objet d’environ
ix-huit cens mille livres. En joignant à cette
économie , celle qui pourroit avoir lieu par la réduction
des receveurs ou de leurs émolumens &
par une diminution dans le nombre des agens de
la régie a Paris , évaluée douze cens mille livres,
voua trois millions ajoutés au bénéfice provenant
de 1 augmentation des ventes , & formant un
dedommagement d’environ dix millions. Si l’on
louitrait cette fournie des vingt-huit millions perdus
parla modération du prix du fel dans les gran-
des gabelles, le facrifice ne réitéra plus que de dix-
nuit millions. .
Avec le recours de quelque fonds pris fur les
revenus generaux de l'E ta t, comme le bénéfice de
deux ou trois années d'extinCtion des rentes viagè-
res, ou d interets amortis par les rembourfemens
on pourroit réduire à dix ou douze millions l’im-
pofition de remplacement, à la charge des provin-
ces des grandes gabelles. A moins d’une déraifon
ablolue dans le choix du gouvernement, telle iiu-
pofîtion quelle adoptât, telle ancienne qu’elle aug-
mentat, J operation feroit toujours infiniment favorable
aux habitans des provinces fujettes aux
grandes gabelles , puifqu’au prix de dix ou douze
millions , ift jouiraient d’une réduction dans, le
prix du fel , égalé a 1 affran chiffe ment d’une charge
annuelle de vingt-huit millions , & que , de
plus , ils acquerroient un nouvel approvifionfie-
ment de fel d'environ trois cens trente-deux mille
quintaux.
On doit ajouter , qu’il feroit-important que le
fupplément d’impôt établi dans cette occafiôn
fut tellement particularifé , & par une dénomination
qui en rappellerait l’objet, & par toutes les
eicpremons de Ja loi , qu’ on ne pût jamais oublier
qu i! n eft que le remplacement de la réduélion du
prix du fel.
Mais ce prix du fel à trente livres lé quintal,
ou.fix fols la livre , car c’eft la moyenne propor- _
tionnelle dans cette variété, entre le fel des villes .
& celui des campagnes , n’eft-il pas encore trop
confidérable , pour permettre d’employer cette
denrée à l'ufage des beftiaux & à l’engrais des
terres?
En fécond lieu , les villes ne fe fourniront-elles
pas dans les campagnes j & quand il n’y auroit
qu’ un fol par livre de fel , n’eft-ce pas un bénéfice
fuffifant pour engager des miférables à introduire
dans les villes le fel -acheté dans les campagnes ? .
ou bien il faudra que l’entrée de chaque ville foit
défendue par des brigades d’employés, q u i, pour
faire un fervice utile, ne devront refpeéler, ni pudeur
, ni honnêteté dans leurs perquifitions.
Les provinces à qui on accorderoit une indemnité,
n’auroient-elles pas quelques raifons de craindre
que le montant de ces indemnités ne fût pris
fur elles-mêmes dans la fuite , par l’augmentation
de leurs inapofitions.
En admettant la fixation des indemnités pour
chaque généralité en particulier , comment la régler
par paroiffes, par chef de famille ? JUn habitant
, par exemple , qui aura le v é , à titre de fupplément
de fel de franchife , deux quintaux de fel
à trente livres , aura à répéter une fomme de quarante
huit ou cinquante livres , déduction faite du
.prix du fel & des droits de trois livres j il ne fe
.trouvera peut-être compris dans la répartition,,
que pour vingt-cinq ou'trente livres 3 tandis que
celui qui n’aura pris aucun fupplément de fel ,
profitera d'une partie-de l’idemriité , par l’effet de
cette répartition. Le premier fera donc forcé à l ’économie
dans fa confommation , quand il n’aura
pas la certitude de ne participer en rien au paie-
,ment d’ un impôt, dont il eft préfentement exempt.
C e dernier projet eft donc, comme les deux
autres , onéreux aux provinces des grandes gabelles
, peu favorable à la culture , & contraire à la
franchife des provinces rédimées.
De ces trois fyftêmes , on en a formé un qui
femble exempt des inconvéniens qu’on a expofés.
Avant d’en tracer l’efquiffe, il convient de con-
fidérer l’impôt de la gabelle fous, deux points de
vue.
Dans les pays de gabelles, cet.impôt n’eft qu’une
capitation déguifée fous certaines quantités de fel
- fixées pour la confommation de chaque chef de
famille} & cette capitation eft plus ou moins forte,
en raifon des variations du prix du fel.
Dans les provinces franches ou rédimées, l’impôt
de la gabelle a le caractère des impôts de confommation.
Le droit que payent les fels pour arriver
dans ces provinces , devient un prix addition-
, nel à 1a valeur première de la denrée3 mais de façon
à ne pas nuire à la confommation , & à ne
pas exciter à la fraude.
Le fel étant une denrée de première néceftité,
on ne veut pas s’en prévaloir pour en fixer le prix,
& en mettre la vente en privilège exclufîf. Au
contraire, pour premier point, on propofe lafup-
preflîon du privilège qui exifte , & la liberté du
commerce du fel dans l’univerfalité du royaume.
On propofe également la converfion des’droits
de b rouage , de convoi, traite de Charente, &
tous autres , qùi fe lèvent actuellement fur les fels,
en un feul droit de trois livres par quintal , à mefure
de leur enlèvement des lieux dé fabrication
pour la^ confommation nationale , & l’ établifîe-
ment d’ un droit de fix deniers par quintal feulement
, fur les fels deftinés pour la pêche , ou exportés
par mer à l’étranger. On fent bien que ce
droit de fix deniers par quintal, ou dix fols par
muid, n’a nul objet de burfalité} il n’eft employé
que comme un moyen de connoître la quantité annuelle
de fels confommés par la pêche ou par le
commerce extérieur.
La liberté du commerce étant,établie , il faut
chercher le remplacement du produit de la gabelle
qu’elle anéantit , & qui a été eftimé cinquante-
fept millions.
On a établi, en parlant des effets de la gabelle,
que les proportions de la confommation avec les
dénombremens , font de plus de douze livres de
fel par tête au-deffus de huit ans , dans l’étendue
des grandes gabelles.
Quelles font de quinze à feize livres dans les
pays ou le prix eft moindre j
_ Et qu’elles excèdent vingt livres , dans les provinces
franches ou rédimées.
En combinant ces proportions enfemble , il en
réfulte qu’une capitation mife pour rachat de la
gabelle , ne peut généralement être évaluée au-
deffous d’ une confommation de douze livres de
fel par tête , dédudtion faite de la valeur intrinfe-
que de,cette denrée, pour achat & frais de tranfport.
Ainfi , cette impofition fera repréfentative
de la fomme en argent qu’auroit coûté la confommation
de chaque individu contribuable , de façon
que tout chef de famille ne paiera que fuivant la
mefure de fes confommations.
Mais comme les confommations font ordinairement
déterminées par les facultés , c’eft un motif
pour divifer en cinq- claffes les contribuables fur
i îefquels fe fera la répartition de la capitation pour
rachat de gabelles.
La première coraprendroit les aubergiftes, trai-
teurs, cabaretiers , pâtiffiers , chaircuitiers , fer-
piiçis j & autres è qui prennent ou nourrirent chez