
pagné , 8c U bonne réputation des perfonnes qui
font appellées à ces fonctions, toutes ces confi-
dérations ont foutenu les anciens ufages, contre
la critique qu’ il étoit raifonnable d’ en faire.
II eft très-difficile de conftituer l’adminiftration
des grandes maifons d'hôpitaux, d’une manière
qui éloigne abfolument les abus ou la négligence s
& Iorfqu’on s'occupe de ce deffein , on retrouve
en petit la plupart des contrariétés auxquelles
tous les gouvernemens font affujettis. Ainfi , lorf-
qu’on arrête fon attention fur les avantages qui
réfultent de l’unité de penfée, d’adtion & de volo
n té , l’on voudroit que chacun de ces établif-
femens fût dirigé par une feule perfonne} mais
quand on cherche les hommes dignes d’une telle
confiance, ou feulement ceux qui font en état
de faire un choix de ce genre, on ne s’attache
pas long - tems à une pareille idée, & l’on fe
trouve forcé de préférer une adminiftration collective
} mais on doit tâcher de la modifier, de
la manière la plus favorable à l’efprit qu’il 'eft
important d’infpirer. Il me femble qu’on éviterait
une partie des mconvéniens que j’ai indiqués, fi
cette adminiftration étoit compofée de fept perfonnes
, dont cinq feroient choifies , ou par une
affemblée de notables, ou par le prévôt des marchands
& les échevins, ou par l ’archevêque &
les chefs de la magiftrature , félon les privilèges
ou les ufages de chaque ville. Les fervices de ces
cinq perfonnes , revêtues d’un titre honorable,
devroient être gratuits} mais elles feroient auto-
rifées à nommer deux directeurs, auxquels on-allouerait
des appointemens : ces directeurs affif-
teroient à toutes les affemblées d’adminiftration ,
& relieraient en place, tant que les cinq admi-
niftrateurs feroient contens de leurs fervices j mais
ces derniers feroient renouvellés tous les cinq ans }
enforte qu’au bout de' la révolution néceffaire, il
faudrait en changer un toutes les années. C e
genre d'inftitution, ou tout autre, à-peu-près
conforme au même efprit, rendrait deux perfonnes
affiduement cautions de tous les détails}
les adminiftrateurs, dont ils feroient environnés ,
relieraient affez long-tems en fonction pour avoir
une opinion éclairée, & ils n’y feroient pas affez
permanens pour attiédir leur zèle par l’habitude}
ils auraient une pluralité fuffifante pour dominer
les directeurs, & leur nombre ferait en même-
tems alfez circonfcrit , pour qu’ils fe fentifient
refponfables dans l’opinion , des abus auxquels
ils fe montreroient indifférens : car c’eft tantôt la
multiplicité des adminiftrateurs , & tantôt leur
fucceffion trop rapide, quidifiemine, en quelque
manière, leur garantie, & la rend comme nulle à
leurs propres yeux. Enfin, pour entretenir une
émulation conltante , il faudrait qu’on rendît
chaque année, un compte public des dépenfes &
des difpofitions d’adminifiration les plus importantes.
Tels fon t, à-peu-près, les principes indiqués
par la réflexion & par l’expérience} mais le mi-
niltre le plus rempli de* z è le , ne peut procéder
qu avec ménagement aux innovations, dont il eft
quelquefois feul à fentir l’importance, tandis que,
pour faire réuffir ces changemens, il faudrait fou-
v en t, & une volonté fuivie dans le gouvernement
, & un concours de la parc des corps intermédiaires,
qui ont tant de moyens pour défendre
les anciens ufages.
C ’eft d’après ces obfervations, que, pour fup-
pléer à la lenteur des moyens de réforme, j’avois
confidéré comme important, de faire choix d’une
perfonne, q u i, fous le titre d’infpeCteur, pût
prendre une connoiflance fucceflive de la direction
des hôpitaux , & amener chaque adminiftration
particulière aux difpofitions d’ordre & d’économie
dont le gouvernement aurait adopté les principes.
Il en eft réfulté plufieurs réformes très-utiles
: c’eft un avantage , fans doute, mais qu’on ne
peut jamais mettre en parallèle avec le bien y dont
l’efprit même des inftitutions devient le conferva-
teur.
Enfin , comme un grand modèle eft de toutes
les inltruCtions publiques la plus perfuafîve & la
plus durable, j’avois propofé à fa majefté de fonder
un hofpice dans la plus grande paroifle de Paris
, en donnant pour bafe à cet établifiement, les
réglemens les plus fages , & en adoptant tous les
moyens néceflaires .pour approcher de cette perfection
, qui naît de la réunion des foins , & de
l’économie. La fondation a eu le plus grand fuc-
c e s , & il me femble que les intentions du roi ont
été remplies aufli complètement que l’on pouvoit
l'efpérer. C e t hofpice eft aujourd’hui compofé de
cent vingt-huit lits : rien de ce qui étoit véritablement
néceffaire au bien des malades n’a été épargné
} rien de ce qui pouvoit être inutile, n’ a été
dépenfé : cette dernière attention eft auffi charitable
que la première , puifque c’eft à ce prix ,
qu’avec un fonds déterminé ( & tout a*fa limite
dans l’emploi des deniers publics ) ,o n peut venir
au fecours d'un plus grand nombre d’infortunés.
Le nombre de lits que je viens d’indiquer, fuffit
aujourd’hui pour recevoir chaque année dix-huit
cens malades} &c comme on n’admet perfonne par
des motifs de faveur , ou par l'influence* d’ une recommandation
, & que le ieul titre d’introduCtion
eft un certificat de pauvreté abfolue , figné par le
curé de la paroifle , ou par un eccléfiaftique principal
, l’expérience a démontré que l’hofpice fournis
à ces règles , répondoit aux befoins de deux
paroiffes , qui compofent environ la feptième partie
de Paris. Cependant, au moyen de l’ordre exadt
qui règne dans les dépendes , chaque journée de
malade eft revenue, en 17 79 , première année, à
feizç fols dix deniers.
En 1780, idem, à une fraction près.
En 1781, à dix-fept fols trois deniers.
En 1781, à dix-fept fols un denier & une fraction.
En 1785 , à dix-fept fols deux deniers & une
fraction.
L’extrême rapprochement de ces réfultats, indique
fenfiblement la régularité établie dans toutes
les parties, de dépenfes. Le roi a ordonné l ’im-
preflion annuelle des comptes ; & comme ils contiennent
différens détails inftrudtifs, on a déjà réformé
, fur ce modèle, le régime intérieur de plu-
fîeurs maifons de charité : on le fait encore tous
les jours } & deux autres hofpices pareils , mais
moins confidérables , ont été établis dans Paris,
avec des fonds appartenans aux paroiffes, & avec
le fecours de quelques charités particulières. Enfin
, plufieurs adminiftrations d‘hôpitaux dans les
pays étrangers , & quelques princes fouverains*,
ont fait prendre des renfeignemens fur la direction
de cette maifon , & on les a communiqués avec
empreffement, comme on en avoit recherché foi-
même en différens lieux , afin d’ajouter , par la
comparaifon, des lumières nouvelles à celles qu’on
avoit déjà réunies} l’amour de l’humanité , comme
le defir de la fortune , peut avoir fon commerce
& fes relations, & les progrès en ce genre
valent bien tous les autres.
Une foeur de la charité, remplie de zèle & d’intelligence
, gouverne habituellement les détails de
l ’hofpice donc je viens de parler, & MmeNecker,
réunie M. le curé de Saint-Sulpice , a dirigé,
jufques à préfent, cet établifiement, avec les foins
les plus affidus. Je ne puis pas dire qu’elle y ait
mis fa gloire , non plus qu’à tous les autres objets
de charité publique dont elle s’eft occupée, car ce
font des motifs plus purs qui l’ont conduite } elle
n eut jamais pu fe donner tant de peine pour des
applaudiffemens ; elle a élevé fes regards au-deffus
des hommes , & cette piété qui anime la bienfai-
fance , eft devenue fon guide & fon encourage-
ment Quand on fe fait une haute idée de fes devoirs
, quand on les ramène à des principes étrangers
aux vanités du monde , on s’approche, ce
me femble, du degré de perfection morale où
1 humanité doit tendre } mais qui peut fe flatter de
fe préfenter , avec une intention fi pure , dans la
carrière du bien public ? Je m’abaiffe le premier
devant tant de vertu. Eft il permis, diront de nouveau
quelques perfonnes , de s’expliquer ainfi fur
un autre foi-mênie ! Quel étrange langage, &
peut-être quel ridicule 1 Je veux bien en courir le
halàrd 3 je ne fais , à vrai d ire, quelle opinion
pourrait me dédommager aujourd’hui du facrifice
de mes plus douces penfées} & ce ridicule donc
on vous menace, il n’eft pas fi aifé qu’on le penfe,
de le jetter fur des fentimens raifonnables, lorfque
ce n eft point en tremblant qu’on les avoue.
Le r o i , dans le tems de mon adminiftration ,
avoit ordonné, par des lettres-patentes enregiftrées
au parlement , que les malades de l’hôtel-Dieu ,
accumulés dans un m êm e jit, feroient dorénavant
abfolument féparés. Les difpofitions intérieures ,
néceflaires pour l’exécution de ce louable projet.,
ont été continuées } deux grandes falles feront in-
ceffamment finies , & les intentions bienfaifantes
de fa majefté commenceront à être réali fées. Les
fonds mis à part pour cette dépenfe , ont été fidèlement
' ménagés fous la direction d’un magiftrat
plein d e z è le & d’amour du bien ; ces fonds proviennent
d’une offrande préfentée volontairement
par les compagnies de finance , à la place du pot-
de-vin qu’elles étoient dans l'habitude de remettre
au miniftre des finances} & , de plus, d’un don considérable
que m’avoit fait le précédent archevêque
de Paris, pour être employé dans tel établifiement
de bienfaifance que je préférerais , & qui ferait
agréé par fa majefté. Je rappelle ce trait, afin de
payer à la mémoire de ce vertueux prélat, le tribut
de refpeCt & de reconnoi.ffance que j’ofe lui
rendre au nom de toutes les âmes fenfibles & de
tous les coeurs charitables. L ’aCte notarial qu’il
voulut abfolument paffer avec moi dans cette oc-
cafion , rapproché de la différence de nos religions,
& de la force de fes opinions fur cette matière,
eft peut-etre un monument fingulier.
bliffemens utiles à la fociété } & la grande objection
dont on fait ufage , c’eft que de"pareilles inftitutions
entretiennent la pareffe, en difpenfant le
peuple de fe ménager une épargne , pour le tems
de la vieilleffe & des infirmités. II fe peut , en
effet, que l’efpérance d’ un fecours dans les maladies,
ou d’un afyle dans l’âge avancé , rende quelquefois
moins laborieux & moins prévoyant 3 mais
les falaires des hommes qui vivent d’ un travail
groffier font tellement compafles , qu’il leur faudrait
un effort continuel pour fe foumettre à la
nature des privations qu’exigerait la préparation
journalière d’une épargne de quelque valeur. La
fociete, cjui abandonne cette claffe d’hommes au-x
loix impérieufes des propriétaires, ne peut légitimement
s affranchir de toute compaflion envers
elle , dans les momens ou l'âge & les maladies la
privent du plus étroit néceffaire} & ce ferait, je
le penfe , une grande injuttice, que de lui demander
une forte d’abnégation delle-même , lorf-
qu’on règle fa part au patrimoine commun * & de
vouloir quelle reprenne enfuite l’efprit de refle-
xion , pour lier a chaque inftant l’avenir au pré-
io"?*’’ . n ^ft donc plus conforme aux loix de
1 équité, que ces établfi'emens publics, où les véritables
pauvres trouvent des fecoms dans leurs
infirmités & leurs maladies 3 & s’il eft des momens
où la confiance , en de pareils fecours, les
rend moins économes , il en eft d’autres où cette