
leurs cohortes dévoreroient le peuple J te feroit
*a feule différence.
Leurs profits réglés fur tout un peuple y font
très-fenfibles, par' conféqûent il eft clair que fi on
ordonnoit que chaque province fe chargeât de fes
impôts, comme les pays d’états, les peuples con-
fevveroient fur les biens qui leur font propres , ce
qui fuffit pour enrichir un nombre de perfonnes
dont on peut fe pafler. Conviendra-t-il mieux que
cette portion paffe à ceux qui n’y ont aucune ef-
pèce de droit, ou qu’elle demeure à ceux dont les
biens font le patrimoine,,à ceux qui font naître
les fruits par leur travail 8t leur induftrie?.
Je conviendrai, fi l’on v e u t , que les grandes-
affemblées dans lefquelles Un corps de nobleffe
nombreux 8c un peuple_confidérable peuvent prendre
des réfolutions uniformes , doivent donner
quelque.jaloufie .à un gouvernement ; je fais qu’il
faut pafler à la politique jufqu’à fes ombrages ,
quelle doit prendre des précautions même fupçr-
flues, 8c que fa prévoyance doit s'étendre jufqu'au
moralement poflible. On peut dire auüi que la dignité
fouveraine eft en quelque façon rabaiffée ,.
lorfqu’elle négocie avec fes fujets. Je ne combattrai
pas la valeur de ces objeéfions.
Mais fi l’on divife ces provinces en des diftriâs
de peu d ’étendue, comme fontjm France un bailliage
, une fénéchauffée. qui s’aflembleront fépa-
rément, la crainte des projets dangereux, eft diifi-
, pée ; le danger d'une intelligence capable de nuire
i l plus lieu , 8c l’on fixe la tomme que chacune
de ces parties doit donner, 1 autorité fouveraine
conferve fa majefté.
On fait ce qui eft impofé fur chaque bailliage,
on peut en raffembler tous les états, 8c comparer
leur fomme totale avec celles que les fermes ou
régies rapportent aux finances j fi on ote 1 excédent
f c qu’on le diminue fur chacun au fol la livre , on
recevra çpipme auparavant ce que chacun fournit
aux coffres de l’épargne. On n’aura ôté que les
profits des fermiers 8c les frais de la levée j il ref-
tera une impofition égale à ce que les fermiers ont
accoutumé de recevoir. On pourroit même la rendre
plus fqrte lorfque les befoins l'exigeraient.
Chaque fénéchauffée feroit folidaire pour fpn
.contingent j elle le repaitiroix fur châCUfté de fes
parodies dans une àffemblée, après avoir taxé par
tê te , mais avec modération, F’induftrie 8c les arts,
dans’ les villes qui y font comprifçs, ainfi que les
babitans.
Le maréchal de Vauban vouloir, pour ôter jiif-
qu’aux moindres frais de levée 8c enlever jufqu’aux
prétextes des contraintes, que l'impôt fût pris fur
les fruits, comme une dîme eccléfiaftique, 8c que
cette dîme fût affermée au profit du fouverain.
L ’ufage n'étoit peut-être pas de fon tems de ne
donner à l’état que moitié valeur de ce qui lui api
partient , 8c de porter au double le prix de fes dé-
penfes. Les fermes dans ce goût produiroient peu ;
mais fi chaque paroiffe afferme une portion de fes
fruits pour fon compte, & qu'elle foit tenue de
parfournir à la recette ce qui fe trouveroit manquer
à la fomme qui lui feroit impofée , on ver-
roit monter les fermes aufli haut que l'on peut les
porter. Cette légère différence en fait une totale
dans ce fyftême.
La ferme 3 telle que je la propofe, feroit d*un
rapport bien plus confidérable que la dîme ordinaire
j elle comprendroit 3 outre les grains 8c les
boiflons‘, les bois taillis , les prés, les pêcheries ,
même les pâturages & les vacans , en réglant, félon
les befoins 8c le local de chaque paroiffe , une
légère taxe par tête de bétail, fuivant fon efpèce.
C e t impôt pourroit tenir lieu de tous ceux qui
exiftent, 8c qu'on peut appeller tributs 5 dans ce
nombre font compris la taille, 1a capitation des
propriétaires , les douanes intérieures 3 la gabelle,
les aides j le produit feroit le même pour l'état, ÔC
la perception plus fimple pour les peuples.
Dans cet arrangement, on verroit le peuple payer
avec joie la même fomme qu'il faut lui arracher
par la crainte. Sa fituation l’expofe à fouffrir la
violence, parce que le défaut du débitée fes den-,
rées ne lui permet pas de s'acquitter, 8c parce que
la dureté des contraintes porte l’impôt au-delà des.
forces naturelles des fujets, 8c prend fur le né-
ceffaire.
On entend laifïer fubfîfter plufieurs droits qui
fe lèvent au profit de l'état ^ parmi ceux qui ne
gêneront point une liberté décente au citoyen, ni
celle du commerce.
On pourroit même tirer quelque parti du fel j il
fuffiroit d’y apporter les tempéramens que diète
l'équité , & d’en ôter la fubtilité & la rigueur que
l'efprit fifcal y a ajoutées.
Il eft aifé de comprendre qu’en laiffant aux peuples
l'excédent de ce qu'on prend fur eux, 8c qui
ne profite pas aux finances, on laiffe un fonds tout
préparé pour les néceftîtçs de Tétât. On peut voir?
aufli que fe fyftême renferme les deux avantages
qui Oht fait donner à la ferme la préférence fur la
régie. La recette eft aufli commode, & le minif-
tère, encore plus débarrafle que dans Tadminiftra-
tion par ferme , peut donner aux autres affaires
importantes, toûtè l'attention qu'elles méritent.
On croit que le produit de cette dîme égaleroit
au moins celui de la taille des aides, des douanes
& de la capitation. D'ailleurs, chaque bailliage
pourroit choifir les expédiens les plus convenables
à fa pofition pour completter le contingent qui lui
feroit demandé. Il réfulteroit toujours de cette
forme d'impofition deux avantages ineftimables.
F E R
L e contribuable fera délivré du poids d’ une main
étrangère & avide 5 il payera la majeure partie de
fon tribut avec la plus grande égalité que l'homme
puifle pratiquer , & par la voie la plus douce &
la plus commode. Il feroit même facile de réduire
tous lès impôts à ces deux j l'un en nature, l’autre
en fupplément. Il refte à démontrer que cette méthode
fourniroit encore des reflburces pour les
cas imprévus & preflfans.
Lorfqu'on s'adrefle aux financiers pour des avanc
e s , ils les font quelquefois j mais elles ne fon£
pas gratuites : ou l'état en paye un intérêt que Ton
doit appeller ufure, ou Ton exige de lui des loix
onéreufes aux peuples, c'eft-à-dire,contre le corps
de l'état.. La volonté ou le pouvoir des fermiers
ne font pas toujours les mêmes j on eft encore
obligé de recourir aux emprunts , & de laiffer
courir des dettes forcées qui décréditent le gouvernement
dans la nation 8c chez l'étranger.
J'ofe dire que cette nouvelle manière de diftri-
buer les impôts , évite ces deux abus. On peut
laiffer les fermiers à l’écart & n'ufer que des emprunts
: ce fyftême les facilite à un point qui ne
peut fe comprendre, 8c diminue les interets exor-
biràns qu'exigent les prêteurs.
Je fuppofe l'intérêt ordinaire à cinq pour cent 5
fi l'état veut le donner à fix , 8c "déléguer telle ou
telle paroiffe pour le paye r, fans que celui qui
aura prêté ait befoin de pafler par d'autres mains,
on peut ouvrir les bureaux , l ’argent s'y verfera
avec profufion.
Je ne faurois diflimuler que cet expédient rendra
les emprunts fi faciles , qu il en peut naître
des inconvéniens.. Si Ton fuppofe une cour entièrement
déréglée , un gouffre qui engloutit fans
cefle, 8c où tout difparoît, on abufera de la libéralité
du prince pour l’appauvrir , en lui faifant
aliéner fes revenus. Tout gouvernement fera bon ,
s’il eft dirigé par la vertu ; fi on n'en conferve aucune
, la meilleure inftitution fera très-mauvaife j
mais on ne doit pas rejetter ces chofes, bonnes
en elles-mêmes, fur la fuppofition imaginaire d'une
extrême dépravation.
Si dans les cas de guerre on augmente les finances
, en groflifiant chaque ferme particulière, par
quelque augmentation de la redevance des fruits ,
& en furhauflement proportionné de ce qui le
lèvera par capitation, on trouvera dequoi payer
les intérêts 8c dans la fuite les capitaux , s'il fub-
fifte quelque règle & quelque fagefle,
On ne fera point étonné que l'efprit partifan
oppofe des objections,■ & trouve des difficultés
dans .un fyftême aufli fimple 8c fi contraire à fes
intérêts. On entend déjà dire que Ton réduiroit à
Finances. Tome I I .
F E R t u
la famine une multitude de fujets que la finance
fait fubfîfter.
II faut diftin’guer deux clafles dans cette pro-
feffion: ceux qui ont manié les affaires, & les fubal-
ternes. Les premiers nient pas befoin que l’on penfe
à eux. La fécondé claffe peut encore fe fubdivifer.
Ceux qui font nés de quelque famille honnête, feront
dans la même fituation dans laquelle ils etoient
avant d’ avoir obtenu un emploi ; ils ne font pas
fans reffourcë, du-moins le nombre de ceux qui
s’en trouveraient privés feroit bien médiocre : ce
danger ne regarde que les bas commis & les
gardés.
Parmi ceux là , plufieurs reprendraient des métiers
qu’ils ont quittés, au grand préjudice du public
Il eft vrai que tous n'en avoient pas j mais
l’intérêt de cet ordre de gens peut-il balancée
celui de tout un peuple? doivent-ils attirer cette attention
plutôt que le grand nombre d officiers 8C
de foldats que Ton licencie à la paix, tandis que
les uns ont" confommé leurs foibles reflburces
pour fe mettre en fituation de fervir l’é ta t, 8c que
tous ont verfé leur fang pour la patrie ? Je demande
que Ton veuille réfléchir à ce parallèle.
Cependant, fi la pitié parle (>our e u x , on ne
fera point ce changement tout-à-coup. Si on ne
commence que dans une ou deux provinces, 8c a
la fin d'une année de guerre, leur place eft trouvée
bien utilement pour l'état. Ils remplaceront ceux:
qui auront péri dans le fervice de terre ou de mer,
& continuant fucceflivement à chaque campagne ,
on ne doit pas être embarrafle de leur fort. C e
changement tournera à l'utilité commune de deux
manières.
Un autre écrivain connu par des ouvrages agréables
de littérature , M. Pefielier , a rappelle dans
la première édition de l’Encyclopédie , ce que le
célèbre auteur de TEfprit des Loix a dit fur la
même queftion ; quelle eft la méthode la plus avan-
tageufe d’affermer les revenus publics , ou de les
| mettre en régie ; & comme il panche pour ce dernier
parti, M. Pefielier eflaye de perfuader par des
obfervations, que ce n’eft pas le meilleur. Laif-
fons-le parler lui-même. Tout en louant M. de
Montefquieu de fa modeftie, il ne fe pique pas
d'être fon imitateur. Voici comment il énonce fort
plan de réfutation.
On va reprendre fucceflivement les principes
que M . de Montefquieu pofe en faveur de la rég
ie , pour fe mettre en état de s'en convaincre ou
de s'en éloigner. Si l ’on fe permet de les combattre
, ce ne fera qu'avec tout le refpeét que I on
*doit_à l'opinion d'un fi grand homme. Un philo-
jophe nejl point fubjugué par les grandes réputations
; mais il honore les génies fublimes 6* les vrais
talens• Q