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réfolut de fermer l'entrée de la France, aux productions
des manufactures étrangères , 8c de fuppri-
mer les droits 8c impôts perçus dans l'intérieur,
pour les convertir tous en un droit uniforme
d’entrée 8c de fortie , percevables aux frontières
du royaume. Ç ’elt dans cet efprit que fut drefie
le tarif de 1664 : le projet de M. Colbert étoit
général, & s’étendoit à toutes les provinces du
royaume3 mais celles qui font encore aujourd’hui
réputées'étrangères , y oppofèrent une réfiftance
peu éclairée Sc injufte fans doute , mais que le
miniftre ne voulut pas furmonter : l ’ouvrage demeura
donc imparfait.
On voit par cet expofé fimple 8c vrai , que
M. le contrôleur général, en travaillant à l’ exécution
du tarif , ne fait que fuivre 8c achever l’ouvrage
commencé par M. Colbert.
Que penfer donc de la contradiction dans laquelle
tombe l’auteur des - lettres 3 qui'réclame
l ’autorité de M. Colbert , qui convient que l'exécution
3 quoiûu incomplette y du plan de ce miniflre , fit
éclore en peu d'années une multitude de manuf aéiures,
créa le commerce , 8c q u i, d’un autre côté , repréfente
dans tout fon ouvragé l’achèvement de l ’exécution
du projet de M. C o lb e r t, comme une invention
de traitans & de travailleurs en finances ,
comme une opération de fi ru clive de tout commerce ,
ruineufe , meurtrière 3 &c. ? On ne fait quel nom
donner à cette manière de préfenter les objets.
Les lettres d’un citoyen avoient été répandues
avec profufion dans la Lorraine. Tous ceux qui
craignaient la décadence du commerce de contrebande,
qui formoientles plus riches marchands,
prônoient cet ouvrage comme le rempart de 1&liberté
de la province , tandis qu’il n’é to it, dans le
fa i t , que le foutien d’un trafic deftruCtif de toute
induftrie. La réfutation qu’on vient de rapporter,
8c qui montre fi évidemment les fauffetés 8c les
contradictions, les inconféquences & les abfurdi-
tés dont çes lettres fourmillent , ne fut prefque
lue que dans la capitale j & l’auteur des lettres
continua de fe targuer dans fa province , de l’or- j
gueilleufe prétention d’avoir fait échouer les vues
bienfaifantes du gouvernement , à l’égard de la
Lorraine.
Le projet de la fupprefiion de toutes les barrières
intérieures , relia , en effet , fans exécution
alors. (E n 1762.)
Le miniftre des finances, qui montroit en 1779
tant de zèle & d’ardeur pour tout ce qui pouyoit
contribuer au bonheur de l’Etat , 8c opérer la *
prolperité du commerce, fut frappé, comme tous
(es prédéçeffeurs., des avantages de l’abolition des
douanes intérieures , 8c en particulier de la réunion
de la Lorraine aux cinq groffes fermes. Mais
penfant, comme. C o lb e r t, que la voie de la pçr-
fuafion devoit être préférée , dans cette circonf-
.tgnce », à toutes celles qui s’éloi|n©ient de la mo*
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deration , il communiqua fes vues aux principaux
magiilnits de la Lorraine dans les termes Ali vans.
» Je viens , M. , d examiner la lituation de la
Lorraine , par rapport à fes produirons & fon
commerce, bon fo l , allez fertile en général, pré-
fente dans fes récoltes , outre les comellibles de
toute efpece , des lins, du chanvre & des laines ;
ainii , elle a les matières premières propres à la
rubrication. On trouve encore dans quelques-
unes de fes parties , .des mines de fer abondantes >
les bois y font communs ; enfin, les lacs, les rivieres
& les ruilfeaux, G utiles pour les communications
& pour alimenter les ulines, y font aulïi en
grand nombre.
.avantages reunis appellent Ipecialement les
nabitans de cette province à l’état de manufactu-
ners, 8c je vois que cette deftination n’a été fui-
vie qu’en partie. Il s'eft élevé des fabriques de
draps 8c de toiles , des forges, des verreries 8c
faïanceries, des papeteries & des tanneries- Chacune
de ces branches d’induftrie e ft, fans doute ,
eiientielle à entretenir; mais elles ne font pas auflî
multipliées qu’elles pourroient l’être , foie pour
faire valoir les propriétés, foit pour accroître la
population , en occupant un plus grand nombre
de bras. Au refte , les fabriques , dans leur étac
aéluel, forment un des objets de votre commerce:
le ftcond comprend les marchandifes importées
de l’étrangër 8c du royaume. -
, Lorfque votre réunion à la couronne s’eft opérée
, vous avez demandé à n'être point fous le régime
des droits de traite , & vous êtes reftés
etrangers à la France pour cette partie d’adminif-
tration ; de-là font réfultés plufieurs arrangemens.
i° . Vos anciens fouverains avoient établi des
droits , connus lous la dénomination générique de
foraine, Ces droits perceptibles fur toutes Jes
marchandifes quelconques à l’entrée & à la fortie
ont été confervés, Ils font modiques en eux-mêmes
; mais leur quotité varie fuivant les diftriâs.
Près de fept cens bureaux font émployés à les lever
, & le commerce s'eft plaint fotivent de ce
qu’à chaque pas fes tranfports étoient fufpendus j
de ce que la différence dans les quotités étoit gênante
, de ce qu’en un mot, il naifîbit de l'un &
de l’autre des entraves qui déçoncertoient fes fné*
dilations.
X°. La barrière qui, jufqu’alors , vous avoit réparé
de la France , a continué de fubfïfter. Toujours
réputés étrangers, vous avez partngéja condition
de l’étranger effeffif, 8e, comme lu i, vous
n’ avez rien pu y envoyer, ni rien en tirer, qu’à la
charge de payer les droits de foraine à l’entrée Se
à la fortiç.
3°. Comme toutes les loix prohibitives du
royaume n’ont point d’exécution en Lorraine
l’ étranger vous a fourni librement, Se fans dif-
. tinélion,
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tîmftion , dès marchandifes permises & des marchandifes
prohibées. w
Il eft réfulté de-là , que votre commerce de
manufacture a langui , 8c que toute efpèce d’in-
diiftrie n’a pris ni énergie, ni activité.
Sans parler de l’influence de la foraine fur cette
pofîtion, il eft certain que le défaut de communication
libre avec la France , eft l’effet le plus capital.
' La plupart des ouvrages de fabrique étrangère
font impofés à des droits confidérables d’entrée. Il
en eft même quelques-uns qui ne peuvent entrer
que par certains ports ou bureaux. Le principe de
cette légiflation tient à la préférence qu’on a voulu
affurer aux fabriques de France. Les vôtres
étant cenfées étrangères , fe trouvent foumifes à
ces divers affujettiffemens, & comme ils leur fe- ,
roient trop onéreux, elles font forcées .de renon- !
cer à une exportation, que la convenance du local i
& les autres relations leur rendroient fi intéref-
fan te.
Dès-lors, la confommation de la province 8c
les envois à l ’étranger , font les feuls débouchés
qu’elles aient j mais vous favez mieux que moi,
M. , qu’ils ne fuffifent qu’imparfaitement à leur
débit , & qu’il vaudroit bien mieux pour la Lorraine
avoir à trafiquer de Tes manufactures avec la
France , qui eft un pays riche , qu’avec l’Allemagne
8c la Siiiffe.
Si les matières premières manquent aux befoins
de ces fabriques , la même raifon de convenance
les porteroit à s’en procurer de l’inférieur , 8c
cette reffource leur eft également enlevée , parce
qu’elle ne leur feroit pas moins difpendieufe.
II eft vrai que votre commerce de marchandifes
étrangères doit profpérer , aii moins pour celles
qui font ou prohibées en France , ou chargées de
gros droits. Votre province eft un entrepôt toujours
fubfiftant pour les fraudeurs qui vont y faire
leurs achats} c'eft un magafin où les habitans fe
fourniffent eux-mêmes : de-là le double moyen de
vivifier ce commerce.
Ici j’examinerai fi cet avantage compenfe le préjudice
que reffentent vos manufactures.
i ° . On m’attelle que les riégocïans qui font ce
commerce , ne compofent que quatre ou cinq
maifons , & la clafife la plus nombreufe des fa-
bricans doit elle leur être facrifiée ? D ’ ailleurs ,
eft-ce un commerce de fraude & de contrebande
entre les fujets du même monarque, qui doit être
favorifé ? N ’eft-ce pas manquée aux devoirs les
plus refpeCtables, enmêmetems qu’on entretient
la dépravation des principes , 8c qu’on expofe à
des punitions aviliffantes, des citoyens excités par
l ’appât d’ un lucre illicite ?
z° . La caufe des fabricans, comme je l ’ai déjà
Finances, Tome JJ,
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obfervé, eft liée avec celle des propriétaires. Les
productions deviendraient plus précieufes , .fi les
fabriques profpéroient.
3°. Combien d’ouvriers , portion de fujets fi
intéreftante dans un E ta t , tirent leur fubfiftancc
du travail de ces fabriques ?
Enfin , il ne faut pas oublier que la Lorraine eft
un pays de manufactures.
C e s confîdérations , que j’aurois pu développer
davantage , font dignes d’être pefées par un ma-
giftrat-citoyen , tel que vous , M. j vos connoif-
fànces personnelles leur donneront un nouveau
degré de force , oc les vues du bien public, qui
vous dirigent 3 vous fixeront de plus en plus fur
le parti qui doit être pris.
On l’a dit depuis long-tems, le fèul moyen de
rétablir vos fabriques , eft de rompre les barrières
qui font entre la France & la Lorraine , 8c de les
transférer fur les limites de cette province, du
côté du pays étranger.
En 1761 , le miniftère s’occupa de la confection
d’ un tarif uniforme. C e grand projet , qui
embraffoit la Lorraine , éprouva de la part de vos
négocians de vives oppofitions , contre lefqueiles
les fabricans réclamèrent. J ’ai lu ce que les parties
ont refpeCtivement écrit , 8c je fuis étonné
que les fabricans n’ ayent pas alors entraîné tous
les fuffrages.
Quoi qu’il en fo it, pour faire d’autant plus ap-
percevoir ce que la Lorraine gagneroit à n’être
plus aflimilée à l’étranger effectif, le confeil a accordé
à quelques ufînes des modérations de droits
à l’entrée. Cette expérience, en rendant fenfibles
les réflexions des fabricans, lors de la difcuflion de
1761 , doit enfin avoir éclairé les efprits. S’il en
étoit autrement, ces modérations de droits n’ayant
pas rempli le but qu’on s'étoit propofé, ce feroit
le cas de les fupprimer.
Il n’eft pas queftion, dans ce moment, du tarif
uniforme 5 mais en attendant que Jes cirçonftances
permettent d’ y revenir , la Lorraine ne doit elle
pas accepter les droits de traite , tels qu’ils existent
actuellement ?
Rien ne paroît lui convenir davantage, que de
confentir à fa réunion aux cinq groffes fermes.
Une circulation libre 8c abfolue dans toutes les
provinces qui les compofent , feroit le prix de ce
nouvel arrangement. Àinfi , tout ce qu’elle y en-
verroit, tout ce qu’elle ©n tireroit, feroit exempt
de droits. Les bureaux feroient placés fur l ’extrême
frontière qui touche à l ’étranger j c’eft là
qu’on exigeroit les droits qui font perçus aujourd’hui
fur tout ce qui paffe des cinq groffes fermes
eh Lorraine , 8c réciproquement, 8c Jes droits de
foraine feroient fupprimés.
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