
demeurera convaincu qu’il n’en eft aucune qui
n’ exige , pour être dignement remplie le concours
des plus grandes qualités de l’efprit & du
coe u r , les lumières de' l’homme d’Etat , les intentions
de bon citoyen , & la plus fcrupuleufe exactitude
de l’honnête- homme vraiment tel j car ce
titre refpeêtable eft quelquefois légèrement prodigué.
On verra qu’il eft indifpenfable ,
i° . Que le régifleur régiffe, perçoive, adminif- .
tre comme pour lui-même.
2°. Que le fermier ou l’aliénataire , évite également
la négligence qui compromet le droit & la
rigueur qui le rend odieux.
3°. Que l’entrepreneur exécute fes traités avec
une exa&itude qui mérite cfelle des paiemens.
4°. Que les tréforiers 8c les autres charges ou
emplois à maniement, donnent, fans ceffe , des
preuves d ’une probité qui réponde "de tout , &
d’une intelligence qui ne prive de rien.
5°. Que tous , enfin , étant par leurs places ga-
rans & refponfables "envers l’E ta t, de tout ce qui
fe fait en leur nom , ou pour le gouvernement, ne
doivent employer en fous-ordre , dans le recouvrement
8c dans les autres opérations dont ils
font chargés, que des gens humains, folvables,
intelligens, 8c d’une probité bien conftatée.
C ’eft ainfi que tous les financiers , chacun dans
leur genre , & dans l’ordre des proportions de lumières
, de fonctions , de facultés , qui leur eft
propre & particulier, peuvent être eftimés , con-
lîdérés , chéris de la nation , écoutés , confultés ,
fui vis par le gouvernement.
C e portrait du financier bleffera peut-être une
partie des idées reçues mais font-elles été en
connoiffance dé caufè ? Et quand elles feroient
juftifiées par quelques exemples , doivent-ils tirer
à conféquencë pour l ’univerfalité ?
On répondra vraifemblablement, qu’il feroit in-
jufte & déraifonnable de les appliquer indiftin&e-
ment à tous les financiers. Que penfer de cette application
indiftin&e & générale , dans un auteur
accrédité par fon mérite & par fa réputation ?
J’ouvre l’Efprit des loix , ce livre qui fait tant
d'honneur aux- lettres , à la raifon , à l’humanité ,
& je trouve dans cet ouvrage célébré , cet efpèce
d^anathême lancé contre les financiers , que l’on
affecte de confondre tous -, dans les injurieufes dénominations
de traitans & Républicains.
=-> Il y a un lot pour chaque profeffion. Le lot
35 de ceux qui lèvent les tributs , eft les richeffes ,
as & les récompenfes de ces richeffes | font lesri-
33 cheffes elles-mêmes. La gloire & l’honneur
»J font pour cette noblefle , qui ne connoit ,
33 qui ne voit ,, qui ne fent de vrai bien , que
33 l ’honneur 8c la gloire. Le refpeét 8c la con-
33 fidération font pour les miniftres & les magif-
33 trats, qui , ne trouvant que le travail après le
33 travail, veillent nuit & jour pour le.bonheur de
33 l’Empire. « >
Mais comment un philofophe , un légiflateur i
un fage , a-t-il pu fuppofer dans le royaume, une
profeffion qui ne gagnât , qui ne méritât que de
l’argent, & qui fut exclue, par état, de toute autre
forte de récompenfe ?
On fait tout ce que mérite de la patrie , la no-
bîeffe qui donne fon fang pour la défendre , le
miniftère qui la gouverne , la magiftrature qui la
juge j mais ne connoît-on enfin qu'une efpèce de
gloire 8c d’honneur , qu’une forte de refpeêt 8c
de confidération ? Et n’en eft-il pas que la finance
puiffe afpirer à mériter ?
Les récompenfes doivent être proportionnées
aux fervices , la gloire aux facrifices , le refpeéfc
aux vertus.
Un financier ne fera , fans doute , ni récompen-
f é , ni refpeétè , ni cônfidéré , comme un Turen-
n e , un C olb e r t, un Séguier... Les fervices qu’il
rend, les facrifices qu’ il fait, les vertus qu’ il montre,
ne font ni de la même nature , ni du même
prix. Mais peut-on , doit-on décemment, équitablement
, raifonnablement en conclure , qu’ils
n’ont aucune forte de valeur 8c de réalité ? Et
lorfqu’ un homme de finance , tel qu’on vient de le
peindre , tel que "l’on conçoit qu’il doit être,
vient juftifier l’idée que l’on en donne, fa capacité
ne rend elle pas à l’Etat des fervices effentiels ?
fon défintérenement ne fait-il pas des facrifices?
& fa vertu ne donne-t-elle pas des exemples à fui-
v re , à ceux-mêmes qui veulent la dégrader.
Il eft certain, 8c l’ on doit en convenir , que
l’on a vu dans cette profeffion , des gens dont l’ef-
prit, dont les moeurs , dont la conduite, ont mérité
qu’on répandît fur eux , à pleines mains , le
fel du farcafme & de la-plaifanterie, 8c l ’amertume
des reproches les mieux fondés.
Mais ce corps eft-il le feul qui préfente cies
membres à retrancher ? & refufera-t-on â la no-
bleffe, au miniftère, à la magiftraturé , les éloges
, les récompenfes , & les diftinéfcions .qu’ils
méritent , parce que l’on a vu quelquefois en défaut
, dans le mrlkaire , le courage j dans le miniftère
, les grandes vues > dans la magiftraturé, le
favoir 8c l’intégrité?
On rédameroit avec raifon contre cette injufti-
ce. La finance n’a-t-elJe pas autant à fe plaindre de
l’Efprit des lo ix , 8c ne doit-elle pas le fairè avec
d’autant plus de force, que l’auteur ayant plus de
i mérite & de célébrité , eft aufli plus dangereux
pour es opinions qu’il veut accréditer ? Le moindre
reproche que l’on puiffe faire en cette occafion
à cet écrivain , dont la mémoire fera toujours
chère à la nation , c’eft d’avoir donné pour affection
générale, une obfervation perfonnelle 8c particulière
à quelques financiers , & qui n’empêche
pas que le plus grand nombre ne defîre , ne recherche
, ne mérite 8: n’obtienne la forte de récompenfe
, de gloire , de refpeét 8c de confidération
qui lui eft propre. *
M. Peffelier , auteur de cet article, tiré de la i
première édition de l’Encyclopédie, ne tombe-t il
pas dans la faute qu’il reproche au très-célèbre
auteur dé l ’Efprit des loix ; de conclure du particulier
au général? On conviendra volontiers^ qu’il
a exifté 8c qu’il exifte des financiers , qui ont mérité
& qui méritent l’eftime 8c même la recon-
jnoiffance publique j mais dans tous lés tems, dans
tous les pays , le plus grand.nombre n’a-t-il pas
toujours mis l ’amour de l’argent avant l’amour de
la patrie ? 8c la profeffion de lever ou recueillir les
deniers publics, ou de participera leur maniement,
n’ a-t elle pas été par-tout, regardée comme la plus
difficile à exercer avec pureté; , à caufe des tentations
auxquelles elle expofe , .& de la facilité d’y
fuccomber.
En ! 5 i j , la ducheffe d’Angoulême , mère de
François I , difoit : Mon fils & moi fûmes continuellement
dérobés par les gens de finance.
En France , on doit mettre au premier rang des
f in a n c ie r s qui ont bien mérité de la nation , les
deux particuliers , qui , dans les commencertiens
de l’année 17 16, tems où l’Etat étoit plongé dans
la plus affreufe détreffe, prêtèrent d’eux-mêmes,
au régent, deux millions cinq cens mille livres.
Le tréfor royal ne poffédoit pas, en ce moment,
huit cens mille livres , 8c il avoir à répondre à un
paiement de quarante mille écus par jour , pour
les rentes feulement. Quel dommage que le nom
de ces généreux citoyens foit perdu , pour l’exemple
de la poftérité , 8c l’honneur de leur famille !
La conduite 8c les menées fourdes des.'autres
financiers ,-.ou gens d’affaires , dans le même rems
du commencement de la régence, fervent encore
à relever la gloire de ce prêt généreux , en faifant
voir qu’ un efpr.it de cupidité & d’avarice animoit
généralement tous- les gens de finance , dans un
moment effentiel, où , comme le dit l’auteur des
Recherches fur les finances , le réfte des citoyens ,
malgré fon épuifement , concouroit avec zèle à
l’utilité publique. Tome V. pag. 286. Voye^ ce
qui a été dit au mot C hambre de Justice ,
pages 230 &.231 du premier%o 1 ume. On y trouvé
l’état des gens de finances qui furent affujettis à dés
taxes, 8c dont le nombre paffe quatre mille quatre
cens'.
Dans les befoins preffans , * dans les tems de
calamité, où le peuple attend des foulagemens de
la bienfaifance du monarque , on a impofé fou-
vent Fur les gens de finance des taxes perfonnelles,
ou une capitation plus confidérable que les autres
claffes de fujets, à caufe de la facilité qu’ils ont à
acquérir plus d’aifance. Ainfi on les a vus en
1760, 17 6 1 ,1 7 6 2 & 1763 , pendant une guerre
malheureufe , être affujettis au paiement d’une
triple capitation.
En 1784, l ’arrêt du confeil du 14 mars a affu-
jetti, à un vingtième une fois payé, toutes les pen-
fîons au-deffus de dix mille livres , toutes les taxations
, traitemens ou attributions des places de
finance , dont les bénéfices excèdent pareille fom-
m e , pour appliquer le produit, au foulagement du
peuple, en confidération de l’hiver exceffif qu’il a
eu à fupporter, 8c des calamités occafionnées par
le débordement des rivières. Foye% Se cou r s .
11 n’ eft pas indifférent de rapporter ici ce qu’ont
penfé différens miniftres'des financiers. On en jugera
mieux du progrès , des lumières 8c des con-
no:(Tances , dans tout ce qui fe rapporte à Tadmi-
niftratioft des finances 3 8c l’on fera à portée de
. décider, fi notre fiècle 8c notre tems ne font pas
fupérieurs en cette partie , puifqu’ on y fait mieux
apprécier le mérite réel des gens de finance.
On trouve dans le Teftament politique du cardinal
de Richelieu 3 que les financiers 8c les partifans forment
une claffe féparée , préjudiciable à l’Etat,
mais pourtant néceffaire 5 que, c’eft un mal dont on
ne faurôit fe paffer, mais qu’il faut réduire à des
termes fupportables.
Dans le Teftament de Colbert ; que , comme il eft
de toute néceffité d’avoir quelques reffources dans
les tems fâcheux de la guerre , il n’y en a point de
plus prompte, que celle qu’on peut avoir par le
moyen des gens d’ affaires , dont le crédit fait mouvoir
toutes les bourfes 5 raifon pour laquelle le roi
a intérêt, non-feulement de s’en fervir, mais encore
de les protéger, afin qu’ils puiffent maintenir leur
crédit, & le prêtera famajefté.
' Le Teftament de M. de Louvois porte : Si la multitude
Rts financiers 3 doit être regardée, comme une
chofe préjudiciable à l ’Etat, par rapport à l’inrétêt
des particuliers , 011 doit aufli convenir qu’ ils font
fort néceffaires , 8c que c’eft un bien par rapport
au gouvernement. Ils font d’une grande utilité
dans le royaume, fur-tout dans un tems de guerre.
L’ on doit même contribuer autant qu’il eft pofii-
b le , à les rendre puiffans 8c riches, afin que, dans
les preffans befoins de l’Etat, ils puiflent faire de
grandes avances au roi , 8c lui faire trouver, par
leur crédit, les fonds qui lui font nécelfaires.
Nous allons terminer cet article, par rapporter
le chapitre qui fe trouve dans le Compte rendu au
roi en 1 7 8 1 , par le directeur général des finances ,
page 30. :