
par l'autorité , eft une des principales, conditions
qu'exige le bonheur ; l'autorité tranfmife de fubalte
mes en fubalternes entraîne toujours le caprice,
la préférence 8c la partialité , & comme les
hommes fe défefpèrent quand ils éprouvent-une
injuffice dont ils ne peuvent pas fe venger , il faut
les préferver du tourment de la foupçonher ou
de la craindre.
Il y deux fortes d'impôts ; les uns fur les
productions , les autres fur les confommations.
Les impôts fur les productions, fe prélèvent fur
les .fruits mêmes de la terre en raifon des récoltes
, ou d'une manière fixe en raifon d'un revenu
annuel qu'on préfume.
Les impôts fur les confommations, fe perçoivent
communément au moyen des douanes , ou bureaux
établis , les uns aux entrées du royaume, les
autres aux entrées des villes.
Les impôts fur les productions font les plus
naturels , 8c les plus faciles à percevoir. Ils le
feroient encore davantage s'ils étoient établis fur
l'arpent de terre & non fur une opinion arbitraire
& variable de fa valeur.
Les impôts fur les confommations ne font en
général qu'une répétition des impôts fur les productions.
Il eft égal au confommateur que le
prix d'une denrée foit renchéri par Y impôt pavé
lors de fa production, ou par Y impôt qu'on lui
demande , lorfqu’il achète cetre denrée.
Ma’ s l’ identité de ces deux genres d'impôts
n'exifte pas toujours lorfqu'il eft queftion d'objets
d'induftrie.
Suppofons un impôt établi fur le prix de ;
toutes les marchandifes qui entrent dans une
ville.
11 y aura tel objet commun d'induftrie dont
le prix ne repréfentera que le prix delà matière
première j plus, le prix des produCtions.de la terre
confotnmées ou par l ’ouvrier qui a fabriqué cette
matière , ou par ceux qui lui ont fait un habit,
des bas , 8cç. alors Ybnpôt fur l'entrée de cet objet
d’induftrie , peut être remplacé parfaitement
par un impôt fur les productions de la terre ,
puifqu'il eft égal au fouverain de percevoir trois
livres fur un chapeau valant douze livres , ou de
percevoir trois livres fur les douze livres de productions
de la terre qu'ont confommé les ouvriers
qui ont fabriqué le chapeau.
Mais s'il y a des objets d’induftrie dont le
prix ji'eft pas employé en entier en productions
de la terre j alors Ybnpôt fur ces objets fera un
impôt diftinct de Yimpôt général fur les productions.
Ceft cependant ce qui arrive- lorfque le marchand
ou l’artifte théfau-rifent ou envoyant à
1 étranger une partie du prix en argent qu'ils ont
reçu.
Or ne faut pas perdre de vue qu’une multitude
d hommes convertiffent toute l'année le
prix de leur travail, non en jouiffances , mais
en fimple faculté d'acquérir des jouiffances ;
faculté repréfentee par l'argent; en forte que le
prix des ouvrages fabriqués annuellement par
les hommes induftrieux , furpafle de beaucoup
le prix des productions confommées annuellement
par ces mêmes hommes, où par ceux qui leur
rendent des fervices.
Prouvons cette vérité par un autre exemple,
ou nous ne fuppoferons pas même une théfau-
rifation complette.
Un artifte fait dans le eburant d'une année des
tableaux qu'il vend, cinquante mille livres II en
emploie dix mille à acheter des productions de
la terre , ou a en procurer aux gens qui le fervent
pâr le faîaire qu’il leur donne ,-8c les autres quarante
mille livres , .ils les emploie i acheter des
ouvrages de mécanique.
Le mecanicien qui a fait ces ouvrages , n'a
dépenfé que dix mille livres pour les fabriquer &
pour fe procuter des"jouiffances pandant un an, 8c il
lui refte trente mille livres, qu'il emploie à acheter
une tapiflerie.
Le fabriquant de cette tapiflerie n'a dépenfé
auffi que dix mille livres pour la faire , & pour
jouir , il emploie les vingt mille livres reliantes de
quelqu'autre manière pareille à celle que nous
venons d’expofer.
Sans pouffer çetteprogreflîon plus loin, il réfui te
qu'au_bout de l’année il y a pour cent vingt mille
livres d'objets d’induftrie achetés 8c vendus &
exiftans dans la fociété.
Savoir ;
En tableaux,............................. .. y o o ç o l i v r .
En ouvrages de méchanique, . . . . 40000
En tapilferies , . . . . . . . . . . . . ___3000Ô. ..
Et cependant il n'y a que pour trente mille livres
de productions de la terre achetées :
Savoir;
Pour le peintre 8c fes ferviteurs , . . . 10000
Pour le méchanicien , .................... 10000.
Pour le fabricant de tapiflerie, . . . 10000
Donc dans cette hypothèfe il y auroit une
grande différence entre Yimpôt fur le prix des
ouvrages d'induftrie , ou Yimpôt général fur les.
productions de la terre.
Ce
C e raifonnement peut s'appliquer à beaucoup
d’autres objets j mais il fuffit de faire concevoir
qu’il n’eft pas vrai que Yimpôt fur la marchan-
dife fabriquée, foit toujours une feule 8c même
chofe avec Yimpôt fur les productions.
Voici les ipconvéniens dés impôts fur les confommations.
La perception des impôts fur les confommations
, oblige à veiller fans cefle fur les
frontières 8c fur les grands chemins. Il faut entretenir
une multitude d'efpions , de furveillans 8c
de gardes ; ce font autant d'hommes qui ne procurent
ni des jouiffances, ni des richefles permanentes
j ce qui diminue la puiflance 8c contrarie
le bonheur.
Enfin ce genre d'impôt, en rendant la fraude
facile, y fait tomber les uns par ignorance, entraîne
d'autres par avidité ; 8c il en réfulte des fautes
qui aviliflent les moeurs , 8c des punitions qui
répugnent à l'efprit focial.
Il eft cependant des circonftances, en faveur
des impôts fur les confommations.
On exagère tout en fe récriant contre ce genre
d'impôt. II femble qu'on n'a pas fait remarquer ce
qu'il a d’avantageux.
On a dit de ces impôts qu’ ils n’etoient qu’une
tricherie 8c qu’ un efeamotage, parce qu’ils n’étoient
qu’une répétition des impôts fur la production; mais
l ’art de cacher aux hommes ce qui leur déplaît,
n’eft pas un art à dédaigner. L’imagination fait
fes malheureux, comme la réalité 5 peut être
même la lifte des premières elle eft la plus
grande.
C ’eût été certainement une idée heureufe, que
de vouloir adoucir les dehors impérieux 8c rebu-
tans del’impôt, en lerepréfentant fous la forme d’ une
contribution volontaire , proportionnée au defir
que chacun auroit de dépenfer. Il eût été ingénieux
de donner ainfi, à la loi de la néceflité, une
apparence de liberté. Si donc un tel impôt étoit
auffi fimple 8c auffi facile à percevoir que Yimpôt
fur les productions, il feroit préférable.
Entre les divers impôts fur les confommations,
ceux qui fe payent à l’entrée du royaume fur
les marchandifes étrangères, tiennent à la richefle
nationale.
Il eft auffi quelques impôts à la fortie du
royaume qui peuvent être fort raifonnables. Lorf-
qu’ un pays à le bonheur de tenir de fou fol , ou
de l’intelligence de fes habitans, une forte de biens
particuliers 8c qui fera néceflairement recherchée
parles étrangers, c’eftleur faire payer une portion
de nos dépenfes de fociété , que de mettre un
impôt fur ces marchandifes. 11 ne faut pas croire
que l’abolition de cet impôt pût tourner en entier
au profit du vendeur national, 8c qu’ ainfi la fociété
ïègagnat d’un côté ce qu’elle perdroit de l’autre;
Finances. Tome 11%
car la valeur de cette impôt aboli, tourueroit au
profit de l’acheteur étranger qui lutte contre le
vendeur.
Tous les impôts fur l’exportation des objets
qui ne font point particuliers à une nation, ne
font ni fages ni politiques ; c’eft fe nuire a foi-
même.
Enfin les impôts aux entrées des.grandes villes,
ont un objet d’utilité, puifqu’ils fervent a tempérer
l’attrait de leur féjour , en haufîant le prix
des confommations. Sans cette circonftance , la
réunion des arts 8c des. fpeCtacles, la variété des
événemens 8c les chances de fortune, que pré-
fente un grand tourbillon , entraîneroient tous les
habitans d’un pay s , vers la capitale , 8c le refte
du royaume ne contiendroit que des laboureurs.
On n'examine point ici fi l’on ne pourroit pas
trouver des impôts q u i, fans s’écarter du même
efprit, préviendroient les recherches aux entrées
des villes. On fe borne à confidérer les avantages
des impôts fur les confommations.
On ajoutera aux diverfes confédérations qu'on
vient de préfenter , que quoiqu'il foit vrai que
les impôts fur les confommations foient fouvent
une efpèce de répétition des impôts fur les pro*
d u r io n s , leur effet n’eft cependant pas le même
dans certaines circonftances.
Suppofons que par des moyens extraordinaires
, ou par line maffe conndérable de dettes
publiques , la fomme des impôts foit immenfe ,
8c qu'il en exifte une moitié furies productions ,
8c l’autre fur les confommations. Il ne feroit point
indifférent de les jetter en entier fur les productions
; car cette opération en élevant fenfiblement
le prix des premières fubfiftances 8c celui de la
main d’oeuvre qui en eft la fuite , dérangeroit
les rapports qui fondent notre commerce avec
les étrangers j mais, de plus, les confommateurs
nationaux , voyant la plupart des denrées 8c
des marchandifes beaucoup plus chères dans leur
pays qu’au dehors * feroient venir de l’étranger
tout ce qu’ils pourroient en tirer, 8c contrarieroient
par cette rivalité la culture 8c l’induftrie de leur
pays.
Un homme riche ne peut pas fe fouftraire aux
impôts établis fur les confommations dans un
pays où i f vit ; mais il peut quelquefois évite*
les impôts fur les productions , en faifant venît
de l'étranger les objets de fa confommation 5 car
les prohibitions ne peuvent y mettre obllacle que
jufqu’à un certain point.
Il réfulteroit donc peut-être de ces obleiva-
tions, que les impôts fur la confommation des
denrées de néceflîté, peuvent toujours être remplacés
fans le moindre inconvénient, par une
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